le Samedi 7 septembre 2024

Qu’est-ce qui pousse une personne à se lancer dans un parcours d’immigration ? Quelles sont les barrières que les nouveaux arrivants peuvent rencontrer ? La pièce Dalia, une odyssée explore des pistes de réponse à ces questionnements, mais surtout, elle amorce une réflexion sur ces thèmes du point de vue féminins. Le 16 avril dernier, une trentaine de spectateurs ont pu se joindre aux 12 interprètes pour une lecture publique de la pièce. 

« À Edmonton, on manquait cruellement de pièce multiculturelle », souligne Bernard Salva, qui est derrière le texte et la mise en voix de Dalia, une odyssée. La pièce, créée au Campus Saint-Jean puis publiée aux éditions Les Cygnes, est ressortie de l’ombre après 6 ans d’absence grâce à la Coalition des Femmes de l’Alberta. 

Bernard Salva est derrière le texte et la mise en voix de la pièce Dalia, une odyssée. Crédit : Isaiah Rust

Mariama Gueye, directrice générale de la Coalition des femmes de l’Alberta, explique que cette collaboration a été générée par une envie « de faire découvrir le théâtre à nos membres et au public en plus de parler de la culture africaine et aussi parler de l’immigration. » De plus, Dalia, une odyssée aborde plusieurs thèmes importants pour l’organisme notamment la valorisation de l’expérience des femmes.

« Je pense que c’est clair que nous sommes la troupe la plus multiculturelle à Edmonton », lance Bernard Salva, une diversité bien appréciée par Mariama Gueye. 

L’immigration sous les projecteurs

Pour conclure la lecture publique, l’équipe de la Coalition des femmes de l’Alberta a alimenté une discussion grâce à la participation de deux intervenantes : Ida Kamariza du Réseau en immigration de l’Alberta (RIFA) et la docteure Samira El Atia. 

Mariama Gueye est la directrice générale de la Coalition des femmes de l’Alberta. Crédit : Courtoisie

Toutes deux s’accordent à dire que le parcours d’un immigrant s’avère être un véritable combat de titan. Et même si toutes les expériences sont différentes, le périple reste long et parsemé d’embûches. Malgré tout, « ce sont des sujets importants qui font du bien à partager », ajoute Alice Musele,  l’interprète de Dalia.

Un processus de création original

En 2014, Bernard Salva souhaite écrire, tout simplement. L’homme qui dirige la troupe du Campus Saint-Jean depuis 2004 a envie de créer pour le théâtre, une première pour lui. La création de Dalia, une odyssée est alors lancée.

Alice Musele est l’interprète de Dalia. Il s’agit de sa troisième production avec le Théâtre à l’Ouest. Crédit : Courtoisie.

« La façon de fabriquer la pièce était assez originale », explique Bernard Salva. Le processus de création commence par des improvisations d’étudiants où certains thèmes et idées ressortent, dont celui d’une jeune somalienne clandestine. Par la suite, Bernard Salva emploie une méthode de création plus contemporaine : chaque semaine, il écrit dix pages de textes puis les essaie sur scène. Ajustements et raffinements sont nécessaires, en plus d’un travail de documentation historique. Finalement, après trois mois, la création est aboutie. 

Théâtre du voyage

Un mariage forcé, un pays en grande difficulté, la pièce de théâtre raconte l’histoire de Dalia, 15 ans, qui décide de prendre la fuite vers le Canada laissant derrière elle sa meilleure amie. « C’est une pièce qui démarre d’une façon presque tragique », mentionne Bernard Salva. 

Crédit: Courtoisie

En deuxième partie, la rencontre entre Dalia et un sans-abri à Edmonton donne un tout autre ton à l’histoire, laissant place à l’espoir et la complicité. « La pièce est entre ses deux pôles : un pôle tragique et un autre plus comique avec des personnages hauts en couleur », précise l’auteur.

« C’est une histoire très émouvante, et réelle », souligne Alice Musele  « la pièce donne la voix aux sans voix », ajoute-t-elle. 

 

Cet article a été écrit par Caleb Cranna et Toqa Abdelwahab, étudiants à l’Université de l’Alberta dans le cadre du programme «Community Service-Learning». Un programme qui permet aux professeurs, au personnel de l’Université de L’Alberta, aux partenaires communautaires et aux apprenants de créer des opportunités de participation réflexive à des activités d’apprentissage et de recherche socialement réactives et engagées dans la communauté.

Au Canada, certains francophones finissent par se détourner de la langue française. Le manque de représentativité de la dualité linguistique dans la sphère publique est souvent évoqué par les défenseurs de la langue. Pourtant moins présent dans le discours public, l’insécurité linguistique au sein même d’une communauté linguistique joue un rôle tout aussi important. Suzanne Robillard, chercheuse en linguistique à l’Université d’Ottawa, y voit un fléau dans la communauté francophone. 

Caleb Cranna et Toqa Abdelwahab

L’insécurité linguistique a une définition large. Selon Suzanne Robillard, «il s’agit d’un sentiment d’inadéquation liée à l’utilisation d’une langue en milieu minoritaire». Selon elle, elle s’impose de deux manières en Alberta. 

D’une part, il y a des causes traditionnelles, liées en grande partie au nombre limité de francophones et au manque des ressources en français dans un environnement où l’anglais est omniprésent. D’autre part, il existe un phénomène moins connu : les fragmentations au sein même de la communauté francophone. 

Selon la chercheuse, il existe une idée qui classe comme supérieurs et donc désirables certains dialectes : le français métropolitain et, au Canada, le québécois. Tandis que d’autres, comme les dialectes africains ou antillais sont classés dans l’imaginaire collectif comme indésirables. 

«Les gens pensent que mon accent est français parce que je m’efforce de parler le français standard [métropolitain]. Je ne veux pas que les gens se moquent de moi parce que j’ai un accent «blédard»», explique Youssef, un étudiant francophone d’origine tunisienne.

Les écoles sont-elles complices ? 

Selon Robillard, les institutions comme les conseils scolaires propagent souvent involontairement la supériorité du dialecte standard, en jugeant et en dévalorisant les autres dialectes, selon les règles de l’Académie française ou de l’Office québécois de la langue française

Ces considérations provoquent parfois un sentiment d’infériorité pour ceux qui s’identifient comme francophones. Selon Robillard, il est possible que ces sentiments causent chez une personne le rejet complet du français, ce qui peut mener à une crise d’identité.

Il est intéressant de noter que les effets de l’insécurité linguistique semblent toucher ceux qui parlent le français standard aussi. Lorsqu’un groupe exclut certains membres de sa propre communauté linguistique, il perd plus que les « mauvais » aspects, mais les bons aspects aussi, explique madame Robillard. Les exclus partent avec leurs enfants alors qu’ils représentent l’avenir de la langue française.

Des solutions à revoir ? 

Bien que la connaissance soit le début de la solution, elle ne sera pas suffisante en elle-même. Selon l’universitaire, des solutions incorrectes se sont propagées depuis un certain temps. D’après elle, certains pensent que les programmes d’immersion française protègent les communautés francophones, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, les programmes d’immersion française, en adhérant aux règles de l’Académie française, renforcent la notion qu’il existe un dialecte supérieur. 

Finalement, pour Suzanne Robillard, la solution consiste à dépasser la notion de supériorité et à reconnaître que tous les dialectes présentent des grammaires aussi complexes qui méritent d’être utilisées. Dans l’ensemble, les solutions au problème de l’insécurité linguistique impliquent des efforts individuels et collectifs pour aider tous les Franco-Albertains à se sentir inclus dans la société.

 

Avril 2020, la 20e édition de la Chicane Albertaine est annulée pour cause de COVID19. En 2021, c’est la résurrection. Une nouvelle version, plus intime et un album pour la célébrer. Celui-ci sera composé de huit chansons originales longuement travaillées par huit jeunes artistes féminines des quatre coins de la province et leur mentor. 

La nouvelle réalité pandémique a obligé les membres du Centre de développement musical d’Edmonton à réinventer ce concours de musique destiné aux groupes de musique scolaires. Cette année, seules 8 jeunes participantes, en solo, ont pu profiter de l’expertise de professionnels  dans une formule-école de la chanson.

L’avantage est que celles-ci ont le privilège de bénéficier d’un mentorat personnalisé dans la création de chansons d’un artiste de la scène franco-albertaine. Autrement dit, il guidait les participantes dans le processus de création musical pendant 14 semaines tout en donnant des rétroactions. 

Meera Sylvain, l’une des participantes de la Chicane Albertaine. Elle en est à sa troisième participation. Cette année, «elle voulait avoir la chance d’enregistrer son album en studio». Crédit: Courtoisie.

Les auteurs-compositeurs-interprètes Renelle Ray, Mireille Moquin, Sympa César ainsi que le réalisateur et producteur musical Aristóteles Canga ont accompagné les jeunes participantes à titre de mentor. 

Pour sa première participation à la Chicane, le mentor Aristóteles Canga voit ce programme comme le gardien de la musique francophone dans la province. Une musique qui doit rester vivante à tout prix. «Ça me réjouit de faire partie de quelque chose qui aura un résultat positif dans l’avenir de ces jeunes et dans la francophonie albertaine.»

Des ateliers d’écriture prisés 

Les activités de la Chicane se sont déroulées de façon virtuelle. Isaël Huard, coordonnateur de la Chicane Albertaine, explique qu’il a été important pour le centre de développement musical (CDM) de recréer l’ambiance de création et de collaboration de la Chicane. 

Isaël Huard, coordonnateur de la Chicane Albertaine. Selon lui, lorsque les participantes verront leur chanson prendre forme, ce sera un moment très marquant de l’aventure. Crédit: Sébastien Guillier-Sahuqué

Les sessions d’écriture de l’auteure-compositrice-interprète Ariane Mahrÿke Lemire, ont été marquantes pour Meera Sylvain, l’une des participantes. En activité pratique, la jeune artiste émergente indique avoir eu cette belle opportunité de composer des chansons avec les autres participantes. 

L’auteure-compositrice-interprète Ariane Mahrÿke Lemire qui a donné aux participantes des ateliers d’écriture. Crédit: Nich Carlson.

Ariane leur a donné un peu d’inspiration au début et «nous avons toutes écrit un paragraphe. Par la suite, on a modifié les paragraphes. Moi, j’avais le paragraphe d’une autre fille et j’ai ajouté une autre strophe et ça continuait ainsi». 

«Après un an de vie virtuelle, ça été étonnant de voir à quel point les filles voulaient quand même participer. Elles étaient généreuses, ouvertes, courageuses et très enthousiastes malgré leurs horaires chargés», indique celle qui leur a donné des outils pour travailler leurs textes.

L’engouement féminin

Lors du processus de sélection, Aristóteles Canga raconte qu’un seul garçon s’est présenté. «Je vous assure que c’est quelque chose qui m’a étonné en tant que jury de sélection des participants». 

Le réalisateur, producteur franco-albertain d’origine angolaise, Aristóteles Canga qui agit pour la première fois à titre de mentor à la Chicane Albertaine. Crédit: Johanne Canga.

Sa surprise est due au fait qu’il s’attendait à voir autant de garçons et de filles estimant que cette formation est une incroyable opportunité pour la jeunesse franco-albertaine, et encore plus pour les passionnés de musique. Alors que la production de l’album a débuté le 1er mai pour être disponible au courant de l’année, Aristóteles Canga ne cache pas son enthousiasme d’avoir vécu cette année un tel engouement de la part des de ces jeunes artistes féminines. «C’est quelque chose de positif. Ça fait plaisir de voir plus de filles intéressées par la composition et la réalisation musicale», conclut-elle.

LE COURRIER DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE. C’est une cause qui nous tient à cœur ici, en Acadie de la Nouvelle-Écosse : celle de l’éducation en français, pour une minorité longtemps marginalisée et dont les droits continuent d’être bafoués. C’est la cause que revendiquent à l’heure actuelle les chefs et plusieurs membres d’une nation autochtone de la Louisiane, à savoir la Tribu de la Pointe-au-Chien, face à la fermeture imminente de l’école primaire qui dessert leur communauté.

Contrairement à la perception commune, les Cadiens ne représentent pas le groupe le plus francophone en Louisiane, du moins proportionnellement. Ce sont plutôt les descendants des premiers habitants du pays, qui ont appris le français dès le 18e siècle et qui l’ont adopté par la suite. 

68 % des élèves de l’école sont autochtones

De nos jours, la langue française demeure vivante au sein de ces populations, même si elles n’échappent pas totalement à l’assimilation. La plus nombreuse d’entre elles est la Nation unie houma, forte d’environ 17 000 membres qui ont d’ailleurs des liens de parenté avec d’autres communautés tribales des paroisses Terrebonne et Lafourche, dont celle de la Pointe-au-Chien.

La Tribu de la Pointe-au-Chien compte environ 700 personnes, résidant pour la plupart près de la bourgade de Montégut, au sud-ouest de la ville de Houma. C’est «là où l’eau mord la terre», pour reprendre une expression du cinéaste louisianais Glen Pitre à propos de l’action inexorable des eaux du golfe du Mexique qui rongent les marécages côtiers. 

Les «Indiens» — selon leur mot — de la Pointe-au-Chien descendent principalement des Chitimachas et de quelques autres nations historiques de la région : Houmas, Biloxis, Atakapas et d’autres peuples s’étant regroupés, au 19e siècle, à l’écart de la société blanche. Beaucoup de ces familles vivent encore des ressources de la terre et de la mer, grâce à la pêche aux crevettes, notamment.

Reconnue par l’État de la Louisiane, mais non pas par le gouvernement fédéral, la tribu n’exerce pas sa propre gestion scolaire. Il ne s’en agit pas moins d’une question sensible et prioritaire, car l’accès aux écoles publiques était très limité pour les autochtones louisianais jusqu’aux années 1960. 

Depuis cette époque, les familles de la Pointe-au-Chien en sont venues à faire leur l’école élémentaire Pointe-aux-Chênes (attention à l’orthographe distincte!), située en face du bayou, à une dizaine de kilomètres en amont de leur centre communautaire. Une nette majorité des élèves, soit 68 %, sont autochtones.

Une décision prise sans consultation

L’annonce inattendue, mi-mars, de la fermeture de l’école est tombée comme un couperet. Le conseil scolaire a fait valoir la baisse constante des inscriptions tout en signalant son intention de rediriger les élèves vers l’école primaire de Montégut. Sa décision vient d’être entérinée, malgré les témoignages poignants de plusieurs citoyennes et citoyens, lors d’une réunion du conseil, mardi dernier (13 avril). Pour les familles, c’est une véritable trahison.

Or, la tribu voudrait proposer une autre solution : transformer l’école Pointe-aux-Chênes en établissement d’immersion française. Pour ce faire, il existe un mécanisme relativement simple, en vertu d’une loi de 2014 prévoyant la création d’un tel programme sur la demande d’un certain nombre de parents. 

Consultez le site du journal Le Courrier de la Nouvelle-Écosse 

Malheureusement, le conseil scolaire se montre réticent, comme c’est souvent le cas lorsqu’une communauté exige un programme d’immersion en Louisiane. La campagne a attiré le soutien de Télé-Louisiane, un organisme médiatique qui a lancé une pétition afin de sensibiliser le public et les élus. Dans ce document, on peut lire cette déclaration de Donald Dardar, vice-président de la tribu :

«Pour trop longtemps, les droits des Indiens ne sont pas respectés. C’est notre vie, c’est notre terre, c’est notre culture, notre langage – c’est nous autres qui devr[ions] faire partie de la décision de quoi faire avec l’école.»

Dardar déplore les effets néfastes d’une décision prise dans la moindre consultation : «La fermeture de l’école affecte nos enfants et toute la tribu. On est encore ici, et c’est le temps de respecter les droits des Indiens et des enfants.»

C’est un véritable cri du cœur. D’où vient ce ton d’urgence?

J’ai évoqué plus tôt le problème de l’érosion côtière en Louisiane. La disparition des zones humides, vastes et regorgeant de richesses naturelles, est provoquée en grande partie par l’exploitation pétrolière et d’autres activités industrielles. 

Une vraie catastrophe écologique au ralenti, c’est aussi un problème d’érosion culturelle : la perte des terres menace le mode de vie ainsi que le tissu communautaire, dont le fait francophone.

Mises à rude épreuve par les ouragans Katrina et Rita en 2005, les communautés autochtones d’en bas des bayous ont beaucoup souffert de la marée noire suscitée par l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon, en 2010. 

Comment faire la pêche dans un milieu pollué? Comment retenir la jeunesse alors que les gagne-pains traditionnels semblent de moins en moins viables? Comment transmettre la culture et les savoir-faire dans de telles conditions? Maints défis se posent.

Le village autochtone de l’Isle-de-Jean-Charles, perché sur une langue de terre à quelques kilomètres au sud de la Pointe-au-Chien, en est l’exemple le plus médiatisé. En 2017, le chef de l’Isle-de-Jean-Charles, le très francophone Albert Naquin, a participé à une table ronde que j’ai organisée à Montréal, dans le cadre d’un colloque scientifique.

Le chef Naquin a expliqué le projet de relocalisation de la tribu, confrontée à l’effritement drastique de ses terres. L’objectif des gens du village consiste non seulement à gagner un lieu sûr, mais aussi à maintenir leur cohésion et leurs traditions, y compris en conservant la langue française.

Si leurs voisins de la Pointe-au-Chien n’envisagent pas ce recours pour l’instant, ils doivent quand même composer avec la perte graduelle de leurs terres, qui comprennent des aires de chasse, des lieux de sépulture et d’autres sites ancestraux.

Résignés à ces dures réalités, les autochtones de la Pointe-au-Chien refusent, toutefois, de laisser aller leur langue : le français. Espérons qu’un programme d’immersion verra le jour. Longue vie à la francophonie louisianaise et solidarité depuis l’Acadie! 

 

LETTRE OUVERTE – La Laurentian University – Université Laurentienne s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers le 1er février dernier ; son campus du lac Ramsey en tremble encore. Depuis, l’équipe de direction et le Conseil des régents de l’Université de Sudbury redoublent d’efforts pour assurer la survie de leur établissement et pour la transformer en université gouvernée «par, pour et avec» les Franco-Ontariennes et les Franco-Ontariens.

Pierre Riopel, Président du Conseil des régents de l’Université de Sudbury et Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques de la République française

Lorsque j’ai accepté la présidence du Conseil des régents de l’Université de Sudbury (UdeS), j’étais loin de me douter que je me retrouverais au cœur d’un des dossiers les plus brulants dans le domaine de l’éducation postsecondaire en Ontario français depuis plusieurs années : celui de la création d’une université à Sudbury au service de la communauté de langue française dans toute sa diversité.

L’Université de Sudbury tient à exprimer sa reconnaissance à la Coalition nord-ontarienne pour une université francophone, l’Association canadienne-française de l’Ontario du grand Sudbury (ACFO), l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), ainsi qu’à l’avocat et constitutionnaliste maitre Ronald Caza pour leur engagement dans ce dossier si important pour notre communauté. L’expression de notre gratitude va également à toutes celles et à tous ceux qui travaillent à l’avant-scène ou en coulisse afin de réaliser ce projet.

Pierre Riopel, Président du Conseil des régents de l’Université de Sudbury et Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques de la République française. Crédit : Courtoisie page Facebook Université de Sudbury.

Plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour garantir la réussite de ce grand projet, dont la campagne de lettres lancée par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Vous trouverez la version électronique de cette lettre sur le site web de l’AFO (monasssemblée.ca/campagne). Vous pourrez l’adapter et la transmettre au recteur ainsi qu’au président du Conseil des gouverneurs de l’Université Laurentienne. J’incite ceux et celles qui croient aux droits des minorités linguistiques à se mobiliser pour assurer la pérennité de la programmation universitaire de langue française dans le Moyen-Nord de l’Ontario.

J’en appelle particulièrement aux membres de la diaspora du Nord de l’Ontario à faire entendre leur voix. Que vous habitiez à Gatineau, à Montréal, à Moncton, à Halifax, à Winnipeg, à Yellowknife ou à Vancouver, je vous encourage à prendre une part active au débat.

Quand on vient du Nord de l’Ontario et qu’on a Sudbury dans les tripes, notre mémoire est marquée par la musique du groupe CANO, son album Au Nord de notre vie et la voix chaude et puissante de Rachel Paiement lorsqu’elle lance son cri du cœur : «Nous têtus / souterrains et solitaires / Lâchons nos cris rauques et rocheux / aux quatre vents de l’avenir possible».

Cet «avenir possible», il est maintenant. Le temps est venu de réaliser ce projet d’une université de langue française puisqu’elle a été convoitée, imaginée et souhaitée par des générations de Franco-Ontariens et de Franco-Ontariennes. C’est l’occasion de doter la communauté franco-ontarienne de la grande région de Sudbury d’un système complet d’enseignement en langue française, du préscolaire à l’universitaire. Qui plus est, notre université de langue française contribuera à endiguer l’exode de nos jeunes cerveaux et à dynamiser notre communauté et notre économie tout en répondant aux besoins du marché de l’emploi.

L’historien sudburois et cocréateur du drapeau franco-ontarien, Gaétan Gervais, C.M., de regrettée mémoire, affirmait qu’«on ne dira jamais assez la nécessité pour un groupe en situation minoritaire d’insister sur ses structures propres, ici et maintenant, pour éviter toute stagnation, acculturation, assimilation ou absence de dynamisme». Le professeur Gervais nous incite à l’action, maintenant. La cause est noble et galvanise les forces vives de l’Ontario français.

Il y a urgence d’agir! Créons notre université de langue française à Sudbury! Il nous faut être présents à ce rendez-vous historique, ici, maintenant!

 

FRANCOPRESSE. Licenciement massif et disparition de programmes à l’Université Laurentienne, compressions au Campus Saint-Jean, régime minceur à l’Université de Moncton, budget à l’encre rouge à l’Université Sainte-Anne, réduction du financement à l’Université de Saint-Boniface : le portrait n’est pas rose dans le secteur de l’éducation postsecondaire en français en contexte minoritaire. Loin de là!

Le financement de 121 millions $ annoncé dans le budget fédéral de lundi arrive à point, mais des annonces concrètes devront suivre sous peu. 

Les institutions d’un bout à l’autre du pays ne peuvent pas se permettre d’attendre plus longtemps pour un meilleur financement sans mettre en péril l’offre de formations en français, tant au niveau de la qualité que de la quantité de programmes disponibles.

Un secteur déjà fragilisé bien avant la pandémie

Les finances des institutions postsecondaires ont été affectées par la pandémie, mais ce secteur était déjà fragilisé bien avant la crise sanitaire, et ce notamment en raison d’un sous-financement chronique des universités et des collèges de la part des provinces. 

La situation s’est aggravée au cours des dernières années sous l’impulsion de gouvernements prônant une politique d’austérité budgétaire dans plusieurs provinces : l’Alberta (Campus Saint-Jean), le Manitoba (Université de Saint-Boniface), l’Ontario (Université Laurentienne) et le Nouveau-Brunswick (Université de Moncton). 

À cela s’ajoute un financement du gouvernement fédéral aux institutions postsecondaires en contexte linguistique minoritaire qui stagne depuis le début des années 2000.

Les exemples du Campus Saint-Jean et de l’Université Laurentienne illustrent à quel point les francophones sont particulièrement vulnérables lors de vagues de compressions budgétaires. 

Pourtant, en contexte minoritaire, les institutions postsecondaires contribuent de manière importante à la vitalité et au développement socioéconomique des communautés francophones, en plus de leur rôle dans la création, le partage et la diffusion de savoirs. Il s’agit de lieux névralgiques pour l’épanouissement et le rayonnement de la francophonie. 

Lorsqu’un programme en français disparaît, les solutions se font rares. Bien souvent, les seules options pour les francophones sont de se tourner vers le secteur anglophone ou de quitter leur province. 

Des nouveaux investissements 

Le financement de 121 millions $ sur trois ans pour appuyer le secteur de l’éducation postsecondaire dans la langue de la minorité, annoncé dans le budget fédéral, apparaît ainsi comme une bouée de sauvetage plus que bienvenue. 

Ces nouveaux investissements s’inscrivent d’ailleurs dans la même lignée que le document de réforme pour les langues officielles présenté en février dernier par la ministre Mélanie Joly, dans lequel le gouvernement fédéral s’engage à travailler en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour protéger et appuyer les institutions clés à la vitalité des communautés, de même qu’à renforcer le continuum en éducation de la petite enfance au postsecondaire.

Il s’agit de tendances positives qui laissent espérer davantage de financements destinés spécifiquement à l’éducation postsecondaire dans le prochain Plan d’action pour les langues officielles en 2023. 

L’urgence d’agir

Toutefois, d’ici là, il y a urgence d’agir. Avec un budget fédéral à saveur électorale et les rumeurs d’élections automnales qui vont bon train, le financement annoncé cette semaine doit se rendre aux institutions plus tôt que tard. 

En cas d’élections anticipées, l’appareil gouvernemental tournerait au ralenti pour plusieurs mois, et certaines situations ne se prêtent pas à de tels délais. C’est notamment le cas dans le Nord de l’Ontario, où le secteur postsecondaire en français est à un point critique.

Le lien de confiance entre la Laurentienne et la communauté franco-ontarienne est rompu. L’ampleur des coupes effectuées lors du lundi noir illustre la place de seconde zone que réserve l’administration au français au sein de cette institution. 

L’option privilégiée par le Regroupement des professeurs francophones (RPF) est de transférer l’ensemble des programmes en français qui étaient offerts à la Laurentienne à l’Université de Sudbury. 

Pour ce faire, un soutien financier à court terme s’avèrera nécessaire pour préserver les programmes existants, dont la disparition a été annoncée, le temps de rendre possible cette réorganisation et d’envisager de possibles partenariats avec d’autres institutions postsecondaires, dont l’Université de Hearst et l’Université de l’Ontario français.

La situation est aussi particulièrement critique au Campus Saint-Jean, qui fait les frais des contrecoups des compressions draconiennes imposées aux universités par le gouvernement de l’Alberta. 

Ne pas attendre les points de rupture

L’aide consacrée au secteur postsecondaire ne doit pas se limiter aux moments de crise; il faut aussi veiller à ce que les institutions ne se rendent pas à un point de rupture.

À titre d’exemple, à l’Université de Moncton, chaque budget de la dernière décennie est venu avec son lot de nouvelles compressions. Durant cette période, ce sont 88 postes de professeurs qui ont été éliminés, en plus d’une réduction du nombre total de cours offerts. 

Ce type de régime minceur n’est pas viable à long terme et compromet la qualité de l’offre à disposition des francophones. L’Université Saint-Boniface a aussi connu des budgets d’austérité au cours des dernières années. 

Certes, ces situations sont notamment attribuables aux choix effectués par les gouvernements provinciaux, du fait que l’éducation relève de leur compétence. Toutefois, lorsque l’engagement des provinces fait défaut, le gouvernement fédéral peut intervenir pour jouer un rôle de protection des minorités linguistiques en utilisant son pouvoir de dépenser. 

En parallèle, un travail devra tout de même être effectué pour en arriver à des ententes avec les provinces, ce qui risque de s’avérer particulièrement complexe dans certains cas.

Originaire de Kedgwick au Nouveau-Brunswick, Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maîtrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration.

 

Chacun leur tour, les quatre conseils scolaires francophones de l’Alberta se sont prononcés en défaveur du nouveau programme d’études scolaires. Pour eux, il est hors de question de piloter un nouveau curriculum scolaire sur un fond de pandémie tout en martelant le grand manque de perspective francophone.

Parents, enseignants, et membres des directions d’écoles de toute la province ont exprimé leurs inquiétudes et leurs préoccupations face à l’ébauche du nouveau programme d’étude scolaire.

Ils ont été entendus. Les  Conseils scolaires Centre-Nord (CSCN), Centre-Est (CSCE), FrancoSud ainsi que Nord-Ouest (CSNO) ne participeront pas au pilotage du nouveau curriculum.

Dolorèse Nolette, directrice générale du CSCE, indique que les parents s’inquiètent particulièrement de la lourdeur des contenus présentés et de l’absence de la francophonie dans  plusieurs matières. Les études sociales, le français langue première, et les beaux-arts sont particulièrement cités. 

À l’écoute, dans un contexte difficile

Les quatre conseils scolaires se sont montrés très attentifs et ont analysé le curriculum avec une perspective pédagogique et francophone. Par exemple, l’équipe de direction du conseil scolaire FrancoSud s’est notamment interrogée à savoir si cette ébauche était adaptée aux élèves franco-albertains et si ces derniers allaient pouvoir se reconnaître dans ce programme. 

Seraient-ils fiers de l’histoire de la francophonie albertaine et canadienne ? «L’absence significative de la perspective francophone dans l’ensemble des matières ne favorise pas le plein épanouissement de l’élève francophone en milieu minoritaire», souligne Sylvianne Maisonneuve, présidente du CSNO. 

Réginald Roy, le président du CSCE, souligne l’année bouleversante qu’ils ont vécue, «sur le plan humain, on ne peut demander ni à nos enseignants ni à nos élèves d’entreprendre ce pilotage», déclare le président du CSCE, Réginald Roy. 

Selon Réginald Roy, le président du CSCE, le nouveau programme scolaire de la maternelle à la 6e année: «n’est pas prêt à être piloté, il n’est pas complet». Crédit: courtoisie.

Par la voix du coordinateur de communication du CSCN, Grégory Lucien Njialé Djomo, on apprend qu’avec la situation et les informations actuelles, rien ne confirme  que la prochaine rentrée scolaire se fera dans des circonstances normales. 

De son côté, Robert Lessard, son directeur, explique que pour le moment, il lui semble plus pertinent de prendre l’année prochaine pour apporter les correctifs aux ébauches des programmes d’études et «retrouver un contexte plus propice à une réforme aussi importante».

Portrait Robert Lessard, directeur du Conseil scolaire Centre-Nord. Crédit: courtoisie.

Un doux bras de fer qui s’annonce

Pour la suite, les conseils scolaires veulent prendre le temps de bien analyser le nouveau programme d’études scolaire pour soumettre leurs recommandations quant aux changements à apporter au ministère de l’Éducation.  

Si le gouvernement propose des changements à l’ébauche au cours des prochains mois, le Conseil scolaire Centre-Nord, celui du Nord-Ouest et FrancoSud se montrent prêts à revoir leur participation à la mise à l’essai du nouveau curriculum dans leurs écoles. 

L’attachée de presse du ministère de l’Éducation, Nicole Sparrow, rappelle que les directions scolaires qui ne mettent pas à l’essai le curriculum à l’automne ne pourront pas fournir de rétroactions directes concernant leurs écoles sur les changements potentiels à réaliser. 

Elle rappelle que «l’objectif d’un programme pilote est de fournir un retour d’information dans les classes afin d’apporter des modifications potentielles aux documents finaux».

Humiliation, inconfort, anxiété, ne pas se sentir à sa place. Voilà ce que ressentent nombre d’étudiant.e.s noir.e.s sur les campus universitaires canadiens. Ces sentiments, je les ai vécus, j’en ai été témoin. Plusieurs années après mon parcours universitaire et plusieurs prises de conscience sociale plus tard, ça existe encore et ça me rend furieuse que la situation n’ait pas changé. Mais pourquoi en sommes-nous toujours là?

Le 24 février 2021, CBC Fifth Estate diffuse Black on Campus, un documentaire d’enquête mettant en lumière la dure réalité des étudiant.e.s, des membres du corps professoral et des employé.e.s noir.e.s sur les campus universitaires. 

Les yeux fixés à l’écran, le cœur serré, j’ai eu mal pour les interviewé.e.s et je suis restée perplexe devant l’inaction et l’indifférence des universités. 

Ce désespoir vient faire basculer mon optimisme. Qualifions donc la situation d’épidémique! Elle existe depuis longtemps et malheureusement, elle se poursuivra toujours lorsque la pandémie de COVID-19 sera terminée.

Le documentaire montre le cas d’un étudiant noir qui se fait agresser sur le campus de l’Université de Windsor. Il tente de rapporter l’incident au bureau de l’administration, puis contrairement à toute logique en cas d’agression, l’administration de l’université appelle la police et l’étudiant — la victime de l’agression — se fait arrêter. 

Cette expérience, expliquée dans le documentaire, expose clairement une situation : quand tu es Noir, même si tu es la victime, tu risques d’être traité comme l’agresseur.

Proposition d’immersion

Je vous invite à vivre une expérience avec moi. Disons qu’il y a quelques semaines, un professeur de l’établissement que vous fréquentez a été suspendu pour avoir utilisé le mot en N

Vous pensez pouvoir y échapper, mais vous voyez passer une lettre de solidarité envers ce professeur. Dans la liste des signatures, vous retrouvez le nom de certains des professeurs qui vous enseignent. 

Prenez un moment pour réfléchir.

Sentez-vous, en tant qu’étudiant.e noir.e, que vous avez la liberté de vous exprimer, de dénoncer ces actions? Craignez-vous d’être pénalisé.e, d’échouer ces cours ou de ne pas recevoir votre diplôme?

Je vous donne un autre exemple.

Vous arrivez un jour sur le campus de votre université et vous apercevez une bannière rabaissant le slogan Black Lives Matter. Vous portez plainte auprès de l’administration et vous vous faites dire que l’évènement n’est pas jugé «grave» et que personne ne subira de conséquences sous prétexte que cette action «n’a pas atteint le seuil d’une violation du code des étudiants».

Vous sentez-vous à l’aise? Vous sentez-vous en sécurité?

Joli portrait de nos institutions postsecondaire, pas vrai? Et j’ai à peine gratté la surface! Ouvrez l’œil et des exemples comme ceux-ci se multiplieront.

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Université d’Ottawa, 2011

Conversation cordiale entre Paige et une employée de l’administration de l’université.

Employée : Tu viens d’où?

Paige : London, Ontario.

Employée : (Insatisfaite) Mais tu es Haïtienne?

Paige : (silence)

Employée : Tu parles tellement bien anglais et français! Jamais je ne t’aurais prise pour une Haïtienne. Mais ne t’inquiète pas, c’est un compliment.

UN COMPLIMENT? Vraiment? À vous d’en juger.

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Être étudiant.e noir.e sur un campus universitaire au Canada est synonyme de vivre toutes sortes d’expériences désagréables. Comme de retrouver ses pairs en blackface lors d’évènements sportifs (2011) et sociaux (2014).

C’est de se retrouver avec un.e professeur.e qui ne croit pas à l’équité en matière de personnes marginalisées, et qui le dit très ouvertement, comme c’est arrivé au Nouveau-Brunswick.

C’est se faire arrêter par des agent.es de sécurité, comme à l’Université d’Ottawa en 2019, par la police comme à l’Université Simon Fraser en 2020, et être questionné sous prétexte que tu n’as pas à circuler sur campus, alors que tu es étudiant.e ou invité.e spécial.e à une conférence universitaire, comme à l’Université de la Colombie-Britannique en 2019.

«Humiliation, inconfort, anxiété, ne pas se sentir à sa place. Voilà ce que ressentent nombre d’étudiant.e.s noir.e.s sur les campus universitaires canadiens», écrit notre chroniqueuse Paige Galette. Crédit : GoToVan – Flickr

Revendications étudiantes

Au cours des dernières années, les étudiant.e.s noir.e.s ont créé des groupes et des mouvements de mobilisation pour demander des changements concrets aux administrations universitaires.

Par exemple, en septembre dernier, le mouvement #ScholarStrike in Canada réclamait entre autres le retrait de la police sur le campus et une meilleure représentation des Noir.e.s et des personnes autochtones dans toutes les composantes des universités.

De nombreuses excuses, condamnations et déclarations de promesses ont fusé de part et d’autre. Certaines universités ont créé des rencontres publiques dans le but d’écouter les étudiant.e.s. Et pourtant, il me semble que peu de choses ont changé. 

Certes, les étudiant.e.s ont pu participer à de tels forums où ils et elles ont été entendu.e.s. Mais qu’en est-il d’avoir été vraiment écouté.e.s?

Reconnaitre ses torts et passer à l’action

Quelques questions ici pour les membres des facultés des établissements postsecondaires : 

«Tous ensemble», n’est-ce pas? 

Paige Galette est activiste et éducatrice communautaire sur l’antiracisme et la lutte contre les oppressions, à l’échelle nationale. Son chapitre From Cheechako to Sourdough : Reflections on Northern Living and Surviving while being Black se retrouve dans le livre Until We Are Free : Reflections on Black Lives Matter in Canada (Diverlus, Hudson, Ware).

 

Ces pages sont les vôtres. Le Franco souhaite donner la possibilité aux lecteurs d’exprimer leurs opinions. Cette semaine, Mona Fortier, ministre de la prospérité de la classe moyenne et ministre associée des Finances, a adressé ce texte au Franco pour vanter les mérites de la réforme de la Loi sur les langues officielles, notamment pour renforcer l’apprentissage du français au Canada. 

Pendant que nous luttions contre le virus en pleine pandémie, le 19 février restera à jamais gravé dans ma mémoire. Ce fut une journée historique pour notre pays ainsi que nos deux langues officielles. À cette date, notre gouvernement a déposé un plan avec comme objectif de moderniser la Loi sur les langues officielles. Cela est une étape importante en vue de déposer un projet de loi qui répondra aux réalités du 21e siècle en matière de langues officielles, une loi qui n’a pas été révisée en 50 ans.  

Étant une fière Franco-ontarienne, nos deux langues officielles et la défense des intérêts des communautés francophones en situation minoritaire me tiennent passionnément à cœur. Voici un des moteurs de mon engagement communautaire depuis un très jeune âge et qui a pris davantage de place dans mes implications comme leader communautaire au fil des ans. 

Mona Fortier accompagnée de Mélanie Joly. Crédit : courtoisie.

Je salue et félicite ma collègue, la ministre Mélanie Joly, pour le dépôt de ce plan qui répond clairement aux préoccupations et aux besoins des différentes communautés linguistiques à travers notre pays. Les Canadiens souhaitent que nous en fassions plus pour assurer la pérennité et la vitalité des deux langues officielles et que nous renforcions le français à travers le pays, pour qu’ultimement nos communautés demeurent épanouies et fortes.  

Nos deux langues officielles sont une richesse et une valeur ajoutée pour tous les Canadiens. Elles nous représentent, nous font vibrer et nous permettent de nous épanouir. Notre langue, c’est notre identité qui nous permet non seulement de rayonner localement, mais également à l’international. Nous jugeons que le moment est venu de faire le point sur la situation linguistique au pays. Je reconnais en toute humilité que le français a besoin d’être protégé et promu partout au Canada, y compris dans la province du Québec. Le plan proposé par ma collègue permettra entre autres d’octroyer de nouveaux droits en matière de langue de travail et de service dans les entreprises de compétence fédérale au Québec ainsi que dans les autres régions du pays à forte présence francophone.  

De plus, avec le dépôt de ce document de réforme, notre visée est d’améliorer, dans un avenir rapproché, l’accès à l’apprentissage du français, et en particulier aux classes d’immersion française partout au Canada. En travaillant de concert avec les provinces et les territoires, nous devons faciliter l’apprentissage de nos deux langues officielles pour toutes les générations.  

Des gouvernements libéraux successifs ont toujours cru que le gouvernement fédéral doit montrer l’exemple lorsqu’il est question de la protection des deux langues officielles. Cette proposition implique que les prochains juges à la Cour Suprême se doivent d’être bilingues. Il va de soi, plus de soutien aux fonctionnaires dans l’apprentissage de leur langue seconde doit être une priorité. Nous abordons ces deux dossiers dans notre réforme. 

Avec ces nouvelles mesures et le dépôt d’un projet de loi prochainement, nous nous assurerons de léguer un meilleur Canada aux futures générations.

 

Ces pages sont les vôtres. Le Franco souhaite donner la possibilité aux lecteurs d’exprimer leurs opinions. Cette semaine, Liane Proulx, enseignante à l’école élémentaire Ardrossan et mère d’élève, publie cette lettre ouverte adressée au gouvernement provincial dans laquelle elle dénonce certains points de l’ébauche du nouveau programme scolaire publié le 29 mars dernier.

Je vous écris aujourd’hui en tant qu’enseignante et parente inquiète. Je vous écris pour exprimer ma frustration à propos du nouveau programme d’études publié le 29 mars 2021 par le gouvernement albertain qui ne reflète pas un système d’éducation de qualité et ne répond nullement au mandat de l’éducation francophone. 

Je demande au gouvernement de suspendre toute tentative de mise en œuvre ou de pilotage du programme d’études dans le système francophone afin de travailler en étroite collaboration avec les autorités scolaires et experts-conseils francophones, pour adresser les lacunes quant aux besoins culturels et identitaires uniques des élèves francophones.

En général, ce programme d’études ne reflète pas une pédagogie appropriée au développement et ne tient pas compte des capacités des élèves. Le programme d’études est fortement axé sur la mémorisation des faits et n’accorde aucune importance à l’utilisation de ces faits de manière significative. De plus, ce programme ne répond pas aux besoins des enfants de communautés de langues officielles en milieu minoritaire sur le plan culturel et construction identitaire. Dorénavant, le curriculum abandonne les valeurs canadiennes telles que la communauté, la citoyenneté et la diversité. 

Il y a une absence de contenu sur l’histoire autochtone, particulièrement l’histoire autochtone de l’Alberta et ses communautés existantes. Il y a aussi l’absence de l’histoire du Canada, y compris comment différentes communautés peuvent avoir des perspectives entièrement différentes et légitimes sur les mêmes événements historiques. Il faudrait ajouter davantage de contenu sur les droits des LGBTQS et autres minorités. Il faudrait aussi inclure l’enseignement aux élèves des compétences nécessaires à la recherche, à la compréhension, l’évaluation et l’analyse critique, et à l’utilisation de sources crédibles.

En regardant certaines matières et résultats d’apprentissage spécifiques, je suis inquiète que le programme d’études sociales est trop axé sur l’histoire américaine, il n’est pas adapté au développement des élèves et contient des perspectives préoccupantes qui nourrissent la stigmatisation et l’exclusion d’autrui. De plus, le programme est trop dense pour être traité en une année, en particulier à certains niveaux et n’aide pas les élèves à développer leurs compétences année après année. Dorénavant, le programme d’études sociales contient des discussions sur l’esclavage qui sont dégradantes et demande aux élèves d’apprendre le slogan du Klu Klux Klan, qui n’est pas une pédagogie appropriée au développement des jeunes. 

Le programme de mathématiques contient trop de concepts abstraits pour les élèves de certains âges et comporte des résultats qui ne sont pas alignés de manière continue d’une année à l’autre. Également, le programme de mathématiques inclut des erreurs significatives comme la référence à « des unités canadiennes » au lieu de faire la différence entre les unités de mesure métriques et impériales.

Le programme de Français confond la langue et la culture et suppose que la construction identitaire peut être réalisée de manière organique par la lecture, l’écriture et la conversation. 

Aussi, le programme de Français suggère beaucoup d’œuvres qui ne sont pas appropriées au développement de l’enfant ET surtout qui sont des traductions d’une autre langue (souvent l’anglais). Il existe de nombreux écrivains francophones au pays et ailleurs dans le monde pour ne pas avoir à se fier à des traductions.

En tant que francophone, je suis déçue que le programme ne valorise pas la construction identitaire au sein d’une francophonie plurielle en milieu minoritaire, car il n’intègre pas le développement culturel et la construction identitaire dans les activités régulières de la classe. Ce programme représente un retour en arrière par rapport à la promesse d’intégration des perspectives francophones au sein de toutes les matières.

Le gouvernement UCP avait promis de développer le curriculum simultanément en anglais et en français. Ce que je constate c’est que le nouveau programme d’études semble avoir été une traduction, avec bien des erreurs de vocabulaire. Encore un exemple de recul face au curriculum existant.

Veuillez transmettre mes préoccupations et les détails spécifiques inclus dans ma lettre à la ministre LaGrange et au premier ministre Kenney.

Je souhaite que le conseil scolaire prenne position publique sur ce dossier, en solidarité avec les autres conseils scolaires de la province afin d’exiger une nouvelle refonte du programme d’études.

J’attends votre réponse avec impatience.

Cordialement,

Liane Proulx