«Roger Dallaire est à la fois conteur, musicien, comédien, marionnettiste, folkloriste, et…gentleman-farmer.» (Source : Regroupement Artistique Francophone de l’Alberta)
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Les années avaient été difficiles, la Dépression avait battu son plein pis c’était à peine fini quand la guerre fut déclarée. La sécheresse pour les fermiers, dans le sud, n’avait pas aidé. Armand et les fermiers de la région plus au nord avaient assez bien réussi. Il manquait de rien sur une terre, mais avec la guerre étaient venus les fameux coupons pour le sucre et ces choses-là… c’était pas des cadeaux.
Mais la guerre! La guerre!
Au début, la guerre était loin et ça ne semblait pas trop déranger les petits villages dans l’Ouest canadien. C’est la radio dans la maison qui donnait l’impression que la guerre s’en venait. Armand avait une radio à batteries… Pas encore d’électricité au village.
«Ferme donc ça, Armand, tu sais que ça me tanne!
– Mais môman, d’in coup qui parle d’Albert?!», avait répliqué le jeune Napoléon, maintenant âgé de 7 ans.
Napoléon admirait son frère Albert. Il le voyait presque comme un super héros, comme si rien ne pouvait lui arriver.
Au début, c’était pas si pire. Albert avait passé plusieurs mois à Edmonton. Il était revenu une fois en visite avec son accoutrement de soldat. Que c’était beau! Et que dire de toutes ces histoires excitantes d’exercices qu’il devait faire : tirer du fusil, courir à plat ventre, la piscine, les baraques, marcher aux commandements… et la ville, la grande ville, les soirées de danse. Albert s’était même assis avec ses frères pour parler des filles de la ville.
Une fois envoyé à Winnipeg, on ne le voyait plus, mais il envoyait une lettre de temps en temps. C’était pas trop inquiétant, mais Clarisse ne pouvait pas s’empêcher de se faire de la bile. Elle avait perdu l’appétit et les tâches ménagères lui pesaient sur le dos.
Vous voyez, Clarisse avait perdu son frère Arthur dans la Première Guerre… la Grande Guerre. Elle qui avait tant aimé son frère Arthur. Il avait deux ans de plus qu’elle et sa mort injustifiée était pour elle une plaie qui ne voulait pas guérir. Maintenant, son propre fils… Elle se sentait comme si on lui avait arraché pour le sacrifier.
La maison n’avait jamais paru aussi vide que lorsqu’il prit le bateau d’Halifax pour aller au front. C’était comme la mort avant son temps, mais pire encore parce qu’il n’était pas là.
«Tu vas te rendre malade, chérie… celle-ci est pas comme les autres, monsieur Langevin m’a dit que ça s’bat pas su’à terre comme la Première Guerre. C’est des avions pis des bombes envoyées de loin… pis Albert est swift à part de t’ça, pis adrette avec un fusil…»
– Tais-toé donc, tu vas m’rendre folle avec tes histoires. On avait toujours pensé qu’Arthur r’viendrait
– En tout cas, faut j’aille faire el train.»
Armand alluma son fanal, enfila ses bottes de feutre pis sa calotte avant de prendre la porte. Napoléon suivait son père de près.
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Pour les filles, les jumelles Rosalie et Madeleine, la guerre aussi avait bouleversé leur vie. Rosalie avait vite fait de se marier avec un gars de la paroisse. Un fils de cultivateur qu’elle aimait bien. Ernest Hébert était un peu plus vieux qu’elle. Les deux s’étaient connus à l’école pour les quelques années qu’il y avait été. Quand la guerre se déclara, plusieurs jeunes hommes comme Ernest s’étaient précipités à faire la grande demande pour s’en sauver. La jeune fille venait de se marier et déjà elle était enceinte. Ils vivaient tous deux chez les parents d’Ernest, pas le temps de se ramasser de l’argent pour acheter une terre et se bâtir.
Armand gardait la terre qu’il avait achetée, il y a 10 ans, de monsieur Sottiaux pour Albert… s’il revenait, comme de raison. C’était pas des familles fortunées, mais Armand pouvait se passer de son cheval Prince. Comme cadeau de mariage, ou de dot on peut dire, Armand donna Prince avec un buggy et un berlot, comme ça leur fille pourrait revenir les voir plus souvent. Clarisse avait tissé une belle catalogne avec des guenilles pour le jeune couple.
Madeleine, pour sa part, avait été reluquée par Edwin Dargis. Elle l’aimait bien, mais ne voulait pas s’attacher si vite. Elle avait d’autres projets, d’autres rêves.
«Qu’est-ce que tu y’as dit, Madeleine? Edwin est parti d’icitte, on aurait dit un fantôme. Tu l’as refusé? interrogea Clarisse.
– C’est pas ça, sa mère. Je l’aime bien Edwin… y’é pas laite pis y’é smatte itou… c’est que ça fait longtemps que j’veux aller étudier pour être garde-malade pis si j’me marie j’peux pas.»
Madeleine avait pris le train la semaine suivante pour aller à l’Académie à Edmonton pour devenir infirmière. Le War Effort prenait tous les gens qui voulaient aider. Après quelques mois à Edmonton, elle, aussi, avait été transférée à Winnipeg.
Pour Clarisse, la guerre lui enlevait ses enfants beaucoup trop vite.
Rosalie était bouleversée par tout ça aussi. Elle aimait son mari, mais, d’un clin d’œil, elle perd sa sœur et son frère. Elle ne vivait plus chez elle non plus, quoiqu’elle voyait sa mère toutes les semaines. Vivre chez les beaux-parents et attendre un enfant, ça aussi, ça change une vie. Elle avait un peu la nausée, mais ce sentiment était pour elle un mélange de tout ce qui se passait. Comme sa mère, elle gardait sa peine en dedans pour ne pas empirer la situation.
Les deux femmes se sentaient comme si la mort d’Albert était déjà garantie, elles vivaient déjà le deuil. Clarisse n’avait jamais parlé de son frère Arthur, mais, avec la venue de la guerre et la conscription, toutes les histoires et les souvenirs lui revenaient.
Chaque petite lettre d’Albert, qui n’était pas souvent, était comme un petit miracle.
«Yé encore des nôtres», disait Clarisse en voyant son écriture. Madeleine écrivait plus souvent, c’était vraiment réconfortant.
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Émile, le frère de Clarisse, avait refusé d’envoyer son aîné Adrien en guerre. La police militaire était passée et avait fouillé tous les bâtiments pour le trouver. Un déserteur, qu’on disait, un déshonneur pour la famille et la paroisse!
«J’vas toujours ben pas l’envoyer à l’abattoir», qu’avait dit Émile à Armand un soir en fumant sa pipe, les deux bras accotés sur la clôture. Ce qui rendait la chose plus difficile, c’est qu’Adrien voulait y aller. Il n’avait jamais connu la vie en dehors et à 19 ans, il avait l’impression d’étouffer sous le joug de son père protecteur.
Un jour, Adrien était allé au presbytère voir le père Chalifoux pour lui dire qu’il voulait s’enrôler. Une seule consolation se trouvait pour Clarisse et Émile : leurs deux fils allaient être ensemble.
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C’était plus vrai que jamais, la guerre venait de commencer pour nos deux jeunes soldats. Un matin atroce sur une plage en Normandie, à plat ventre un à côté de l’autre, dans le sable.
«Faut jamais se perdre de vue, tu m’entends», avait dit Albert à son cousin. Adrien, ne pouvant pas parler, les bombes et les corps tombant tout autour, acquiesça d’un hochement de tête. Les deux se relevèrent d’un bond et coururent en zigzag jusqu’à la falaise la plus proche pour trouver un peu de protection.
Après avoir survécu lors de la bataille des plages de Normandie en juin 1944, l’été avait été accablant avec de lourdes pertes. L’ennemi était féroce et cruel.
Août arriva avec la libération de Paris. Les deux jeunes hommes avaient vu mourir tant de leurs amis. De retour à Dieppe, un peu de répit. Les Français félicitaient leurs libérateurs, mais c’était désolant. Tout était détruit, tout était à reconstruire. Tout était gris, gris, gris…
Août arriva avec la libération de Paris. Les deux jeunes hommes avaient vu mourir tant de leurs amis. De retour à Dieppe, un peu de répit. Les Français félicitaient leurs libérateurs, mais c’était désolant. Tout était détruit, tout était à reconstruire. Tout était gris, gris, gris…
«C’est un miracle qu’on est encore icitte… encore en vie…», a avoué Albert, une cigarette sautillant à peine accrochée au coin de sa bouche, ses yeux retenant les larmes.
– J’ai entendu le général parler au colonel… 5000 Canadiens de morts… c’est pas juste un miracle qu’on est encore icitte… ça pas d’bon sens Albert!!! J’veux tellement retourner à maison… On n’est pas mort, mais ça s’en vient, si ça continue de même, on peut pas s’sauver…», rajouta Adrien.
– Pis c’est pas fini, as-tu entendu les dernières nouvelles?”
– Non?!
– On s’en va se battre en Hollande. C’est pas des farces, Adrien, les maudits boches ont tout bombardé les digues pis y’a des mines pis d’l’eau partout, ça d’l’air. On va être dans bouette pis l’été achève et le froid s’en vient…»
Noël approchait à St-Vincent et Clarisse n’avait toujours pas reçu de lettre.
«Émile, as-tu reçu…?» Émile n’a pas laissé le temps à sa sœur de finir sa phrase qu’il fait signe que non. Comme elle, il attendait toujours des nouvelles. La fin de la guerre en Normandie avait été un soulagement, mais le bilan des victimes aux Pays-Bas s’allongeait de jour en jour. On reçut la nouvelle que deux jeunes soldats de St-Paul étaient morts là-bas. C’était trop proche.
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La bataille des digues, au Pays-Bas, avait duré cinq semaines et les conditions étaient effrayantes. Des centaines de soldats canadiens donnèrent leur vie, subissant les attaques, à découvert, sur les terres inondées. La pluie battante et les mines rendaient la progression très difficile. Les Canadiens avaient atteint leur premier objectif en prenant la gare de Korteven malgré les lourdes pertes. Le peloton d’Albert et d’Adrien reprenait leur souffle à l’extérieur de la gare. Adrien avait été touché. Albert l’aida à s’étendre sur un banc.
«C’est rien, Albert, ça fait mal, mais y’a rien de cassé.» Adrien avait la jambe de sa culotte droite pleine de sang. Albert eut vite fait de déchirer son pantalon pour voir l’étendue de la blessure. Les soins ne venaient pas assez vite avec tous les blessés.
«Ah, c’est vraiment pas trop grave, Adrien. Une coupure de six pouces, c’est assez creux, mais y vont te coudre ça et tu vas être correct. Tu ne pourras pas te battre pour un mois, certain! Maudit chanceux!!»
Les deux riaient un peu, de soulagement. Adrien se mordit la lèvre pendant qu’Albert saupoudrait la plaie de sulfamide, une poudre blanche. Adrien était passé proche d’une mine qui avait explosé. Le débris lui avait déchiré la jambe, il avait été très chanceux.
Les Canadiens avaient réussi à faire reculer les Allemands assez pour prendre le contrôle et ouvrir l’estuaire de l’Escaut. Les bateaux pourraient enfin venir leur apporter ravitaillement et secours. Le 28 novembre 1944, le premier convoi entra au port avec, en tête, le cargo canadien Fort Cataraqui.
Albert était revenu voir Adrien à l’infirmerie. À sa grande surprise, il n’allait pas mieux du tout. Son cousin avait une grosse fièvre et délirait. Sa jambe était mauve, presque noire. Ça ne prenait pas un docteur pour lui dire que c’était la gangrène. Le docteur voulait amputer, mais Adrien refusait. Il préférait mourir que de perdre la jambe. Le soluté qu’on venait de lui poser pourrait aider, mais c’était pas garanti. Une infection de même n’était pas surprenante, les conditions de vie des soldats étaient si mauvaises. Les trous d’eau, de boue, de sang, les morts… ça sentait la charogne…
Le Cataraqui était prêt à lever l’ancre quand Albert entendit parler les amiraux d’envoyer des soldats grièvement blessés au Canada. Il les supplia d’inclure Adrien parmi les blessés.
Sur le bateau, le soir du départ, Albert était au chevet d’Adrien.
«On avait juré de toujours rester ensemble… je peux rester pis avoir des soins ici…
– Je sais, mais tu serais fou de ne pas retourner au Canada. Qui sait comment longtemps on va maintenir le contrôle de l’estuaire. C’est garanti que tu vas aller mieux dans quelques semaines.
– La guerre est loin d’être finie, on est passé si proche de se faire tuer tous les deux… les chances qu’on se revoit… j’ai vraiment peur pour toi, Albert. Cache-toi dans le bateau, fais quelque chose, mais reste pas là pour te faire tuer… Tu sais, c’est presque du suicide. On a été à un poil de la mort, jour après jour. Nos amis, le jour d’avant, étaient enterrés le jour d’après…
– Je sais, Adrien, je sais… Je ne sais pas comment, mais je vais penser à quelque chose. Je rêve du jour où je remettrai les pieds à maison… Bon voyage, mon cher cousin, mon ami. Quelque part, je pense qu’on s’est souvent sauvé la vie l’un l’autre.»
Adrien se retourna la tête pour regarder la lune à travers le hublot et ainsi cacher les larmes qui lui coulaient sur le visage. Albert lui serra le bras, se leva et partit.
Albert quitta le navire dans la pénombre. En marchant vers le quai, il aperçut deux hommes, dos à lui, parler à voix basse. Se dirigeant vers eux, il se ravisa et se cacha rapidement derrière des cordages. Leur langage lui était familier et, pourtant, il n’arrivait pas à les comprendre. Ce n’était pas du français, encore moins de l’anglais, mais chose surprenante, ce n’était pas non plus du flamand. Il s’était habitué depuis des semaines à entendre le dialecte de la région. Les deux hommes, habillés en marin, étaient des Allemands.
Albert sortit délicatement son pistolet et surprit les deux hommes qui levèrent les bras. Albert leur ordonna de se coucher par terre. C’était des espions allemands. Ils avaient caché des explosifs sur le cargo qui devaient exploser au départ du navire. Albert avait non seulement sauvé Adrien et tous les passagers, mais aussi l’estuaire et les bateaux environnants.
Albert fut promu au SOE (Special Operations Executive) à Londres, en Angleterre. Comme il ne pouvait le dire à personne, il donna à Adrien la mission d’en informer sa famille. Albert était tant qu’à lui sauvé du danger de la guerre et passerait la prochaine année loin du front.
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C’était la veille de Noël, le train venait d’arriver à St-Paul, en après-midi. Madeleine arriva premièrement chez sa vieille tante Anna pour ensuite se faire conduire par le père Chalifoux à St-Vincent. Après la messe de minuit, Ernest, le mari de Rosalie, la ramena chez eux, attelé avec Prince, ce cher cheval familial. Prince connaissait bien le chemin. Il les conduisit sans peine pendant qu’Ernest racontait toutes sortes d’histoires de leur mariage, comment ça s’était passé, sans spécifier la surprise qui l’attendait. Clarisse, Armand et les enfants les suivaient en sleigh, la famille d’Émile également. Ils avaient tellement de choses à se dire et la messe de minuit n’était pas un temps pour jaser. Les chemins étaient barrés par la dernière poudrerie. Ça prenait des chevaux pour se promener en hiver à travers champs, les voitures des années 40 ne passaient plus.
Dans la maison, Rosalie se berçait près du poêle avec, sur sa poitrine, une petite fille.
«C’est Albertine, qu’elle s’appelle.» Madeleine ne se fit pas prier pour entrer. Aussitôt retiré sa crémone qu’elle prit sa nièce dans ses bras. Albertine… pour leur frère Albert…
– Nous apportes-tu des nouvelles, ma fille? J’ai tellement prié.
-Oui, pis des bonnes nouvelles!»
Rosalie servit le thé pour tout le monde. Les hommes prirent un petit coup de gin en écoutant avec beaucoup d’attention les nouvelles qu’apportait Madeleine. Le seul bruit dans la place était la pendule sur le mur, les murmures de l’enfant et le ronflement du poêle à bois.
«Ça fait des mois que je suis à Halifax. Je ne voulais pas t’inquiéter sa mère, mais il était question de nous envoyer au front pour soigner les blessés. Tout a changé quand nos soldats ont pris le contrôle de l’estuaire, aux Pays-Bas. Les bateaux peuvent maintenant nous ramener des soldats blessés.
– Et puis… Albert? Adrien?»
Clarisse s’en pouvait plus d’attendre, elle voulait un mot pour savoir si les deux étaient vivants.
«Oui, d’abord Adrien est blessé, rien de sérieux. Il est arrivé, ça fait quelques semaines, et c’est moi-même qui l’a soigné. Une infection à la jambe, mais une fois guérie, ça ne paraîtra plus du tout. Tout dépendant de la situation en Europe, c’est possible qu’il ne retourne plus au front.»
Émile soupira de soulagement et sa femme lui tomba dans les bras en pleurant, consolée de la nouvelle.
«Albert… Albert est probablement en Angleterre jusqu’à la fin de la guerre. Adrien m’a dit que c’est un miracle que les deux soient encore vivants. Albert a capturé deux espions allemands sur leur paquebot et a sauvé la vie d’Adrien et plusieurs autres. Il a été promu en Angleterre, dans un service secret… de quelque sorte. Il ne faut pas trop en parler, je sais que c’est pas dangereux que ça sorte d’ici, mais par respect. Je ne suis même pas supposée le savoir, encore moins d’en parler.»
Le réveillon de Noël fut un des plus légers pour les parents d’Albert et d’Adrien, comme s’il flottait un peu de savoir que leurs fils étaient sauvés. Même s’ils étaient encore loin, c’était comme s’ils étaient revenus.
Ernest sortit avec son fanal donner un peu d’avoine à son cheval et lui enlever la couverte sur le dos. Il semblait ce soir qu’avec la lueur de la lune, son poil était encore plus reluisant. Ah qu’il aimait cette bête! Il n’aurait jamais pu s’en payer un aussi beau si ça n’avait été de son mariage avec Rosalie. Il avait bien hâte de revoir son ami, maintenant beau-frère. Un homme brave et fier comme Prince sans doute…
De l’autre côté de l’Atlantique, ce soir-là, l’esprit était à la fête. Albert dansait aux bras d’une jeune infirmière anglaise. Soudain, dans la lueur de ses yeux bleus, au son d’un foxtrot, il crut voir ceux de sa mère. Il eut un pincement au cœur. Un autre Noël qu’il passait loin des siens. Il espérait pouvoir les rejoindre bientôt.
Le long d’un quai d’Halifax, ce soir-là, Adrien aussi se sentait loin de sa famille et de son cousin. Se promenant, la pipe au bec, accoté sur sa canne, il regardait le reflet scintillant de la lune sur la mer, pareille aux champs enneigés et miroitants de St-Vincent un soir de pleine lune.
Le jeune Napoléon, lui, écoutait raconter encore et encore les histoires rapportées par sa sœur Madeleine. Somnolant, la tête contre les barreaux de l’escalier, il songeait à son grand frère, son héros comme dans les bandes dessinées.
Prince savait que c’était une soirée pas comme les autres. On dit que les animaux ne comprennent pas Noël, mais par le petit châssis de l’étable, il pouvait apercevoir que les gens fêtaient dans la maison. La dernière fois que c’était arrivé, Albert était venu en visite avant de partir au front. Se penchant sur son auge, il vit une étoile scintiller dans le ciel comme un clin d’œil d’un ami longtemps espéré. Oh oui, vraiment, la soirée était dépareillée!
JOYEUX NOËL!
Lexique :
- Dépression : période d’insécurité économique qui a été déclenchée par le krach des marchés boursiers en octobre 1929 et qui s’est poursuivie jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale
- Se faire de la bile : s’inquiéter
- Swift : de l’anglais, signifie brillant, intelligent
- Adrette : joual, signifie adroit, habile
- Faire le train : tâches quotidiennes consistant à nourrir et à s’occuper des animaux de la ferme
- Dot : biens qu’apporte la femme lors du mariage, principalement donnés par sa famille, en argent ou bien matériel
- Catalogne : couverture lourde tissée, comme une douillette
- Guénilles : laizes de tissus
- Reluquer : regarder avec intérêt, considérer avec convoitise
- Laite : joual, signifie laid
- Smatte : de l’anglais smart, intelligent
- Sous le joug : sous la contrainte, l’emprise
- Peloton : dans l’armée de terre, subdivision d’un escadron, petit groupe de soldats
- Gangrène : détérioration, infection grave des tissus
- Charogne : cadavre en putréfaction
- Sleigh : de l’anglais, traîneau tiré par les chevaux
- Crémone : long foulard de laine, châle
- Dépareillée : unique, particulière, sans égal