Jusqu’au 16 octobre 2023, la population albertaine était invitée à faire valoir son opinion, via un sondage en ligne, sur les thèmes qui devraient, selon elle, être enseignés aux élèves dans le futur programme d’études sociales. Parallèlement, des consultations impliquant des experts, des enseignants, des dirigeants francophones et autochtones se dérouleront au cours des prochains mois pour que toutes les voix soient prises en compte, a annoncé Alberta Education en septembre dernier.
Selon Tanya Saumure, la présidente de la Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta (FCSFA), cette annonce est très positive. «On s’en réjouit. On a travaillé très fort pour faire valoir notre opinion au gouvernement et pour démontrer notre volonté de travailler en collaboration avec eux. On ne se sent pas oubliés», mentionne-t-elle. Elle espère, aussi, qu’un grand nombre de francophones auront répondu à l’appel du gouvernement en partageant leurs opinions dans le sondage. «C’est notre responsabilité à tous de partager notre opinion sur ce que les jeunes devraient apprendre en études sociales, pas seulement aux enseignants et aux experts», affirme-t-elle.
La directrice générale de la FCSFA, Anne-Marie Boucher, abonde dans le même sens. «Je pense que le gouvernement a entendu l’appel de toutes les parties prenantes et c’est très positif», explique-t-elle. Elle rappelle que la première version du programme, qui avait été rendue publique en 2021, soulevait des enjeux à la fois «culturels et structurels» qui inquiétaient l’ensemble des intervenants du milieu de l’éducation.
C’est ce qui a conduit à la refonte complète à laquelle nous assistons aujourd’hui. «Le premier curriculum ne répondait absolument pas aux besoins des élèves, qu’ils soient francophones ou pas. Les éléments qui y étaient présentés n’étaient pas appropriés par rapport à l’âge et au développement normal de l’enfant. Ça ne tenait pas debout», dit-elle.
Plusieurs changements à prévoir pour les francophones
En plus des enjeux structurels précédemment soulevés, certains acteurs du milieu de l’éducation avaient remarqué que les perspectives et les contributions des francophones à la société albertaine étaient presque entièrement absentes du programme. «On en parlait un peu dans la section sur l’exploration de l’Ouest, mais il n’y avait pas de mention sur les personnalités qui ont joué un rôle crucial dans le développement de l’Alberta et de la ville d’Edmonton. Il n’y avait rien qui parlait, non plus, des communautés francophones de l’Alberta actuelle et de leur diversité», analyse Anne-Marie.
Le ministre de l’Éducation de l’Alberta, Demetrios Nicolaides, regrette que ces éléments aient été omis dans la première version du programme et s’engage à les intégrer plus clairement dans la nouvelle mouture. Selon lui, les élèves auront désormais «beaucoup plus de détails» sur l’établissement de la Nouvelle-France, l’arrivée des francophones en Alberta et leurs contributions sur le terrain.
«J’ai déjà eu quelques réunions avec des organisations francophones pour discuter du nouveau programme et obtenir leur avis. Bien sûr, rien n’est finalisé, nous sommes toujours en discussion avec des spécialistes et des experts, mais j’aimerais vraiment voir ces éléments historiques être ajoutés», mentionne-t-il.
Le ministre Nicolaides envisage également, dans la nouvelle structure du programme, de créer un espace où les élèves du secondaire pourront discuter et débattre de questions politiques et sociales liées à l’actualité. Dans ce cadre, dit-il, plusieurs occasions seront créées pour que les élèves francophones discutent des enjeux actuels qui touchent leurs communautés. «L’idée, c’est que les élèves soient capables d’appliquer les connaissances qu’ils ont préalablement acquises pour se forger des opinions sur les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui et sur notre monde actuel en général», affirme-t-il.
Une autre lacune qui avait été relevée par des membres de la francophonie lors de la publication de la première ébauche du programme d’études sociales concernait la rapidité de la mise en œuvre qui ne laissait que peu de délai aux conseils scolaires pour développer les ressources adéquates pour accompagner les élèves. «On n’avait pas assez de temps entre la date où la version finale était approuvée et le début de la mise en œuvre», relate Anne-Marie Boucher.
Avec le calendrier révisé annoncé par le gouvernement pour le déploiement du nouveau programme, le ministre de l’Éducation estime laisser assez de marge de manœuvre pour l’élaboration des ressources pédagogiques en français. «Nous visons septembre 2025 pour la mise en œuvre, en commençant par les niveaux de la maternelle à la troisième année, alors je crois que c’est réaliste», précise-t-il.
Enfin, le ministre Nicolaides souligne l’importance que ce nouveau programme ne soit pas simplement traduit mot à mot en français, mais qu’il soit élaboré et adapté en fonction de la perspective francophone. «En tant que personne bilingue, je parle le grec, je sais que les traductions directes sont insuffisantes. Il est crucial que le matériel des sciences sociales soit développé du point de vue francophone. Il ne s’agit pas uniquement de traduire des documents en français», conclut-il.
Glossaire – Refonte : Remaniement d’un texte – dans ce cas-ci d’un programme d’études – en vue de l’améliorer