C’est en 1981, dans la mezzanine de l’église du village, que la bibliothèque est créée grâce à la Fédération des femmes canadiennes-françaises de St-Isidore. L’idée était d’offrir des livres en français aux membres de la communauté, particulièrement aux enfants.
À l’époque, elle comptait 25 membres, surtout des familles avec de jeunes enfants. En 1998, elle se greffe au Peace Library System, ce qui permet à ses membres d’accéder aux collections des bibliothèques environnantes.
Il y a six ans, lorsque Anick Déchène en prend les rênes, elle fait le ménage. «Quand je suis entrée en poste, j’ai sorti tous les livres anglophones de la bibliothèque, car on est à 20 km de deux bibliothèques anglophones. Les gens qui viennent à la bibliothèque de St-Isidore viennent pour nos livres en français.»
C’est le cas de Françoise Lavoie qui profite de la bibliothèque au sein de sa communauté. «Je lis presque exclusivement des livres en français et je trouve pratique d’avoir la bibliothèque proche, car c’est facilement accessible et il y a une belle variété de choix. Ça permet aussi de faire des économies au lieu d’acheter des livres.»
Madame Lavoie apprécie aussi le service personnalisé qu’elle obtient. «Ça m’arrive souvent de venir à la bibliothèque et de demander à Anick ce qu’elle me suggère de lire», ajoute-t-elle.
En plus de desservir la population locale, la bibliothèque de St-Isidore fournit les trois écoles du Conseil scolaire du Nord-Ouest et prête des livres de sa collection à des lecteurs des quatre coins de la province.
Grâce aux plateformes TracPac ou Relais 2D2, il est possible d’emprunter des livres de toutes les bibliothèques albertaines. Depuis que Madame Déchène est en poste, la circulation des livres à travers la province a plus que triplé.
«C’est un gros travail de promotion pour nous faire connaître. La pandémie a sûrement aidé aussi puisque les gens ne sortaient pas pour emprunter leurs livres.» Les livres de la bibliothèque de St-Isidore se rendent jusqu’à Canmore, Beaumont, Cold Lake ou même Banff.
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Gérer la seule bibliothèque municipale francophone de l’Alberta vient avec certains défis. Anick Déchène explique entre autres que les budgets pour les bibliothèques sont attribués selon la population locale. «Le projet de loi selon lequel l’argent est attribué au prorata de la population est désuet et devrait être changé, car on ne sert pas seulement nos membres, mais une vaste population. »
Elle aimerait aussi que les livres de la bibliothèque soient davantage empruntés. Entre autres, elle trouve que les parents de jeunes enfants devraient profiter de cette ressource. «Les gens ont peur de briser les livres. Ce n’est pas grave si le livre revient avec un coin brisé ou une page arrachée, on va le réparer. C’est la preuve qu’il aura servi.»
Elle souhaite aussi que davantage de francophones de partout dans la province connaissent la bibliothèque de St-Isidore et profitent de sa riche collection. Elle explique d’ailleurs qu’elle garde sa page Facebook à jour avec les nouveautés mensuelles et invite les lecteurs à la consulter régulièrement pour s’inspirer. «La lecture, c’est tellement une belle façon de s’évader, de se cultiver et de s’informer», conclut la bibliothécaire.
«En sociolinguistique […] on observe des tendances et on essaie de voir de quelle façon le contexte social, les interactions sociales, les identités sociales influencent la langue. Ou de quelle façon la langue témoigne de ces patrons sociaux», explique Anne-José Villeneuve, professeure agrégée de linguistique française au Campus Saint-Jean, qui a supervisé le travail de recherche de David Rosychuk.
Peu d’études sur le français albertain s’attardent à la morphosyntaxe, la grammaire et la structure de la phrase. David Rosychuk a utilisé des entrevues réalisées en 1976 et au début des années 2000 à Falher et à Bonnyville, afin de comparer le français parlé en Alberta à celui d’autres régions francophones du pays. Ces deux villes comptent la plus grande concentration de francophones en Alberta. Falher est même majoritairement francophone, du moins elle l’était lors des recensements faits dans les années 1970 et au début du 21e siècle, tandis que Bonnyville est une région francophone minoritaire importante.
Après l’analyse de ces entrevues, à partir de trois variables précises, David est en mesure de conclure que les Franco-Albertains ont un français semblable au français parlé au Québec. «Ce sont toutes deux des variétés laurentiennes du français et il y a des similarités maintenant confirmées avec une étude quantitative. En général, la région de Falher a un français plus proche de celui du Québec, probablement car c’est une région majoritaire, alors que Bonnyville a un français plus similaire au français ontarien», explique-t-il.
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«Les locuteurs étudiés à Falher se comportaient davantage comme des francophones non restreints ou majoritaires qui utilisent le français dans beaucoup de contextes de leur vie quotidienne contrairement aux francophones de Bonnyville qui se comportaient un peu plus comme des francophones un peu plus restreints», conclut Mme Villeneuve.
David Rosychuk croit qu’il faut faire davantage d’études sur le français albertain afin de dresser un portrait plus élaboré de la situation et pour voir si le français a changé depuis le début du siècle. «J’ai étudié trois phénomènes linguistiques qui se passent en français albertain. C’est clair qu’il y a plus de phénomènes linguistiques et plus de régions à explorer. Ça vaut la peine d’étudier le français en Alberta.»
C’est quoi le français laurentien?
C’est une variété de la langue française principalement parlée au Québec, ayant pris naissance dans la vallée du Saint-Laurent pour ensuite gagner l’Ouest canadien.
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Quand Gilles et Debbie ont acheté leur maison dans le quartier Ermineskin en 1989, ils ont été charmés par le saule argenté qui occupait une bonne place dans l’arrière-cour. Ils ignoraient à l’époque qu’il allait devenir l’un des plus grands arbres sur une propriété privée de la ville d’Edmonton. Aujourd’hui, le couple est dans l’obligation de s’en départir. Une décision difficile qui vient avec un prix à payer.
«Le saule mesure plus de 80 pieds de haut et à peu près 80 pieds de large», ricane Gilles. Il ne fait pas que de l’ombre dans leur cour. Il dépasse chez les voisins qui se plaignent notamment de devoir ramasser ses feuilles. Des désagréments qui ont amené certains voisins mécontents à leur envoyer des plaintes par courrier.
Les relations difficiles avec le voisinage ne sont pas les seules raisons qui poussent Gilles et Debbie à faire couper leur arbre. C’est plutôt une question de sécurité. «On a peur que l’arbre tombe sur la maison, dans la cour ou pire encore, sur des gens», explique Gilles.
C’est ainsi que les propriétaires auront donc à débourser plusieurs milliers de dollars pour procéder à cette coupe. Si les frais sont conséquents, le plus difficile pour eux est qu’ils perçoivent cet arbre comme un membre de la famille, présent depuis plus de trente ans.
Si ce saule pouvait parler, il en aurait long à raconter sur la famille de Gilles et Debbie. Toutes les occasions célébrées sous ses feuilles et les exploits des petits-enfants qui ont grimpé sur ses branches en feraient sourire plus d’un.
«Nous avons une photographie de notre plus jeune fils dans les bras de son père devant le saule. Et quand notre autre fils s’est marié, on a pris des photos avec les garçons d’honneur sous l’arbre», raconte Debbie. Il a également servi d’habitat pour des familles d’oiseaux qui ont pris place dans les petites cabanes qui y sont accrochées, fait remarquer le couple.
Dernièrement, le couple a organisé une fête dans la cour pour souligner la vie de leur arbre. «Nous avons reçu la famille et la mère de Gilles qui aime beaucoup cet arbre. Celui-ci lui rappelle la ferme où elle a élevé ses enfants», ajoute-t-elle.
Gilles s’y connaît en bois. Ce coiffeur de longue date s’est découvert une passion pour le travail du bois. Depuis plusieurs années, il crée des oeuvres allant du bouton aux boîtes décoratives qu’il vend au marché des fermiers de Strathcona.
Malheureusement, le saule blanc n’offre pas un bois de qualité pour les projets de l’artisan, mais il souhaite tout de même récupérer quelques morceaux pour leur donner une seconde vie.
Gilles et Debbie espèrent aussi conserver une partie de l’arbre dans leur cour. «Ce que l’on compte faire est de couper les troncs à différentes hauteurs et s’en servir comme plateformes. Je construirai de petites maisonnettes qui seront placées sur chaque tronc pour former une sculpture», explique Gilles. Une façon de garder un peu de l’âme de leur vieux saule argenté.
En un mois, plus de mille tombes anonymes d’enfants autochtones ont été découvertes au Canada sur des sites d’anciens pensionnats. Et on croit que ce n’est que le début. L’Alberta aussi devra faire son enquête. Qu’en est-il de la situation dans notre province? Quel était le rôle des francophones dans ces pages d’histoires? Et surtout, comment survivre au passé?
IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO
Pour comprendre la relation entre francophones et peuples autochtones des Prairies, on doit remonter dans le temps, au-delà du système des écoles résidentielles appelées aussi pensionnats autochtones. «L’arrivée [dans l’Ouest] des institutions colonisatrices principales telles que les églises chrétiennes et le système de gouvernement parlementaire britannique a amené la mentalité civilisatrice, colonisatrice et assimilatrice», affirme Denis Perreaux. Le directeur de la Société historique francophone de l’Alberta s’explique, «avant cela, il y a eu près de cent ans de relations intimes entre les Canadiens-Français et les autochtones des Prairies».
Selon les écrits des missionnaires, ils voyaient la mise en place du système de pensionnats comme une œuvre philanthropique. «On sous-estimait les pertes spirituelles et culturelles qui allaient se produire et le bris entre les générations de parents d’enfants qu’ils n’ont jamais élevés et des enfants élevés sans parents», ajoute Denis Perreaux.
Ces mêmes ordres religieux ont fondé le Campus Saint-Jean, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) et Le Franco. Ils prennent donc une place prépondérante dans l’histoire des francophones de l’Alberta. «Il y a des raisons historiques justifiables pour qu’on parle des oblats, mais cela n’empêche pas qu’aujourd’hui, nous avons à nous questionner lorsqu’on présente l’Église catholique au devant», conclut M. Perreaux.
Celina Yellowbird est crie et française. Elle provient de la réserve Alexander First Nation et étudie dans le programme d’études autochtones à l’université d’Alberta. Lorsqu’elle a entendu parler de ces sépultures non identifiées retrouvées autour de pensionnats autochtones, elle n’était pas étonnée. «On savait déjà qu’il y avait des enfants tués dans ces écoles. Je me suis aussi dit que, finalement, on a la preuve dont nos communautés avaient besoin pour montrer aux gens qu’on a vraiment souffert.»
Pour que les communautés puissent faire le deuil et guérir, la jeune étudiante croit que les recherches de tombes d’enfants autochtones en Alberta seront très importantes. Ainsi, les familles pourront enterrer ces enfants selon leurs propres rites spirituels.
À son avis, les peuples autochtones ont besoin qu’on les écoute. Que leurs voix soient amplifiées. C’est aussi une question d’accepter l’histoire et l’héritage encore présent des écoles résidentielles. «Les anglophones et les francophones ont eu un impact dans le colonialisme, dans le déplacement des Premières Nations et le génocide. Il faut que tous comprennent que leurs ancêtres ont eu un impact, mais aujourd’hui, on peut aider à changer les choses.»
Selon Denis Perreaux, la société historique et la communauté francophone en général peuvent jouer un rôle pour aider à comprendre ce qui est arrivé aux enfants. «Notre position est vraiment de soutenir la recherche, car il y a beaucoup d’écrits, notamment chez les oblats et certains ordres religieux féminins, qui sont en français», affirme-t-il. Il ajoute que l’organisation qu’il préside peut venir en aide aux familles autochtones qui cherchent des éléments de preuve de ce qui est arrivé aux enfants à l’époque. Il propose de les accompagner notamment grâce à la traduction et l’interprétation».
Pour la docteure Nathalie Kermoal, professeure titulaire, vice-doyenne académique et directrice du centre de recherche Rupertsland sur les Métis de la faculté des Études autochtones de l’université de l’Alberta, il faudra inévitablement passer par une période de deuil. «Il faut comprendre les traumatismes intergénérationnels causés par les écoles résidentielles et tant qu’il y aura encore des gens qui questionnent ou ne veulent pas voir cette histoire, il n’y aura pas de réconciliation.»
Il faut admettre que le Canada a joué un rôle avec les Églises pour enlever l’«Indien» de l’enfant, explique Mme Kermoal. La directrice du centre de recherche Rupertsland va encore plus loin en affirmant que l’on doit soutenir les peuples autochtones dans leur projet d’autodétermination afin qu’ils puissent gérer leurs propres écoles entre autres.
Pour les communautés, remettre certaines institutions en place et revitaliser les langues autochtones sera un travail de longue haleine dans lequel on peut les appuyer. «Ça ne peut pas être juste le travail des autochtones, ça doit être collectif.»
«Il faut voyager pour apprendre». Cette réflexion de Mark Twain, le Conseil du Développement Économique de l’Alberta l’a bien comprise. Cet été, le CDÉA propose plusieurs routes touristiques dans le Nord de la province afin de se familiariser avec l’histoire, la culture et les saveurs locales. Notamment, La route des traditions autochtones permet aux visiteurs de découvrir la richesse culturelle des peuples autochtones de cette région.
Quand Suzanne Prévost, directrice du développement rural et entrepreneuriat au CDÉA, parle de ce projet des routes touristiques, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté. «C’est quelque chose d’unique qu’on est en train de faire en Alberta. La valeur ajoutée du bilinguisme, c’est un autre marché que l’on développe.»
Comme le CDÉA travaille depuis longtemps avec les communautés autochtones des régions, il allait de soi qu’un volet valorisant la culture autochtone serait dans ce projet. «Dans le développement du projet, l’organisme Alberta Indigenous Tourism nous a contacté afin de faire partie des routes bilingues, car des partenaires en région les ont approchés», explique Mme Prévost.
En suivant la route des traditions autochtones, on peut en apprendre davantage sur l’histoire, les légendes et l’art autochtones. Le premier arrêt est au Centre culturel et village historique Métis Crossing, un grand centre d’interprétation de la culture métis. Il est possible d’y faire une visite individuelle ou avec un guide, de participer à des ateliers de traditions métis et de vivre des expériences interactives.
Cette visite est suivie d’une série d’arrêts dans divers musées du nord de la province dont le Musée de Saint-Paul, celui de Bonnyville et District ainsi que les musées de Cold Lake et Lac-La-Biche. Chacun accorde une place à la riche histoire de la région et à des éléments propres à chaque lieu comme la traite de la fourrure, l’agriculture et le mode de vie des peuples autochtones. La collection du Musée des arts et des artefacts des peuples autochtones de Lac-La-Biche comprend près de 2000 artefacts et œuvres des Premières Nations, Métis et Inuits ainsi que la seule collection permanente d’artistes autochtones professionnels.
Le Lieu historique national du Canada de la Mission-de-Notre-Dame-des-Victoires compte aussi parmi les arrêts clés de ce parcours thématique. Cet attrait touristique est reconnu pour son rôle dans le commerce des pelleteries, la communication dans l’Ouest et le transport. Mary Lehoux, responsable de la Mission-de-Notre-Dame-des-Victoires, voit un grand avantage dans ce projet. «C’est une bonne opportunité de faire partie des routes touristiques du Nord pour attirer plus de visiteurs. On a embauché deux étudiantes francophones pour l’été afin d’offrir des visites guidées en français.»
La route des traditions autochtones comprend également deux centres de villégiature où l’on peut faire du camping et profiter des grands espaces verts. Le Hideaway Adventures Grounds offre aussi aux visiteurs une occasion pour apprendre à se construire un abri et cuisiner sur le feu à l’aide d’outils d’antan.
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Il y a quelques années, suite à une étude de marché, le CDÉA a constaté qu’il y avait un intérêt pour le développement touristique en région. « Nos bailleurs de fonds ont vu les opportunités qu’on avait de développer un réseau touristique qui devient un outil en développement économique pour les régions rurales du Nord», explique Suzanne Prévost.
C’est ainsi qu’en pleine pandémie, le comité de création des routes thématiques s’est mis à la tâche pour recruter des partenaires et des entreprises intéressés par le projet. À quelques reprises, ce sont plutôt les entrepreneurs qui ont démontré un intérêt à faire partie des routes touristiques. Francophones et anglophones ont contacté le CDÉA afin de participer au projet.
«Quand tu as les anglophones qui t’approchent, qui veulent offrir des services bilingues parce qu’ils voient la valeur ajoutée dans leur entreprise ou leur attraction, on atteint un autre niveau de développement économique. Les entreprises francophones se sentent supportées par les partenaires anglophones», constate Suzanne Prévost. Elle ajoute que les entrepreneurs sont dorénavant plus à l’aise pour offrir leurs services en français.
Suite à la mise en œuvre des routes touristiques du Nord, les bailleurs de fonds du CDÉA ont démontré un intérêt pour que ce projet soit aussi développé dans le sud de la province. Ainsi, le CDÉA à l’intention de poursuivre ce volet de développement économique en région. «Ce qui est important pour nous, c’est de développer la culture rurale locale», confirme avec engouement, Suzanne Prévost. Une manière significative de préserver le patrimoine culturel de toute une région.
Afin de comprendre et appuyer les organismes francophones durant la pandémie et lors de la reprise de leurs activités, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a réalisé une étude auprès de 250 organismes. Elle dresse un portrait des conséquences de la pandémie et avance trois recommandations.
La FCFA rapporte que la pandémie et les mesures sanitaires ont eu des conséquences sur les activités et services offerts par les organismes francophones du pays. Le ralentissement des activités pendant plusieurs mois a provoqué la perte de bénévoles et de revenus pour la majorité des organismes sondés. Les domaines les plus touchés sont les médias, le développement communautaire ainsi que les arts et le patrimoine.
Jean Johnson, président de la FCFA, est particulièrement inquiet par la question d’érosion de la participation des bénévoles. ≪ Quand on va avoir fini cette pandémie, je suis inquiet que nos groupes communautaires aient un gros travail à faire pour solliciter un intérêt de la part des bénévoles pour les inciter à revenir participer et continuer à contribuer. Beaucoup de nos services communautaires et de nos groupes, qui sont vraiment à la base de nos communautés, dépendent de l’appui du bénévolat. ≫
Le rapport de la FCFA démontre aussi que la pandémie a eu un impact sur le budget et les opérations internes des organismes. Ces derniers ont dû faire preuve de créativité et composer avec les mesures sanitaires en place afin de continuer à transiger avec le public.
Mireille Péloquin, directrice générale de la Fédération des parents francophones de l’Alberta, affirme avoir eu recours à la subvention salariale du gouvernement fédéral à quelques reprises depuis le début de la pandémie. ≪ Ce que j’ai apprécié de cet octroi, c’est que ça m’a permis de maintenir du personnel en place […] et de faire beaucoup de travail. Surtout dans le soutien aux services de garde de la petite enfance. [Il fallait] comprendre tous les nouveaux règlements, créer de nouveaux outils et mettre toutes les mesures de santé et de sécurité en place dans un service de garde avant qu’il puisse ouvrir ses portes à nouveau. ≫
Il est difficile pour Madame Péloquin de prédire si la FPFA aura besoin d’une aide financière suite à la pandémie. ≪ Je dois surveiller de très près le budget parce que les revenus sont volatiles. Une grande partie de nos revenus viennent des services de garde que l’on gère, mais depuis septembre, les inscriptions ont baissé. Chaque mois, il y a un enfant de moins dans les services de garde et on est un peu à la merci de ça. Je dois revoir le budget quasiment tous les trois mois pour m’assurer que les projections sont encore sur la même piste. ≫
72 % des organismes consultés se disaient satisfaits de l’aide financière apportée, particulièrement celle du gouvernement fédéral. Toutefois, les petits organismes n’ont pas tous eu la chance d’obtenir du financement et la FCFA souhaite s’assurer que tous puissent répondre à leurs besoins durant la pandémie et dans la relance de leurs activités par la suite. C’est pourquoi le rapport de consultation de la FCFA du Canada se conclut avec trois recommandations pour les dirigeants.
La FCFA réclame qu’un appui immédiat soit offert aux organismes fragilisés qui n’ont pas été en mesure de recevoir une aide financière. ≪ Les petits organismes
sont tombés dans les craques et il n’y a personne pour venir à leur défense alors nous avons assumé cette responsabilité ≫, explique Jean Johnson.
Le rapport recommande aussi que des programmes d’aide soient maintenus jusqu’à ce que les organismes aient retrouvé une stabilité financière et opérationnelle. ≪ Reconnaissez le besoin dans la région, faites confiance aux gens localement et assurons-nous de maintenir la discussion avec les intervenants clés dans cette situation et permettre que le relancement soit un succès. Ça veut dire certains investissements ou bonifications pour leur permettre de se rendre à un niveau qui se rapproche de leur activité avant COVID. ≫
Le président de la FCFA ajoute qu’il serait bon de changer la façon d’offrir des fonds pour mieux répondre à la demande des organismes. Il serait souhaitable que les ministères fédéraux adaptent la gestion de leurs programmes en fonction de l’impact de la pandémie sur les organismes francophones. ≪ Les critères avant étaient toujours basés sur des résultats, sur des éléments concrets et facilement évaluables. Maintenant, on tombe un peu dans l’abstrait. La rentabilité va être là si le gouvernement est là pour l’assurer ≫, conclut monsieur Johnson.
Laurissa Brousseau, ancienne élève de l’École Notre-Dame des Monts à Canmore, s’implique dans sa communauté à divers niveaux depuis qu’elle est toute petite. Aujourd’hui, elle récolte les fruits de son implication. Cette citoyenne engagée a obtenu le prix le plus élevé que les étudiants albertains diplômés peuvent recevoir, le Queen’s golden Jubilee Citizenship award.
Laurissa Brousseau n’a pas encore vingt ans. Pourtant, la liste de ses accomplissements est impressionnante. Grâce aux encouragements de sa mère qui lui a aussi servi de modèle, Laurissa a compris l’importance de s’impliquer si l’on veut changer des choses. C’est d’ailleurs sa mère, Geneviève Poulin, qui lui a annoncé qu’elle était récipiendaire du prix de la reine. Ce prix récompense les étudiants qui ont contribué à leur communauté par une citoyenneté, un leadership, un service public et des efforts bénévoles exceptionnels. Ils obtiennent la médaille du jubilé d’or de la reine, un certificat ainsi qu’une bourse de 5000 $.
À l’école Notre-Dame des Monts, Laurissa était reconnue comme « la fille qui s’implique» par ses pairs et le personnel enseignant. « J’étais la première dans l’école qui allait faire des affaires, je n’attendais après les autres : le voyage au Nicaragua, j’étais la seule participante ; les cadets, j’étais la seule francophone ; la FJA, j’étais la première. » Et lorsqu’elle revenait à l’école, elle partageait ses expériences avec les autres et les encourageait à s’impliquer à leur tour.
La jeune étudiante a joué un grand rôle au niveau du conseil étudiant de son école et a entamé des discussions avec les élèves et le personnel enseignant afin de créer la première alliance gai-hétéro à son école. Elle a aussi été sélectionnée pour faire un pèlerinage de deux semaines à Vimy avec des vétérans. Selon elle, plusieurs opportunités sont offertes aux jeunes afin de s’impliquer, il ne suffit que de fouiller un peu pour trouver.
Elle s’est aussi démarquée par son implication au sein de l’organisme Francophonie Jeunesse de l’Alberta comme membre du conseil d’administration. Elle a travaillé sur les dossiers de sécurité linguistique et de la santé mentale chez les jeunes. « Après le premier GOAGA de Francophonie Jeunesse Alberta, je savais que ça allait être quelque chose qui me rapporterait beaucoup. Je me sentais vraiment chez moi là-bas. Ce sont des jeunes qui sont fiers de parler français, qui veulent faire avancer plusieurs dossiers au niveau de notre francophonie, c’est vraiment ça qui m’a incitée. »
De plus, Laurissa s’est beaucoup impliquée au sein de l’escadron 878 des cadets de l’air de Banff/Canmore. À seize ans, elle devient commandante d’escadron, un poste que l’on réserve normalement pour les jeunes de 18 ans. Ce rôle lui permet d’influencer les stratégies de communication de son escadron pour rejoindre plus de gens et faire une place plus grande aux francophones. Lors de son passage dans les cadets, elle a été sélectionnée pour faire un échange international diplomatique en Chine. À 18 ans, c’est à son tour, à titre de cadet-cadre, d’accueillir des cadets venus de l’étranger pour un séjour au Canada.
Laurissa poursuit ses études à l’Université d’Ottawa en études internationales et langues modernes. Elle songe déjà aux organismes au sein desquels elle veut s’impliquer pour les années à venir.
En avril, Le Manoir du Lac à McLennan a connu une éclosion de COVID-19 qui a touché une grande partie de son personnel soignant ainsi que ses résidents. Elle a causé la mort de 10 de ces derniers. Selon Alberta Health services, la situation est maintenant sous contrôle. La vie normale reprend tranquillement le dessus et certaines histoires positives ressortent de ce drame. C’est le cas de celle de M. Paul-Émile Maisonneuve qui, à 102 ans, a survécu à la maladie.
Monsieur Maisonneuve a été le 29e résident atteint de la COVID sur 43. Il a traversé la tempête avec à peine quelques symptômes. Le plus difficile pour lui a été de passer plus d’un mois enfermé dans sa chambre sans contact avec les autres résidents ou avec l’extérieur.
Durant l’éclosion, toute visite était interdite. Heureusement, lui et son fils, Bernard Maisonneuve, pouvaient communiquer par téléphone et par la fenêtre de la résidence. Il disait souvent à son fils que ça faisait longtemps qu’il n’était pas venu le voir. « Je me sentais mal », raconte Bernard qui avait l’habitude de lui rendre visite deux à trois fois par semaine.
Comme il fait assez beau pour sortir dehors, plusieurs des résidents reçoivent des proches en ce vendredi après-midi. À l’entrée, le personnel soignant demande aux visiteurs de se désinfecter les mains, d’enfiler un masque, de remplir un questionnaire de santé. Dernière étape avant de pouvoir pénétrer dans le bâtiment : une prise de température. « On a enfin mis fin à l’éclosion, on ne voudrait pas que ça revienne », explique une infirmière.
Pour notre rencontre, monsieur Maisonneuve a insisté pour porter son habit. Son fils Bernard nous a installés sous le belvédère rattaché à l’hôpital, de l’autre côté de la rue. Là où les patients ne pouvaient plus se rendre il y a un mois. « Les vieux étaient défendus d’aller à l’hôpital (…) et les médecins ne rentraient pas ici » affirme Bernard Maisonneuve.
Paul-Émile Maisonneuve est né en 1918, alors que l’épidémie de grippe espagnole frappe le monde entier. Bien plus tard, il a survécu au débarquement à Courseulles-sur-Mer, en France, le 6 juin 1944. Durant son service militaire, il se targue de n’avoir jamais été malade. « Jamais allé voir le docteur, pis le dentiste, rien ! » Il a toujours été en bonne santé sauf pour une vilaine grippe qui l’a alité pendant deux mois à l’hôpital, il y a quatre ans. Et maintenant, du haut de ses 102 ans, il a survécu à la COVID sans peur, sans inquiétude.
M. Maisonneuve se dit satisfait de sa vie. Il n’a pas de regret ni de rêve inachevé. C’est un homme contenté. « Il est facile, tout le temps d’accord. Il ne s’obstine pas. Il dit que ça ne paye pas dans des places de même », explique son fils. Suite à tout ce qu’il a vécu, M. Maisonneuve tient comme paroles de sagesse : « Il faut prendre les choses comme elles viennent. Il n’y a rien que l’on puisse faire sauf prier ».