le Vendredi 13 décembre 2024
le Lundi 4 mars 2024 18:25 Éducation

Un premier sommet pour répondre à l’urgence éducative des francophones

Cinquante-deux pour cent (52 %) des francophones en situation minoritaire ont des compétences en littéracie en dessous du niveau 3, considéré comme le seuil minimum pour s’épanouir dans la société. Photo : Dylan Gillis – Unsplash
Cinquante-deux pour cent (52 %) des francophones en situation minoritaire ont des compétences en littéracie en dessous du niveau 3, considéré comme le seuil minimum pour s’épanouir dans la société. Photo : Dylan Gillis – Unsplash
(FRANCOPRESSE) – Élaborer de nouveaux cadres pour l’éducation francophone tout au long de la vie sera l’objectif du tout premier Sommet national sur l’apprentissage pour la francophonie canadienne. Le Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC) réunit plusieurs intervenants du 4 au 6 mars 2024, à Ottawa.
Un premier sommet pour répondre à l’urgence éducative des francophones
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«Il y a urgence», lance Denis Desgagné, directeur général du RESDAC. Pour lui, ce sommet résonne comme un appel à l’aide, mais surtout un appel à l’action face à une urgence éducative croissante. Selon lui, les chiffres sont sans appel.

Le RESDAC rapporte qu’en moyenne, 52 % des francophones en situation minoritaire ont des compétences en littéracie en dessous du niveau 3, considéré comme le seuil minimum pour s’épanouir dans la société actuelle. Un chiffre qui frôle les 70 % dans certaines communautés.

«Au niveau 3, on est capable de lire des documents, les comprendre, etc. Niveau 2, on peut les lire, mais des fois on ne comprend pas ce que ça veut vraiment dire. Niveau 1, on ne peut pas lire. Cela donne une idée», commente Denis Desgagné.

Pour lui, ces statistiques permettent de comprendre, entre autres, l’assimilation et l’insécurité linguistique au sein des communautés francophones.

«Situation critique»

Néanmoins, le directeur général rappelle que ces chiffres sont issus d’une étude faite par le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) en 2012. «On pense qu’après la COVID, les données vont être encore plus graves.»

«On est dans une pénurie de main-d’œuvre, les gens sont inquiets, les compétences n’ont jamais été aussi importantes, remarque Denis Desgagné. Les employeurs cherchent des gens avec des compétences socioémotionnelles : la créativité, l’adaptabilité, la collaboration.»

Il cite aussi comme «éléments d’urgence» actuels les questions liées à la crise climatique et à l’intelligence artificielle.

«On voit la situation critique et on a besoin d’intervenir. On sait que seul, on n’y arrivera pas, la tâche est trop grande. Donc, le sommet, c’est un appel à l’aide à toutes les organisations, pour qu’elles puissent jouer leur rôle. Si on n’en fait rien, si on fait comme on faisait avant, c’est clair que les données vont augmenter», prévient le directeur général.

«On a beau aller chercher de nouveaux francophones ailleurs, on est dans une situation où même les nouveaux arrivants ont besoin aussi de compétences.»

Pour Denis Desgagné, les compétences spécifiques des francophones en contexte minoritaire doivent être reconnues. Photo : Communication RESDAC

De nouveaux cadres de compétences

Pour faire face à ces défis, de nouveaux cadres de compétences sont nécessaires, spécifiques aux francophones qui vivent en contexte minoritaire, soutient Denis Desgagné.

Des cadres qui incluent l’affirmation identitaire, l’engagement citoyen, le vivre ensemble et le bilinguisme additif, détaille-t-il.

Il rappelle que le RESDAC et d’autres organismes se sont battus pour faire adopter un amendement à l’article 41 (3) de la nouvelle Loi sur les langues officielles.

«Le gouvernement fédéral s’engage à renforcer les possibilités pour les minorités francophones et anglophones de faire des apprentissages de qualité, en contexte formel, non formel ou informel, dans leur propre langue tout au long de leur vie, notamment depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires», précise le texte de loi.

«C’est ça qui nous permet de rêver d’un nouveau paradigme, d’un nouveau chapitre de l’éducation en français au Canada», souligne Denis Desgagné. À l’intérieur, mais aussi en dehors du cadre scolaire.

Du formel à l’informel

«La francophonie canadienne a travaillé pour avoir des écoles, des garderies, des universités, des collèges, mais il y a aussi autour de nous des associations jeunesse, des familles. C’est tout cet écosystème qui est là et encore une fois, en francophonie canadienne, on ne peut pas juste improviser comme dans les majorités», poursuit-il.

L’apprentissage peut prendre différentes formes, qu’il soit formel, non formel ou informel, insiste Denis Desgagné. Au-delà des diplômes scolaires, il cite les formations apprises dans le cadre professionnel, mais aussi chez soi, en regardant par exemple un tutoriel sur YouTube, ou encore les activités culturelles et sportives. Sans oublier les interactions sociales avec son entourage.

Avec ce premier sommet, le RESDAC espère susciter un mouvement d’engagement collectif. Environ 300 personnes de partout au pays sont attendues.

«Le sommet est un tremplin. […] On souhaite que les gens s’engagent à travailler ensemble pour faire que nos organismes, nos institutions, nos familles soient apprenantes, que le formel, le non formel et l’informel soient en synergie, qu’il y ait des parcours d’apprentissage qui se dessinent pour tous les francophones du Canada», déclare le directeur général.

Badges numériques

Le RESDAC prévoit notamment de lancer une plateforme de badges numériques pour reconnaitre les compétences acquises tout au long de la vie, y compris dans les cadres non formels et informels.

Une initiative qui existe déjà dans plusieurs pays, «mais pas dans la francophonie canadienne», assure Denis Desgagné.

Des investissements sont également prévus pour aider les organisations francophones à développer des programmes de formation adaptés à leurs besoins.