IJL – Réseau.Presse – Le Franco
«Si on regarde les dernières données sur les prix des maisons à Calgary, on constate qu’on n’a pas vraiment eu de correction [de prix] comme ailleurs au Canada. Ici, on a affaire à un marché qui reste stable», relate d’entrée de jeu Charles St-Arnaud, économiste en chef chez Alberta Central.
Pourtant, à Toronto et Vancouver, comme à Montréal, «on note une réduction de prix d’environ 20%», note l’économiste. Si cette décroissance ne semble pas se traduire sur le marché calgarien pour le moment, cela est dû à «plusieurs facteurs».
D’abord, «il faut considérer le point de départ des marchés», et ce, avant le début de la pandémie de COVID-19 qui a fait «gonfler les prix d’un bout à l’autre du pays». À ce titre, l’économiste précise que le développement économique a été plus «lent» à Calgary que dans le reste du Canada au cours de la dernière décennie.
Une économie qui dépend du secteur énergétique
«Il faut rappeler que beaucoup de gens qui habitent à Calgary ont des emplois liés au secteur énergétique. Avec la crise du pétrole survenue en 2015, plusieurs personnes ont perdu leur emploi et les salaires n’ont pas augmenté ici autant qu’ailleurs [au pays]», analyse Charles St-Arnaud. Sans stabilité économique, les acheteurs se sont faits rares et le marché immobilier a «sous-performé».
C’est une hypothèse que soutient aussi la courtière immobilière Paule Leemans qui exerce à Calgary depuis plus de deux décennies. Selon elle, «les propriétés ont baissé pendant cinq ans entre 2015 et 2019» en raison de la crise du pétrole. «À ce moment, les prix à Calgary n’avaient jamais été aussi bas», se remémore-t-elle.
Avec le deuxième «choc pétrolier» survenu en Alberta durant la pandémie, Charles St-Arnaud estime que le marché immobilier de Calgary a pris encore plus de «retard par rapport aux autres régions du Canada». Rappelons que les prix du pétrole avaient chuté de presque 30% en mars 2020, ce qui avait causé beaucoup d’incertitude dans l’industrie énergétique et dans l’économie albertaine. Au même moment, les marchés immobiliers s’enflammaient dans le reste du pays.
«Alors qu’une hausse faramineuse du prix des maisons survenait à Montréal et à Toronto en 2020, le boom immobilier de Calgary, lui, s’est passé beaucoup plus tard, vers la fin 2021 et au début de l’année 2022», avance Charles St-Arnaud. Un an plus tard, les prix sont toujours élevés dans la métropole albertaine, mais ne nécessitent pas «les mêmes corrections» que celles enregistrées dans les autres grandes villes du pays, «simplement parce qu’ils n’ont pas connu les mêmes excès».
«À Montréal, Vancouver et Toronto, les marchés n’ont jamais été aussi chers depuis 1981, quand les taux d’intérêt étaient de plus de 20%», rappelle l’économiste. Mais à l’inverse, nuance-t-il «l’abordabilité à Calgary est en ligne avec les moyennes historiques des quarante dernières années». En d’autres mots, c’est comme si le marché immobilier de Calgary avait comblé, au cours des deux dernières années, le retard qu’il avait accumulé historiquement par rapport aux autres grandes villes du pays.
Peu d’inventaires, beaucoup de nouveaux acquéreurs
Paule Leemans estime, elle aussi, que le marché calgarien va se stabiliser dans les prochains mois, même s’il risque «d’augmenter un peu encore en début d’année». Cette hausse sera notamment due «au manque d’inventaire qui continue d’affecter le marché immobilier de la ville en raison de la demande grandissante», rappelle la courtière immobilière chez RE/MAX.
Selon elle, le prix élevé des propriétés en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique a convaincu plusieurs personnes de migrer vers l’Alberta. Et son hypothèse tient la route : l’Alberta connaît actuellement une croissance de population historique. La province a accueilli près de 60 000 nouveaux habitants entre juillet et octobre 2022, dont le tiers sont arrivés d’une autre province.
Ce phénomène de migration interprovinciale a aussi été remarqué par la courtière immobilière Nadine Faule qui travaille, elle aussi, à Calgary depuis 1993. Tout comme Paule Leemans, elle offre ses services à une majorité de francophones. «Environ 80% des transactions que j’ai faites en 2022, c’était avec des gens du Québec, de Toronto, d’Ottawa et de Vancouver. Ils sont tous arrivés à Calgary pour acheter des maisons et des appartements parce que c’est beaucoup moins cher ici et en plus on paie moins de taxes», mentionne-t-elle.
Sauf que si les prix des propriétés demeurent élevés dans les prochains mois et «continuent à augmenter comme c’est envisagé», ce sera principalement en raison de toutes les nouvelles arrivées dans la province, estime Nadine Faule. «On n’a pratiquement plus de maisons à vendre», admet-elle. La courtière dit même avoir récemment vendu un condo bien au-delà de sa valeur réelle, cela en raison du manque de «comparables sur le marché».
Pour remédier à cette «pénurie de propriétés sur le marché de Calgary», plusieurs acheteurs se tournent maintenant vers des villes avoisinantes comme Cochrane, Airdrie, Okotoks et Chestermere. Un changement géographique dans l’acte d’achat qui n’a d’ailleurs pas été sans conséquence. «Vers la fin 2022, les prix augmentaient plus à Airdrie et à Okotoks qu’à Calgary», reconnaît-elle.
À lire aussi :