le Samedi 5 octobre 2024
le Vendredi 19 janvier 2024 18:51 Chronique

La LPHF, lueur d’espoir pour le sport féminin canadien

Les hockeyeuses professionnelles ont, depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle organisation : la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Photo : John Mac (CC BY-SA 2.0 DEED) – Flickr
Les hockeyeuses professionnelles ont, depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle organisation : la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Photo : John Mac (CC BY-SA 2.0 DEED) – Flickr
(FRANCOPRESSE) - Lancée avec succès le 1er janvier dernier, la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) déchaine les passions. Au point d’entrainer tout le sport féminin canadien derrière elle?
La LPHF, lueur d’espoir pour le sport féminin canadien
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Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Et si, cette fois, c’était la bonne?

Après les disparitions successives de la Ligue nationale de hockey féminin (1999-2007), de la Ligue canadienne de hockey féminin (2007-2019) et de la Fédération première de hockey (2015-2023), les hockeyeuses professionnelles ont, depuis le 1er janvier, une nouvelle organisation : la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

Pas facile de s’y retrouver avec tous ces changements?

Pour la faire courte, la LPHF regroupe six équipes (Ottawa, Montréal, Toronto, Boston, New York et Minnesota), qui s’affrontent durant 24 matchs de saison régulière. Les quatre plus performantes rejoindront les séries, qui seront disputées au meilleur des cinq matchs. Un fonctionnement somme toute classique pour une ligue sportive nord-américaine.

Ce qui m’a semblé plus inattendu, c’est l’engouement qui l’entoure. Pour être tout à fait honnête, je n’avais que vaguement entendu parler de la ligue qui la précédait, la Fédération première de hockey, même si une équipe de la ville où j’habite, Montréal, en faisait partie.

En revanche, à l’approche du lancement de la saison de la LPHF, le 1er janvier, je n’ai pu que constater l’abondance d’articles entourant l’évènement qui ont fleuri dans les médias spécialisés – comme le site américain The Athletic, qui a une journaliste pour couvrir à plein temps la compétition, Hailey Salvian – mais aussi dans ceux d’actualité générale.

J’ai ainsi lu avec intérêt ces différents articles. Dans celui du Devoir, la vice-présidente principale des opérations hockey de la LPHF, Jayna Hefford, n’hésite pas à qualifier le lancement de cette nouvelle compétition comme «le moment le plus important» à ce jour pour le hockey féminin.

Guylaine Demers, professeure au Département d’éducation physique de l’Université Laval, à Québec, estime même qu’en cas de réussite, cette nouvelle ligue pourrait avoir un «effet boule de neige» sur tout le sport féminin canadien.

Des records d’affluence

Les premiers matchs de la saison ont montré que cette belle ambition n’est pas que le fruit de l’imagination des organisateurs. Le public est au rendez-vous.

Dès le deuxième jour de compétition, la rencontre entre Ottawa et Montréal avait réuni 8 318 spectateurs dans les gradins de la Place TD, à Ottawa, un record pour un match de hockey féminin professionnel. Un record qui a depuis été largement battu par le match entre Minnesota et Montréal, avec une affluence de 13 316 personnes.

La couverture télé est, elle, à la hauteur de l’évènement, surtout du côté canadien. Plusieurs chaines diffusent les rencontres (CBC/Radio-Canada, RDS, TSN, Sportsnet). Aux États-Unis cependant, la compétition est cantonnée aux chaines régionales.

Malgré un développement express – il n’y a eu que six mois entre l’annonce de la création de la LPHF, fin juin 2023, et le premier match de la compétition, le 1er janvier dernier –, la nouvelle organisation repose sur des bases solides, du moins en apparence.

Propriété de l’homme d’affaires américain Mark Walter, qui est également copropriétaire de la franchise de baseball des Dodgers de Los Angeles, la LPHF a reçu le soutien de l’ex-joueuse de tennis Billie Jean King, figure majeure du développement du sport féminin (je ne peux d’ailleurs que vous recommander le très bon film sur son combat, La Bataille des sexes).

De plus, les joueuses ont été inscrites au centre du processus de création de la nouvelle compétition. Fait rarissime, elles se sont mises d’accord sur leur convention collective, avant même que la ligue soit sur pied. «Le soutien que ces athlètes recevront ne ressemble à rien de ce que nous avons vu auparavant dans notre sport», estime Jayna Hefford.

Les filles s’offrent le droit de rêver

Toutefois, pour assurer un succès à long terme, il reste beaucoup de travail. Pour le moment, aucune équipe n’a encore de nom et de logo, éléments indispensables à un développement marketing.

D’autre part, le hockey féminin ne pourra sans doute pas s’épanouir totalement sans la création d’un Championnat du monde de hockey junior, comme il y en a un du côté masculin.

Cette compétition, qui s’adresse aux joueurs de moins de 20 ans, offre la possibilité de continuer à progresser et à montrer sa valeur avant de passer au monde professionnel. L’exemple de Connor Bédard, qui avait survolé la compétition en 2023, est une preuve de l’importance de ce championnat.

Surtout que la LPHF a offert la possibilité aux filles de rêver en grand et c’est une très bonne chose.

«Mon objectif, avant, c’était de faire les Jeux du Québec. Là, ça me donne un autre objectif d’une couche plus haute, et ça me permet de m’entrainer plus fort», se réjouit Victoria Beaudoin, joueuse de 14 ans des Remparts de Richelieu, au Québec, interrogée par Radio-Canada.

Il y a désormais un avenir pour elles, la possibilité de vivre de leur passion.

Pour finir, je ne peux m’empêcher d’établir une comparaison avec la première division de soccer féminin en France, qui fait également figure de fer de lance du sport professionnel féminin dans l’Hexagone.

Malgré une longue existence – elle a été créée en 1974 – et la présence de deux clubs d’envergure internationale (l’Olympique lyonnais et le Paris Saint-Germain), la compétition a traversé une zone de turbulences l’an passé. La qualité des pelouses et de la retransmission des matchs ont été pointées du doigt, et le milieu n’a de cesse de réclamer plus de considération.

Le niveau des rencontres s’améliore incontestablement, mais le soccer féminin peine encore à atteindre la popularité du soccer masculin en Europe, à cause d’infrastructures défaillantes, mais pas seulement.

Même quand les Espagnoles triomphent sur la scène mondiale, leur heure de gloire passe au second plan à cause de l’agression du président de la Fédération contre l’une de ses joueuses. Le chemin pour une vraie égalité des sexes dans le sport est encore long…

Je ne peux que souhaiter à la LPHF d’éviter tous ces écueils. Elle y gagnera un temps précieux dans son ambitieux développement.