IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
C’est un peu le constat que fait Joris Desmares-Decaux, le directeur du développement économique et des services aux entreprises au sein de Parallèle Alberta.
Si l’organisme économique n’a pas vraiment fait d’études formelles concernant la réussite en affaires des jeunes entrepreneurs maîtrisant les deux langues comparativement aux jeunes entrepreneurs unilingues, M. Desmares-Decaux constate que «les jeunes qui grandissent ici et qui maîtrisent les deux langues ont plus de facilité à comprendre l’écosystème et à saisir des opportunités hors de leur cercle initial, ce qui augmente leurs chances de réussite».
Il parle même de trilinguisme en donnant en exemple des jeunes qui sont passés par Parallèle Alberta, qui maîtrisent l’anglais, le français et l’arabe et qui visent ainsi «des marchés au-delà de l’Alberta et qui ont de vraies opportunités pour exporter ou créer des partenariats interculturels».
Joris Desmares-Decaux, directeur au développement économique et services aux entreprises

Ann Nguyen défend farouchement l’idée d’attirer les touristes francophones en Alberta et particulièrement à Edmonton. Photo : Courtoisie
Comprendre la valeur du français
S’il est parfois tentant de se fondre dans la masse unilingue anglophone, en revanche, d’autres comprennent la valeur du français et le voient comme un enjeu concurrentiel avantageux, que ce soit au niveau du marketing, du service à la clientèle ou des relations institutionnelles.
Et ce n’est pas Ann Nguyen qui dira le contraire. Installée à Edmonton depuis trois ans, elle a cofondé l’agence de voyages Alberta Travel Living. En 2023, grâce à Parallèle Alberta, elle a été sélectionnée pour participer à la compétition 48 h Top Chrono, à Winnipeg, organisée avec le soutien d’Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada. «Cette expérience m’a permis de collaborer avec d’autres entrepreneurs francophones de l’Ouest canadien pour développer des idées innovantes. De là est née l’idée d’une application web et mobile regroupant l’ensemble des informations touristiques de l’Alberta.»
Son agence de voyages propose non seulement des destinations internationales, mais elle se fait un point d’honneur d’y inclure des visites locales ou des événements communautaires. «Nous mettons un accent particulier sur les communautés ethnoculturelles, qui représentent 23% de la population canadienne et 30% de celle de l’Alberta.»
Et comme près du tiers de la francophonie albertaine est issu de l’immigration, Ann Nguyen est d’avis qu’il faut miser sur ce groupe de la population, d’autant plus qu’ils ont famille et amis qui viennent les visiter. Statistiques à l’appui, on sent que la nouvelle entrepreneure albertaine a fait ses classes.
En véritable ambassadrice d’Edmonton, celle qui a voyagé dans plus de 40 pays et qui avait aussi une agence de voyages dans son pays d’origine, le Vietnam, souligne que la ville, avec sa soixantaine de festivals, a tout pour plaire aux touristes les plus exigeants. D’où une grande confiance en son application, ambitionnant que celle-ci soit éventuellement utilisée par 10 millions de personnes.

CyberShieldMaple, créé par Mohamadou Ly, veille à la sécurité informatique des PME. Photo : Courtoisie
Un outil supplémentaire
Diplômé en génie logiciel, Mohamadou Ly a, lui aussi, démarré son entreprise, il y a peu de temps, grâce au soutien de Parallèle Alberta et, en particulier, grâce à la conseillère Claire Marrec, tient-il à préciser.
Après des stages chez BlackBerry et des postes en développement chez HPE Aruba, ainsi qu’au sein de Microsoft, où il a travaillé sur des produits grand public et des solutions de sécurité, il s’est rapidement interroger sur son désir de monter sa propre entreprise.
En dépit d’une jeune famille à charge, fallait-il le traverser ce fameux Rubicon et travailler pour soi? La réponse était évidente, avec bien sûr comme mission l’espoir d’améliorer le sort des PME. Car l’objectif de l’entreprise qu’il a créée, CyberShieldMaple, est bien de trouver des solutions antivirus à leur système informatique. «Ce qu’on fait, c’est offrir une plateforme simple qui permet aux petites organisations de sécuriser leurs ordinateurs et de s’assurer qu’elles respectent les normes de leur industrie», explique Mohamadou Ly.
Originaire du Sénégal, diplômé de l’Université d’Ottawa et fort de plusieurs années de travail à Montréal, M. Ly revendique pleinement son identité francophone. Selon lui, son bilinguisme est un atout déterminant. Cet accès à deux univers linguistiques lui permet d’approcher directement un marché souvent négligé. «À Calgary, il y a de nombreux organismes francophones qui manipulent des données sensibles. Le fait de pouvoir leur parler en français, ça crée un lien de confiance immédiat. Et si ça fonctionne ici, ça peut aussi marcher au Québec, en Ontario et pourquoi pas dans d’autres pays francophones», dit-il avec conviction.
Conscient des défis de l’entrepreneuriat, Mohamadou Ly reste optimiste. «C’est difficile, mais je crois à l’idée. Et être bilingue, c’est clairement une longueur d’avance.»
Les propos de ces deux jeunes entrepreneurs vont évidemment dans le sens des convictions de Joris Desmares-Decaux. Si, selon lui, beaucoup de nouveaux entrepreneurs basculent naturellement vers l’anglais parce que c’est là que se trouve la majorité des clients en Alberta, le Français reste valorisé dans le monde des affaires en Alberta. L’enjeu reste d’aider davantage de jeunes entrepreneurs à valoriser activement leur bilinguisme plutôt que de le laisser en option. «C’est à ces conditions que le bilinguisme deviendra un véritable levier commercial», assure Joris Desmares-Decaux.
Glossaire – Traverser le Rubicon : Prendre une décision lourde de conséquences