Le panneau d’entrée bilingue du Campus Saint-Jean est bien connu de la communauté et de quiconque qui emprunte la rue Marie-Anne-Gaboury, à Edmonton. Ainsi, il n’est donc pas étonnant que lorsque des membres du personnel de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) se sont présentés à leurs locaux de La Cité francophone lundi matin, à quelques pas du Campus, ils aient été pris au dépourvu par la nouvelle mouture de l’enseigne. L’affichage en français avait été retiré en totalité.
«Le panneau étant directement à la vue à partir de nos bureaux, nos employés ont vu ça [le lundi 11 septembre] et sont restés sous le choc. On nous avait parlé que l’Université faisant son rebranding, mais ça n’a jamais été porté à l’attention de qui que ce soit que cette [refonte] de [l’image de marque] effacerait complètement l’aspect francophone du Campus Saint-Jean», a affirmé le président de l’ACFA, Pierre Asselin, sur le vif, le matin du 12 septembre, avant que l’administration revienne sur sa décision et ne présente ses excuses à la communauté francophone.
Dans un communiqué publié plus tôt en journée, l’ACFA décrivait d’ailleurs la disparition de la signalisation bilingue comme un geste «anglonormatif, qui vise l’assimilation et qui fait perdre son caractère unique à notre institution postsecondaire de langue française». À la suite de cette communication, l’affaire a rapidement fait couler de l’encre en Alberta et ailleurs au pays, comme rapportés par Radio-Canada, Le Devoir et le Journal de Montréal.
À la vue de tous
En outre, la décision de retirer l’enseigne d’origine, rappelle M. Asselin en entrevue, a de nouveau été prise sans consultation avec la communauté franco-albertaine. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle qui avait été dénoncée par de nombreux acteurs de la francophonie lors du démantèlement de la salle historique du Campus, tel que précédemment rapporté sur notre site Web.
«C’est inacceptable et intolérable. C’est pas juste l’enseigne et ce ne sont pas juste les symboles qui disparaissent du Campus, on a rencontré plusieurs parties prenantes qui nous ont partagé des inquiétudes à divers niveaux. Les inquiétudes touchent particulièrement l’aspect franco dominant qui semble s’effriter», ajoute le président de l’ACFA.
Claudette Roy, la présidente de la Société historique francophone de l’Alberta (SHFA), abonde dans le même sens. Selon elle, la disparition des artéfacts de la salle historique était moins apparente aux yeux du grand public et équivalait donc à une forme plus «subtile» d’effacement de l’histoire franco-albertaine. En revanche, elle qualifie le changement de l’enseigne du Campus comme un effacement «visible» et manifeste du fait français, qui ne peut donc être ignoré par personne.
«Avant, il y avait tout ce qui se passait à l’intérieur du Campus qui n’était peut-être pas connu par tout le monde, mais là quand c’est directement sur la rue Marie-Anne-Gaboury que l’effacement a lieu, on ne peut pas l’ignorer. Là tout le monde le voit», explique-t-elle dans une entrevue accordée avant que l’administration de l’Université ne revienne sur sa décision.
Changer son fusil d’épaule
À la suite d’une couverture médiatique pointue et à des courriels envoyés par plusieurs organes journalistiques, dont Le Franco, l’Université de l’Alberta a fourni des explications à la communauté francophone en début d’après-midi mardi. Dans un communiqué, le responsable des relations externes du Campus Saint-Jean, Philip Worré, a expliqué que l’Université de l’Alberta avait récemment «mis à jour sa signalétique pour l’aligner sur sa nouvelle image de marque institutionnelle».
Or, assure l’administration, l’omission de la «dimension francophone» sur le panneau d’entrée du Campus Saint-Jean n’était qu’une erreur «importante et regrettable». «Nous nous excusons auprès des communautés d’expression françaises et des membres de la communauté du Campus Saint-Jean. Le panneau sera immédiatement retiré, et un nouveau panneau d’entrée sera installé qui reflète l’identité culturelle francophone unique du Campus tout en s’alignant sur la nouvelle image de marque institutionnelle», affirme M. Worré.
À peine une heure après l’envoi de ce communiqué, un camion a été aperçu transportant l’enseigne unilingue vers de nouveaux cieux. Un nouveau panneau bilingue devrait être installé sous peu. Il semble donc que l’administration ait rapidement entendu l’appel de la communauté et des organismes francophones de la province. Reste à voir si l’établissement universitaire rendra la pareille en ce qui concerne l’avenir de la salle historique du Campus.
Glossaire – Anglonormatif : L’anglonormativité s’appuie sur l’idée que l’anglais est la langue dominante (la norme) et devrait être parlée par tous.