Thérèse Baril Morin tisse depuis plus de quarante ans, une passion née du désir de passer du temps avec ses parents, Jacques et Lucienne Barry, eux-mêmes tisserands. «Je marchais chez mes parents pour tisser quelques heures avant de rentrer à la maison.»
Bien qu’elle se souvienne avec humour de son premier foulard imparfait, Thérèse a depuis créé de nombreuses œuvres, son projet préféré étant un châle réalisé avec de la laine de Trois-Rivières au Québec. Ayant une grande famille, elle explique, avec le sourire, qu’il serait impossible de tisser des cadeaux pour tout le monde. «Non, ça serait la bataille!» Cette année, elle met donc de côté les cadeaux faits main pour les Fêtes. Elle conserve néanmoins précieusement les couvertures tissées que son père lui avait offertes.
Après 25 ans de carrière dans les écoles francophones, Rita Hébert a découvert le tissage à sa retraite, encouragée par Thérèse Baril Morin qui l’a guidée dès ses premiers pas. Son tout premier projet, un tapis aux couleurs de Noël – rouge, blanc et vert – lui a permis de développer son amour pour «passer la navette», même si «les bords n’étaient pas trop droits!» Depuis, le tissage est devenu une passion. «Ma famille s’attend toujours à recevoir des linges de vaisselle à Noël, des tapis ou des foulards.»
Rita se rappelle avec fierté un défi qu’elle s’était lancé après avoir appris à tisser : confectionner dix couvertures, chacune de la couleur préférée de ses petits-enfants. «Ces couvertures, dit-elle, leur permettent de s’envelopper dans l’amour de grand-maman.»
Marie Shorpe, l’une des plus jeunes membres du club de tissage de Saint-Joachim, tisse depuis quand même longtemps. Ayant commencé à tisser quand elle vivait encore à Saint-Paul, elle a ralenti pour élever ses enfants, puis a retrouvé cette passion à la retraite.
Son tout premier projet, une nappe, a marqué le début d’une aventure créative qui se poursuit aujourd’hui. Cet automne, elle a préparé des foulards vert et blanc pour Noël, utilisant un patron qui mobilisait les huit pédales du métier à tisser. «Le tissage, c’est plein de créativité, c’est le fun!», dit-elle avec enthousiasme.
Une histoire riche et fascinante
Le club de tissage de Saint-Joachim possède une histoire riche et fascinante. «À l’origine, le groupe a commencé avec des personnes qui voulaient apprendre le fléché», raconte Thérèse, dont les parents faisaient partie des premiers membres du club. Cette technique traditionnelle permet de tisser, entre autres, des ceintures fléchées. Toutefois, comme elle l’explique, le fléché demande beaucoup de dextérité et ce n’est pas pour tout le monde. Cette limitation a poussé le groupe à évoluer vers le tissage sur métiers.
Dans les Prairies canadiennes, le tissage a connu un essor dans les années 1940 grâce à des initiatives comme celle de la compagnie de grains Searle, qui encourageait cet artisanat dans les communautés rurales. Marie, originaire de Saint-Paul, se souvient avoir appris à tisser sur un métier probablement obtenu dans le cadre de cette initiative.
Cependant, elle déplore la diminution des clubs de tissage en Alberta. «Comme à Saint-Isidore, il reste encore un groupe, mais à ma connaissance, il n’y en a plus à Bonnyville ni à Saint-Paul.» Elle note également la disparition des cours de tissage dans les collèges. «J’avais pris un cours du soir à SAIT pour mieux comprendre les patrons, mais ça ne se fait plus désormais.»
Heureusement, le club de Saint-Joachim a pu compter sur la générosité de la communauté franco-albertaine. «Les écoles et couvents qui fermaient donnaient leurs laines et leurs métiers au club ici», se souvient Thérèse. En outre, des instructeurs du Edmonton Weaving Guild venaient offrir des formations, ce qui a permis aux membres du club de développer leurs compétences.
Pour Rita, le club de tissage est bien plus qu’un simple passe-temps. «Je trouve que c’est très important que le groupe continue. Il m’a apporté tellement d’heures d’agrément. Parfois, je viens juste pour jaser avec les autres membres. Même si je tisse principalement à la maison, je tiens à payer ma cotisation chaque année pour soutenir le groupe et donner à d’autres la chance d’apprendre cet artisanat.»
De plus, elle ajoute que le travail d’équipe aide grandement dans ses activités, notamment quand elle monte un métier pour commencer un nouveau projet. «J’ai déjà fait un projet qui demandait de passer 1195 fils et ce n’était même pas un grand projet, c’était juste pour un tapis». Mais sans le travail d’équipe, Rita avoue, «je ne sais pas si j’aurais eu la patience pour le faire seule, du moins, je m’amuserais beaucoup moins!»
Les trois membres s’estiment très chanceuses d’être accueillies à l’église Saint-Joachim et «on espère rester ici pour encore longtemps!», partage Thérèse. Cependant, le club fait face à des défis, notamment l’accès limité à l’espace. «Notre horaire est restreint, car nous ne pouvons venir que lorsque la secrétaire de l’église est présente», explique Marie. Cela rend plus difficile l’organisation de cours en soirée ou durant les weekends. Malgré ces contraintes, le groupe continue de prospérer avec une dizaine de membres actifs.
Le club est un lieu d’entraide et de partage. «On échange des idées et des conseils, dit Thérèse. Parfois, on vient pour trois heures, mais on ne tisse qu’une heure!»
En plus de leurs foulards, couvertures et tapis, le groupe envisage d’autres projets. «On va discuter lors de nos réunions pour voir si on peut monter une table au Festival Canoë Volant et partager notre travail avec la communauté», confie Marie. Avec cette détermination, le club de tissage de Saint-Joachim continue de tisser des liens solides entre tradition, art et communauté.
Glossaire – Détermination : État d’esprit, trait de caractère de celui qui manifeste de la volonté