le Mardi 17 septembre 2024
le Jeudi 8 août 2024 4:34 Chronique

Des grains de sable dans les rouages du patriarcat

Avoir un «corps prêt pour la plage» est un concept vendu par les agences de markéting et qui incite à des discriminations de toute sorte. Photo : Dipti Goyal - Unsplash
Avoir un «corps prêt pour la plage» est un concept vendu par les agences de markéting et qui incite à des discriminations de toute sorte. Photo : Dipti Goyal - Unsplash
Ah, l’été! Le soleil, la plage, les vacances... et, bien sûr, les injonctions infernales sur le «summer body». Chaque année, c’est la même rengaine : il faut sculpter, bronzer, épiler. Pourtant, derrière ce concept se cache une pression sociale énorme et souvent toxique pour les femmes.
Des grains de sable dans les rouages du patriarcat
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FRANCOPRESSE

Vous avez probablement croisé les expressions «summer body», «objectif bikini» ou «body goal» sur les réseaux sociaux ou dans vos magazines préférés à l’approche de l’été. Même si la société évolue, les injonctions persistent.

En 2015, une campagne publicitaire dans le métro londonien demandait : «Are you beach body ready?». Bien entendu, il n’était pas question de posséder un maillot de bain, ce que l’on pourrait penser la seule condition plus ou moins nécessaire pour se rendre à la plage, mais bien d’être suffisamment svelte.

Quand on parle de «summer body», il est évident que l’on parle de minceur. La grossophobie est omniprésente. Les personnes en surpoids se retrouvent stigmatisées, renvoyées à l’idée qu’elles manquent de volonté.

Mais ce n’est pas tout. Les normes estivales excluent aussi les personnes âgées et celles en situation de handicap, dont les corps sont considérés comme indésirables – tare ultime dans une société obsédée par la jeunesse et la performance.

Cette exclusion souligne l’âgisme et le capacitisme, des formes de discrimination qui jugent les individus uniquement sur leur apparence et leur conformité à des standards irréalistes.

En conséquence, ces personnes sont souvent marginalisées et invisibilisées, ce qui renforce leur sentiment d’inadéquation et de rejet dans des espaces censés être inclusifs et accessibles à tous et toutes.

Rejetons les normes imposées et les modèles irréalistes. Toutes les formes sont belles. Photo : Carlito – Pixabay

Patriarcat et capitalisme

Les injonctions sur le «summer body» s’inscrivent dans une volonté plus large du patriarcat de maintenir les femmes dans une position d’objet. En imposant des standards de beauté inatteignables et en critiquant constamment leur apparence, la société perpétue un contrôle sur ces dernières.

Les normes esthétiques servent à détourner l’attention des femmes de leurs ambitions personnelles et professionnelles, les maintenant focalisées sur leur apparence physique. La société préfère les femmes préoccupées par leur poids plutôt que par leurs droits.

Mais il y a une autre force à l’œuvre : le capitalisme. Ce système économique encourage constamment à consommer plus, en exploitant nos insécurités. Les industries de la mode, des cosmétiques et de la nutrition prospèrent en vendant des produits et des régimes censés nous aider à atteindre ce «summer body» idéalisé.

L’objectif? Nous faire dépenser toujours plus, tout en maintenant une pression constante pour améliorer notre apparence. Cette pression de la consommation perpétue ainsi le cycle de l’insatisfaction et de l’achat compulsif.

Paradoxalement, les femmes ne sont pas seulement jugées pour montrer leur corps, mais aussi pour se couvrir. Les critiques s’abattent sur celles qui choisissent de porter des vêtements couvrants à la plage, souvent perçues comme déviant des normes de liberté corporelle attendue en été.

Une amie qui préfère porter des tenues modestes pour des raisons personnelles a souvent fait face à des remarques désobligeantes. Elle m’a dit un jour : «Je ne suis jamais assez. Si je montre trop, je suis jugée. Si je ne montre pas assez, je suis aussi jugée.»

Une plage pour tout le monde

Le «summer body» est une construction sociale oppressive. Plutôt que de céder à cette tyrannie, acceptons la diversité des corps et rejetons les normes imposées. La plage est là pour tout le monde, que l’on porte des tailles petites ou X, que l’on ait des vergetures, de la cellulite, un fauteuil roulant ou des cicatrices.

Cet été, au lieu de préparer nos corps pour la plage, préparons nos cerveaux et nos cœurs pour la révolte, l’amour et la bienveillance. Et mettons quelques grains de sable dans les rouages du patriarcat!