Personne ne devinerait, en passant devant le Cornerstone, dans le centre-ville de Calgary, que le bâtiment, dorénavant résidentiel, était un ancien immeuble de bureaux. À l’intérieur, les logements ressemblent à des appartements neufs avec, en prime, de grandes fenêtres et une lumière du jour qui traverse le logement de part en part.
Cet immeuble a été converti en résidences par Maxim Olshevsky, le président-directeur général des groupes immobiliers Peoplefirst Developments et Astra Group. «On a commencé ce projet en 2022. C’est une conversion d’une tour de bureaux de 130 000 pieds carrés.» La façade a été entièrement refaite, des balcons ont même été bâtis. «Ce projet va abriter environ 112 logements, de deux ou trois chambres. Jusqu’à 500 personnes pourront vivre ici», complète le promoteur. Les premiers locataires investissent les lieux en avril, avec un loyer mensuel dans la moyenne du marché actuel du neuf : entre 2 000$ et 2 900$ pour un deux chambres et une salle de bain.
La ville de Calgary bat le record de l’augmentation des loyers pour l’année 2023, avec une hausse de plus de 14%. Il faut dire que les offres sont peu nombreuses sur le marché. «Nous avons plus de demandes que d’inventaires», commente Paula Leemans, agente immobilière depuis plus de 25 ans en Alberta. «Les logements à vendre se vendent tous très rapidement, nous sommes pratiquement toujours en offres multiples.»
«Les appartements neufs sont toujours relativement plus chers. Quand on regarde les prix des condos, ils ont augmenté, d’après les dernières données, d’environ 15% en un an. Le coût des loyers augmente aussi, mais c’est à cause de la pression forte qu’on a sur la demande», ajoute Charles Saint-Arnaud, économiste en chef chez Alberta Central.
Moins gourmands en ressources
Le Cornerstone est loin d’être le premier gratte-ciel à être converti en logements dans le centre de Calgary. Quelques rues plus loin, il y a le Cube – 65 appartements -, un projet terminé en 2019 par Ken Toews, vice-président de Strategic Group.
À l’intérieur du bâtiment, seuls les ascenseurs du sous-sol et le stationnement ont été conservés. «Nous voulons que les conversions donnent l’impression d’un bâtiment flambant neuf», explique Ken Toews pendant une visite.
«Il a clairement fallu modifier certains plans d’appartements pour que ça marche, il y a une plus grande variété de modèles en raison de la configuration du bâtiment. Ici, par exemple, il y avait une sortie de secours à l’entrée et l’appartement prévu dans cette partie ne s’y insérait pas. Nous avons donc dû totalement réaménager. Il faut vraiment être capable de s’adapter pour que ça fonctionne!», montre le promoteur.
L’un des avantages mis en avant par les groupes immobiliers, en plus du temps gagné en ayant un bâtiment déjà construit, c’est l’aspect environnemental. «Les quatre bâtiments que nous convertissons en ce moment représentent 17 000 tonnes de gaz à effet de serre. Nous les conservons et environ 60 000 tonnes de matériaux de construction ne partiront pas à la décharge. La conversion d’un bâtiment par rapport à la construction d’une maison est très différente», détaille Ken Toews.
Une solution parmi d’autres
Pour Paule Leemans, convertir des bureaux vides en logements participe à augmenter l’offre disponible même si cela ne suffira pas. «Compte tenu des défis actuels en matière d’approvisionnement et du temps nécessaire pour la conversion, ces efforts ne seront probablement pas suffisants pour satisfaire tous les besoins en demande dans notre ville», analyse l’agente immobilière. Plus de 202 000 nouveaux résidents ont rejoint la province au cours de 2023, une hausse record pour l’Alberta.
Selon l’économiste Charles Saint-Arnaud, les conversions de bureaux vides en logements, «ça fait partie de la solution, mais ce n’est pas la seule, car ça demande énormément de nouveaux logements pour accueillir tous les nouveaux résidents, donc la construction immobilière ne peut pas suivre le même rythme».
Plus de douze tours de bureaux sont en train d’être converties en logements à Calgary dans le cadre du plan de réhabilitation du centre-ville lancé, il y a deux ans, par la mairie, à une époque où le centre-ville avait atteint un pic avec un taux d’inoccupation de 34% Depuis 2014, le centre-ville est désert.
«C’est quand le secteur du pétrole et du gaz a commencé à entrer en récession, alors que notre centre-ville était en grande partie aménagé pour accueillir des bureaux commerciaux de cette industrie», explique Natalie Marchut, directrice du développement stratégique du centre-ville à la mairie de Calgary.
Pour redynamiser le centre-ville et apporter une réponse à la crise du logement, la Ville offre aux propriétaires immobiliers 75$ pour chaque mètre carré d’espace de bureau transformé. «On est désormais à 29 % de bureaux vacants, ce qui est une bonne nouvelle. Notre objectif est de convertir six millions de pieds carrés de bureaux dans le centre-ville d’ici 2031, nous avons un plan établi sur dix ans», détaille Natalie Marchut.
Personne ne s’en cache, convertir des bureaux vides en logements sera loin de suffire pour faire face à la crise immobilière actuelle, la plus importante de l’histoire du Canada. Cela fait toutefois partie de la solution : de plus en plus de grandes villes canadiennes, comme Toronto et Vancouver, s’inspirent de l’exemple de Calgary.
Glossaire — Offres multiples : Plusieurs offres d’achat sont effectuées pour un bien, ce qui entraîne à la hausse le prix de vente initialement demandé.