le Dimanche 19 janvier 2025
le Vendredi 20 Décembre 2024 12:08 Économie

Congé de TPS : ça change quoi?

Dicky Dikamba, directeur général du CANAVUA. Photo : Courtoisie
Dicky Dikamba, directeur général du CANAVUA. Photo : Courtoisie
Cette année, l’achat du sapin de Noël s’est peut-être fait attendre jusqu’au 14 décembre pour éviter la TPS (taxe sur les produits et services). Idem sans doute pour les cadeaux. Mais est-ce vraiment une mesure qui rejoint les gens?
Congé de TPS : ça change quoi?
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IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Étudiante, Florkencia Florvil aimerait bien que le congé de TPS se poursuive au-delà de février 2025. Photo : Courtoisie

«Ceux avec qui j’en ai discuté ne sont pas au courant de ce congé de taxes.» Celui qui parle ainsi, c’est Dicky Dikamba, le directeur général du CANAVUA, l’organisme francophone dédié à soutenir celles et ceux qui sont marginalisés dans la société albertaine, principalement à Edmonton. 

On peut s’en surprendre, mais, pour M. Dikamba, la clientèle visée par CANAVUA n’est pas nécessairement celle qui s’informe le plus. Cependant, il tient à préciser que «toutes les mesures prises pour soulager les familles sont une bonne chose», même si on peut juger que la pause temporaire de la TPS est quelque peu électoraliste.

L’opinion de Dicky Dikamba rejoint quelque peu celle de Sadok El Ghoul. Professeur titulaire en administration des affaires au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, où il enseigne la finance, le commerce international et l’économétrie, celui-ci est d’avis que la suspension de la TPS sur un certain laps de temps – la mesure doit prendre fin à la mi-février – «permet de réduire temporairement le coût de la vie pour les consommateurs, notamment sur des biens et services essentiels».

L’Alberta connaît en ce moment un taux de chômage élevé : 8,4% à Edmonton et 8,1% à Calgary, selon les chiffres annoncés en décembre par Statistique Canada. Pendant ce temps, les demandes auprès des banques alimentaires augmentent en flèche. Dicky Dikamba rapportait récemment au Franco que son organisme avait eu, en un an, une augmentation de 30% de clients demandant de l’aide, dont des personnes avec souvent des revenus de 60 000$. Pour le professeur El Ghoul, «quelques dollars économisés sur une période de deux mois peuvent fournir un léger répit, surtout si la mesure coïncide avec une période de dépenses plus importantes», comme celle des Fêtes.

Étudiante au Campus Saint-Jean en administration des affaires, Florkencia Florvil s’est rendu compte du retrait temporaire de la TPS lors de récents achats. Elle s’en réjouit, «selon moi, c’est une bonne chose, vu que je ne travaille pas encore. Ça me permet de payer moins d’argent sur mes achats et cela pourrait m’aider à économiser un peu d’argent même si ce n’est pas beaucoup. Évidemment, j’aimerais que ça se poursuive au-delà du 15 février, si possible».

Le professeur en économie, Sadok El Ghoul, fait carrière au Campus Saint-Jean, de l’Université de l’Alberta. Photo : Courtoisie

Un effet limité

Les répercussions politiques de l’arrêt temporaire de la TPS sont indéniables, selon M. El Ghoul. À commencer par la population qui peut la juger électoraliste compte tenu de la possibilité d’élections prochaines. Puis, au sein même du Parti libéral du Canada avec les soubresauts suscités par le départ de l’ex-ministre Chrystia Freeland, qui a jugé que cette réduction d’entrées fiscales augmentera «un déficit qui devra être géré tôt ou tard», explique M. El Ghoul.

Une chose est claire pour l’universitaire, «cette mesure reste limitée dans le temps et son impact sur le pouvoir d’achat sera vraisemblablement modeste. Les personnes en difficulté, sur le long terme, ont besoin de revenus plus stables, d’un meilleur accès à l’emploi et de mesures ciblées», comme l’accessibilité au logement, aux soins de santé ou à la formation professionnelle.

Dans le même sens, d’un point de vue économique, l’envoi d’un chèque de 250$ par le gouvernement fédéral (sur la glace pour le moment) aux personnes avec un revenu individuel de 150 000$ et moins peut susciter «des interrogations en matière de justice et d’efficacité», comme le souligne Sadok El Ghoul. Celui-ci fait évidemment référence aux personnes âgées qui devaient être exclues de cette mesure. 

D’ailleurs, lorsque questionné sur le sujet, le directeur général de la Fédération des aînés franco-albertains, David Caron, a préféré ne pas commenter, jugeant qu’il n’était pas «nécessaire d’ajouter sur les pressions qui ont déjà été faites contre cette mesure».

Certes, le congé de TPS représente une petite bouffée d’air frais pour Sadok El Ghoul. Mais du même souffle, celui qui s’intéresse notamment à la responsabilité sociale des entreprises ajoute que ce n’est pas «un remède durable au malaise socioéconomique». En tant qu’économiste, il croit qu’il serait mieux de miser sur d’autres solutions pour alléger le fardeau fiscal des contribuables. Parmi celles-ci, des crédits d’impôt ciblés, comme l’augmentation temporaire du crédit pour la TPS; la bonification des prestations sociales, dont l’allocation canadienne pour enfants ou les prestations pour aînés à faible revenu; ou encore la réduction d’autres taxes, incluant celles sur les aliments ou le logement. Bref, le cadeau de la TPS est peut-être bien emballé, mais mal ficelé.

Glossaire – bonification : rendre meilleur