le Samedi 5 octobre 2024
le Lundi 4 mars 2024 13:43 Arts et culture

La communauté noire sous-représentée dans les salles de nouvelles du Canada

Selon le rapport de l’Association canadienne des journalistes, la communauté noire fait partie des groupes les moins représentés dans les salles de nouvelles. Francopresse -_Pixabay.jpg
Selon le rapport de l’Association canadienne des journalistes, la communauté noire fait partie des groupes les moins représentés dans les salles de nouvelles. Francopresse -_Pixabay.jpg
(FRANCOPRESSE) – Dans une enquête récente portant sur la diversité dans les salles de nouvelles, l’Association canadienne des journalistes relève que 3,9 % des membres des salles de nouvelles sont noirs. Un faible taux de représentativité qui a des effets sur la couverture de l’actualité au pays.
La communauté noire sous-représentée dans les salles de nouvelles du Canada
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Depuis 2021, l’Association canadienne des journalistes publie un rapport sur la diversité des salles de nouvelles au Canada. En 2021 et en 2022, 3 % des membres des salles de nouvelles étaient noirs. Même avec une légère augmentation de 0,9 point de pourcentage, la communauté noire reste l’une des moins représentées dans le milieu médiatique canadien.

Pourtant, «nous sommes présents au Canada, nous sommes présents dans toutes les provinces, et nous le sommes depuis des siècles à ce stade. Et ce n’est tout simplement pas proportionnel, le nombre de noirs présents dans les salles de nouvelle, par rapport à la population», déplore Angelyn Francis, journaliste et rédactrice en chef de l’équipe vidéo du Toronto Star.

Selon le recensement de 2021 de Statistique Canada, 1,5 million de personnes déclarent être noires au Canada. Dans ce nombre, il existe des communautés, des cultures et des histoires distinctes.

Face à ce manque de représentativité, la plupart des personnes noires se méfient des médias, affirme Brian Daly, professeur adjoint de journalisme à l’Université King’s College à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et spécialiste en éthique et en déontologie journalistique.

Selon Brian Daly, les médias qui manquent de diversité ne présentent pas un portrait complet de la communauté noire. Photo : Mylène Remy

Un traitement incomplet de la nouvelle

Cette méfiance envers les médias provient du portrait incomplet qu’ils transmettent sur la communauté noire, explique le professeur, qui a été journaliste pendant près de 30 ans.

Cette narration incomplète réduit parfois la personne à sa couleur de peau ou à son identité culturelle, dit-il. Pour ne pas tomber dans ce piège, il faut selon lui élargir les horizons de l’identité et inclure d’autres attributs.

Par exemple, Brian Daly confie vouloir être aussi vu comme un homme, Canadien, père de famille et professeur de journalisme.

«C’est vrai que je suis noir et mon identité culturelle fait partie de moi, absolument, c’est très important. Mais de me voir juste comme une personne issue de la communauté noire, c’est de ne pas vraiment me voir complètement comme une personne à 360 degrés.»

Le cadrage inégal et le manque de représentation ont donné naissance à un nouveau genre de média : les médias ethniques indépendants qui se consacrent à dévoiler une autre image des communautés, indiquent Angelyn Francis et Brian Daly.

Des nuances qui passent inaperçues

Pour être capable de brosser un portrait complet d’une communauté, de ses membres et de ses enjeux, il faut commencer par avoir une salle de nouvelle diversifiée, car les sensibilités d’un ou d’une journaliste noir.e sont différentes, évoque Angelyn Francis.

En plus, «ça rend l’expérience totalement différente pour quelqu’un qui vient de la communauté noire et qui se fait interviewer par un journaliste noir», ajoute-t-elle.

Selon Brian Daly, intégrer des journalistes issus de la communauté noire permet de voir les subtilités et les nuances qui existent pour éviter de faire des raccourcis erronés dans la démarche journalistique.

La communauté noire est large et diversifiée, elle n’est pas homogène, souligne-t-il. «On a des gens comme moi qui sont issus de la communauté des Antilles, mais on a des communautés africaines qui sont très différentes et qui sont très francophones. Et on a aussi les Canadiens comme ici, la communauté [afro-]néoécossaise, qui est très différente», précise le professeur.

Pour apporter des connaissances dans la salle de rédaction, Brian Daly encourage l’embauche de personnes originaires de diverses régions du monde, comme l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, car ces journalistes ont à la fois «une connaissance de notre réalité canadienne et puis en plus une connaissance de la réalité de l’étranger, ils ont une mentalité globale».

Angelyn Francis, rédactrice en chef du Toronto Star, croit qu’il faut recommander des noms et créer des opportunités pour les aspirants journalistes issus des communautés les moins représentées dans le secteur. Photo : Arthur White-Crummey Francis

Recruter et donner une chance à la diversité

Cela dit, il est aujourd’hui difficile de recruter des étudiants en journalisme, car «ils choisissent d’autres carrières, comme une carrière en droit ou dans le domaine de communication», déclare le professeur Daly.

Face à ce problème, il invite les salles de nouvelles à chercher et recruter de futurs journalistes de diverses communautés afin de leur donner l’envie de rester.

Pour y arriver, Angelyn Francis dit qu’il faut «encadrer, recommander des noms, créer des opportunités et aider tous ces aspirants journalistes à trouver une voie dans l’industrie».

«En particulier lorsqu’ils sont noirs et issus d’une communauté qui n’est pas bien représentée dans le secteur», ajoute-t-elle.

Brian Daly reste tout de même optimiste. Il a espoir en la nouvelle génération qu’il considère plus sensible, plus désireuse de parler des enjeux et des réalités de diverses communautés.

L’Association canadienne des journalistes a envoyé les invitations pour la quatrième édition de son sondage sur la diversité dans les salles de nouvelles à la fin février 2024.