«La nouvelle filière d’immigration pour le tourisme et l’hôtellerie a été créée pour aider les entreprises de tourisme et d’hôtellerie à conserver les travailleurs qui sont venus dans la province avec un permis de travail pour qu’ils puissent obtenir la résidence permanente au Canada», se réjouit Tracy Douglas-Blowers, présidente et directrice générale d’Alberta Hotel & Lodging (AHLA). Dans le cadre du programme d’immigration Avantage Alberta du gouvernement, les immigrants qui possèdent un permis de travail temporaire peuvent bénéficier d’une accélération du processus d’obtention de la résidence permanente.
Plusieurs critères sont cependant requis, notamment avoir un emploi dans ce domaine en Alberta depuis au moins six mois. Une liste de dix-huit métiers admissibles, comme serveur, réceptionniste ou responsable de l’entretien des chambres d’un hôtel, a été établie. L’objectif est d’aider les immigrants, déjà employés dans le tourisme et l’hôtellerie, à s’installer en Alberta durablement.
Répondre à une pénurie de main-d’œuvre
Pour le secteur touristique, il est difficile de retenir les travailleurs sans compter que depuis la pandémie, ils se font de plus en plus rares. «L’industrie du tourisme a été fortement touchée par les restrictions imposées par la COVID-19. Nous avons perdu des compétences et de l’expérience au profit d’autres secteurs pendant cette période, en plus de connaître une pénurie de main-d’œuvre», appuie Karli Fleury, la directrice des initiatives en matière de main-d’œuvre de l’association Banff & Lake Louise Hospitality. La crise sanitaire a «exacerbé la pénurie de main-d’œuvre existante» pour plusieurs postes comme celui de chef cuisinier.
La mise en place d’un nouveau programme dédié au tourisme est donc bienvenue pour l’industrie de la province. «L’un des éléments de cette nouvelle stratégie touristique consiste à renforcer nos capacités en matière de ressources humaines, c’est une mesure concrète du soutien du gouvernement», souligne Tracy Douglas-Blowers. «Si nous voulons que l’industrie du tourisme génère un chiffre d’affaires de 25 milliards de dollars d’ici à 2035, nous aurons besoin de main-d’œuvre dans toute la province», ajoute la directrice générale d’AHLA.
Le gouvernement albertain s’est, quant à lui, fixé comme objectif de doubler l’économie du tourisme, qui représente aujourd’hui 10 milliards de dollars, dans les onze prochaines années.
Avoir «plus de certitude» pour s’établir
Avec la crise immobilière en cours, on pourrait s’interroger sur la capacité de la province à loger de nouveaux travailleurs, notamment à Banff et Jasper, où les offres de logements sont peu nombreuses et les prix particulièrement élevés. «Je crois que c’est là où le programme est judicieux», analyse Christian Cormier, avocat chez Prairie Advocate Law. «Il est possible de participer si ça fait au moins six mois qu’on travaille ici, donc ça signifie qu’on est déjà logé, déjà établi d’une certaine manière, donc ça évite un flux supplémentaire de travailleurs qui auraient à se loger.»
Ce programme n’a pas pour objectif de faire venir de nouvelles personnes pour le moment, mais plutôt de conserver une main-d’œuvre disponible pour le secteur touristique provincial, enclin à la pénurie. «L’intention, c’est de permettre à des gens déjà établis d’avoir un peu plus de certitude sur leur avenir, donc de savoir que s’ils ont un emploi dans le domaine, qui est malheureusement très souvent un secteur saisonnier par définition, de pouvoir s’investir personnellement, professionnellement en Alberta», explique l’avocat.
Si de nombreux employeurs du secteur de l’hôtellerie logent leurs salariés, ce n’est pas le cas partout. «Toutes les industries sont confrontées à cette crise du logement, le tourisme et l’hôtellerie ne font pas exception à la règle. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous demandons au gouvernement de réglementer les locations à court terme comme Airbnb et VRBO», martèle Tracy Douglas-Blowers.
Un programme de bon augure pour la francophonie
Dans l’ensemble, Me Christian Cormier voit d’un bon œil ce nouveau programme, que ce soit pour les travailleurs immigrés, mais aussi pour la francophonie albertaine. «Il y a un manque de main-d’œuvre bilingue dans les secteurs touristiques de grande demande, notamment dans les régions de Banff ou de Jasper, où l’on trouve beaucoup de touristes francophones.» Pour se faire recruter en tant que travailleur temporaire, parler français devient donc un véritable atout.
«Et ce serait vraiment aussi très bénéfique pour les communautés francophones en Alberta si ce genre de programme pouvait inciter les travailleurs à aller s’installer dans des régions qui sont moins urbaines, hors des grands centres», développe Christian Cormier. «Il y a tout le nord de l’Alberta où il y a énormément de sites touristiques et où il y a aussi beaucoup de francophones qui seraient ravis d’avoir des nouveaux arrivants francophones dans leur région.»
Pour le moment, le programme a été tellement populaire lors de son lancement que le processus d’admission est mis en pause. Le seuil initial, dont le nombre n’est pas communiqué, a été atteint. Une deuxième phase d’admission sera bientôt ouverte, dès que toutes les demandes déjà déposées «auront été examinées», note le site Web du gouvernement.
Glossaire – Exacerber : Augmenter, rendre plus important.