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le Samedi 23 décembre 2023 14:33 Arts et culture

Quand la passion du vin français rencontre l’Alberta

«Les gens, ici, sont très curieux, ils consomment autant du vin d’Argentine que du Chili, des États-Unis ou de l’Australie», explique Yann Chappot de la Chanonie
«Les gens, ici, sont très curieux, ils consomment autant du vin d’Argentine que du Chili, des États-Unis ou de l’Australie», explique Yann Chappot de la Chanonie
Si Yann Chappot de la Chanonie baigne dans le monde du vin depuis sa tendre enfance, c’est avant tout en raison d’une passion qui puise ses racines dans sa propre histoire familiale. Avec un père exportateur en Asie, des grands-parents propriétaires d’un domaine à Cognac et d'un bar à vin familial à Avignon, il a pour ainsi dire grandi au cœur de cet univers enivrant. Fort de cette transmission intergénérationnelle et de sa propre expérience de terrain, il a récemment ouvert, avec deux collaborateurs, le Avitus Wine Bar dans le quartier Marda Loop, à Calgary. L’objectif : apporter un peu du charme de sa France natale aux amateurs de vin de l’Alberta.
Quand la passion du vin français rencontre l’Alberta
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Autre que son héritage familial, Yann a cumulé plusieurs années d’expérience dans l’importation de vin à Calgary avant de se lancer en affaires. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

«Pour être honnête, l’école n’était pas mon truc. D’abord, je n’étais pas très bon et j’avais beaucoup plus de plaisir à apprendre par les expériences de la vie», évoque Yann en réfléchissant à son parcours. Il se remémore les étés passés à travailler au bar à vin de ses parents pendant ses années d’études, des souvenirs qu’il chérit aujourd’hui bien plus que les heures passées le nez plongé dans les bouquins scolaires.

De fil en aiguille, Yann a donc acquis de l’expérience dans l’entreprise familiale, mais aussi en roulant sa bosse dans un domaine viticole en Provence. «En fait, je n’ai jamais vraiment étudié le vin, j’ai plutôt appris de mes mains», explique-t-il. C’est aussi par la force des choses et ce même désir de découverte qu’il a atterri à Calgary, il y a sept ans. «J’ai eu cette opportunité d’aller travailler au Canada dans une boîte d’importation et j’ai foncé», ajoute-t-il.

Dans l’Ouest canadien, cet œnophile a élargi son réseau en faisant la connaissance d’importateurs et d’autres personnes clés de l’industrie. Il dit d’ailleurs estimer particulièrement les façons de faire de l’Alberta qui donne plus de liberté aux marchands puisqu’il n’y a pas de main-mise de la province comme en Ontario ou au Québec.. 

D’après lui, les choix sont infinis. «On est vraiment [gâtés] parce qu’on a du vin du monde entier, on paie moins de taxes et nos prix sont corrects», estime-t-il. Pour son entreprise, «c’est génial parce que ça nous permet d’actualiser notre carte fréquemment et d’essayer de nouvelles choses», analyse ce passionné.

L’expérience pratique qu’il a cumulée lui a aussi permis de faire des constats sur les habitudes de consommation des Albertains qui sont, selon lui, beaucoup plus ouverts à explorer les bouteilles venant d’ailleurs.

«Les gens, ici, sont très curieux, ils consomment autant du vin d’Argentine que du Chili, des États-Unis ou de l’Australie. En France, c’est très différent. Si tu viens du Sud, tu achètes des bouteilles du Sud, c’est très local. On est un peu têtus, on ne va pas nécessairement explorer ailleurs que chez nous», illustre ce Français d’origine.

Le bar Avitus accueille les visiteurs dans une ambiance chaleureuse et intime. Photo : Gabrielle Audet-Michaud

Se lancer dans le vide 

Après des années à orbiter autour de l’univers du vin, Yann et ses acolytes, Moussa et François, ont pris la décision d’ouvrir leur propre établissement à Calgary, en 2023. Pour concrétiser ce projet, Yann s’est inspiré du bar à vin où il a fait ses premières classes en France en cherchant à rendre l’espace intime, douillet et chaleureux. 

«On a l’habitude des grands espaces en Alberta, ce qui est très américain. Moi, je voulais créer un endroit où les clients connaissent les serveurs, où une intimité se crée parce qu’on devient amis avec certaines des personnes que l’on sert», mentionne-t-il.

L’ambiance est similaire sur la terrasse extérieure qui pourra accueillir des amateurs de vin tout au long de l’année, peut-être à l’exception des périodes très froides de l’hiver. «On a plein de journées chaudes pendant l’hiver ici, alors ça va nous permettre de garder cet espace ouvert», explique le gestionnaire.

Par hasard et un peu par la force des choses, l’équipe de Yann est entièrement composée de Français, au plus grand bonheur des clients qui disent adorer cette immersion dans la culture du pays. «Au début, ce n’était pas voulu que le staff soit français, mais c’est devenu notre marque de commerce», ajoute-t-il.

Reconnaissable à son béret et sa moustache, Yann vous proposera pour Noël «des vins rouges qui sont un peu plus ronds, soyeux, qu’on aimerait boire à côté de la cheminée». Photo : Gabrielle Audet-Michaud 

Si les premiers mois après l’ouverture ont été très occupés au bar à vin de Marda Loop, une période un peu plus creuse a suivi en automne. Pour le temps des fêtes, le bar Avitus se prépare à renouer avec les foules. Ce sera l’occasion pour les amoureux du vin de découvrir une sélection spéciale. «À Noël, il fait froid. On va servir des vins rouges qui sont un peu plus ronds, soyeux, qu’on aimerait boire à côté de la cheminée», note Yann. 

Au niveau des bouteilles, on peut penser à des vins de Bordeaux, des merlots ou des cabernet- sauvignons, qui sont assez ronds et puissants. Sans oublier les montepulciano d’Italie qui sont assez veloutés en bouche, doux et agréables. Et pour ceux et celles qui veulent se gâter avec un vin qui coûte plus cher, Yann suggère, ces temps-ci, un Châteauneuf-du-Pape qui a une bonne puissance, mais aussi une élégance. «Il a une féminité avec l’épice, le fruit et une longueur incroyable [en bouche]», exprime-t-il avec passion.

Glossaire – Œnophile : Amateur de vin