Alors que les Jeux olympiques sont clos depuis ce dimanche, Étienne Haché revient sur la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024.
Ma question est la suivante : depuis quand Musk croit-il à quelque chose? Croire, c’est souvent bien différent de savoir, disait Pascal; et savoir n’est pas toujours pouvoir, mais émouvoir.
Pour sa part, l’académicien et philosophe Alain Finkielkraut a également regardé la cérémonie d’ouverture des JO. Comme l’on pouvait s’y attendre, lui aussi n’a pas vu un spectacle grandiose, mais une «mise en scène obscène et conformiste». Quant au leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, celui-ci n’a pas souhaité nourrir la critique du «blasphème». Tout en saluant l’audace des créateurs, à quoi bon, selon lui, de blesser les croyants, même quand on est anticlérical? Le spectacle de Thomas Jolly, ode à la diversité mettant à l’honneur les femmes tout comme la communauté LGBT+, a également suscité des réactions au sein d’une extrême droite française pleine d’amertume depuis les dernières législatives, qui a préféré voir dans cette soirée l’unique empreinte du wokisme.
Il y aura toujours à redire
Chose certaine, ce fut une cérémonie spectaculaire. Certaines scènes auraient sans doute pu être évitées, car elles apparaissent effectivement quelque peu déplacées; un peu kitch, mais c’est une affaire de goût. Elles sont aussi le reflet d’une époque, d’une culture.
Je ne partage pas donc l’avis de messieurs Musk et Finkielkraut dont les critiques, il me semble, visent injustement. Drapés de leur épée de capitaine d’industrie et d’académicien-penseur, ces deux réactionnaires — le premier, Musk, principal soutien de Donald Trump, le second, Finkielkraut, s’était dit prêt à voter pour le Rassemblement national aux dernières législatives — n’en expriment pas moins qu’une opinion. Or, comme chacun sait, l’opinion opine, elle pense mal; elle ne pense pas. À dénoncer, donc. Ce qui ne veut pas dire qu’une opinion soit toujours fausse, mais elle n’est pas nécessairement vraie comme l’a montré Platon.
Étonnant spectacle, peut-être; un peu brouillon par moment, sans doute; beaucoup d’activités et peut-être même un manque de cohérence, mais assurément très vivant. À titre d’exemple, la référence aux arts et en particulier à la danse classique et moderne. Aussi le public était très enthousiaste. Les Français sont parfois un peuple très divisé, qui n’arrive pas à se parler… Le sabotage des lignes SNCF, sans doute destiné à empêcher les voyageurs de se rendre à la cérémonie, en est la parfaite illustration, mais ce n’est pas la bonne méthode pour se réconcilier.
Une dimension politique
C’est toujours plaisant de voir les gens unis, même si ce n’est sans doute qu’une union d’apparat. Et pour cause, les mots du président Emmanuel Macron afin de marquer l’ouverture officielle des Jeux furent largement couverts de sifflements. Une partie du public présent au Trocadéro n’avait manifestement pas vraiment envie de voir le président de la République être mis en avant.
Au sujet de la prestation de Céline Dion, il est important de préciser que la chanteuse québécoise de renommée mondiale n’a rien touché… Elle n’a pas reçu 2 millions d’euros comme le prétend la rumeur sur les réseaux sociaux. À titre comparatif, «un tel cachet correspondrait à celui de Metallica, mais pour un concert géant de deux heures dans un énorme festival! En revanche, son accueil et sa venue ont été évidemment financés par la production des JO». Mais que d’émotions de voir et d’entendre la sublime Céline depuis la tour Eiffel! Elle fut, elle est et restera ce qu’elle est : une vraie diva, à côté de Barbara Streisand, de Whitney Houston et d’Aretha Franklin.
J’ai le souvenir que Céline avait accepté l’invitation de venir chanter lors d’un jour de fête nationale à Ottawa. Je me souviens aussi qu’elle avait, tout comme Guy Lafleur d’ailleurs, pris position contre l’indépendance du Québec lors du référendum de 1995. N’exagérons rien. Parions seulement qu’ils sont nombreux parmi les politiques fédéraux à vouloir Céline dans leur camp. Qui sait, peut-être que Céline contribuera à sauver le soldat Trudeau en 2025. D’ailleurs, le premier ministre s’est empressé de saluer chaleureusement sa performance à la tour Eiffel.
La question sociale du logement
Selon Oxfam, rien que ces dix dernières années, le 1% des plus riches a augmenté sa richesse de 40 000 milliards de dollars, alors que parallèlement le nombre de pauvres s’est accru. Ce que signifie ces chiffres, c’est que la redistribution des richesses est un problème politique que ne résout pas ni ne peut résoudre seul le marché. Ce qui laisse entière la question des inégalités liées à la redistribution.
En regardant la cérémonie d’ouverture, il m’est venu à l’esprit une thématique liée à la pauvreté et à la misère sociale, soit la crise du logement… Nous verrons si dans dix ans, les logements sociaux promis profiteront bien à leurs bénéficiaires ou si, comme à Stratford, dans le quartier londonien, ils seront revendus aux plus offrants par la mairie de Paris pour payer les dettes des Jeux.
Il fallait faire de la crise du logement un point essentiel d’un vaste plan pour les banlieues. Au lieu de cela, le président Macron a mis ce plan dans un tiroir pour ne plus l’en ressortir. Si nous ne sommes pas nécessairement gouvernés par des esprits obtus, il va de soi qu’aussi haut que certains de nos politiques soient perchés, ils n’en sont pas moins assis sur leur derrière! Et ce n’est, semble-t-il, pas prêt de s’arrêter.
La fierté nationale canadienne mise à rude épreuve
Les JO de Paris 2024 venaient à peine de débuter que, samedi 27 juillet, la FIFA a enlevé six points de classement au Canada dans le tournoi féminin de soccer et a banni trois entraîneurs, dont la sélectionneuse Bev Priestman, pour 12 mois, et ce, dans la foulée du scandale d’espionnage par drone. L’affaire a fait grand bruit en France. Une analyste non accréditée et une entraîneuse adjointe ont utilisé un drone pour espionner, à Saint-Étienne, les entraînements des Néo-Zélandaises contre qui les Canadiennes devaient jouer leur premier match. La sélection féminine canadienne a remporté le match 2-1 en ouverture du tournoi. Ajoutons que la sanction de la FIFA inclut également 8 mois de prison avec sursis pour le responsable chargé de diriger le drone et une amende de plus de 225 000 euros à Canada Soccer.
D’où le sentiment de honte que décrit fort bien Martin Leclerc pour le compte de Radio-Canada («Être canadien à Paris et avoir honte», 26 juillet 2024). Comment voulez-vous que les jeunes joueuses de soccer canadiennes aient le cœur au ventre pour la suite de la compétition avec une histoire pareille? Championnes olympiques en titre, les Canadiennes ne pourront récolter que 3 points sur 9 en phase préliminaire. Donc, très peu de chances d’aller plus loin dans la compétition. Irresponsables, incompétents, voyous; qui, par ailleurs, ne connaissent ni ne respectent le sentiment de fierté nationale de l’équipe féminine. Il n’y a pas d’autres mots pour condamner de tels agissements.
Le Canada aura l’honneur d’accueillir la prochaine Coupe du monde masculine de football en 2026 et nous voilà à tricher comme des hors-la-loi en pleine compétition olympique. C’est vraiment scandaleux et inadmissible. C’est aussi passer outre la volonté éthique forte d’un pays comme le Canada. Les Canadiens font toujours le ménage lorsqu’il s’agit de manquements graves à l’éthique. C’est même une vertu, comme l’a si bien montré la commission d’enquête dans l’affaire Ben Johnson lors des Jeux de la XXIVe Olympiade, à Séoul, en 1988. D’ailleurs, tout de suite après les sanctions, la ministre fédérale des Sports, Carla Qualtrough, a été on ne peut plus ferme : «Nous constatons des comportements préoccupants au sein de Canada Soccer. Nous devons faire toute la lumière sur cette affaire et nous le ferons».
En attendant, soutenons fièrement ces jeunes filles et la capitaine, Jessie Fleming, pour leur courage et leur esprit d’équipe.