«Les familles qui arrivent ici n’ont pas toujours connaissance du système juridique et parfois les méthodes qu’elles utilisent pour corriger leur enfant, malgré leur bonne foi, ne conviennent pas au contexte canadien», résume Donald Nguepi Ndongo, coordonnateur du programme des travailleurs en établissements dans les écoles (TEE) au PIA, .
Présenté devant une trentaine de participants, l’atelier avait pour objectif de décortiquer les lois canadiennes en matière de droits des enfants et de déterminer comment intégrer ces concepts dans la vie quotidienne des familles nouvellement arrivées en Alberta. Sans négliger d’évoquer les composantes culturelles qui peuvent évidemment avoir une influence sur l’éducation et les méthodes disciplinaires, précise-t-il. «Il y a des choses que l’on perçoit différemment quand on vient d’ailleurs.»
Les immigrants issus de pays africains ont notamment tendance à opter pour des stratégies plus «fermes» dans l’éducation de leurs enfants, souligne Andre Nguini, un père de famille d’origine camerounaise. «On vient d’un environnement où il y a une tolérance par rapport à la manière de discipliner nos enfants. Alors notre fermeté se manifeste parfois par la correction corporelle pour faire comprendre à l’enfant quelles sont les limites», explique-t-il.
Adapter son modèle parental
Les informations recueillies lors de cette présentation en ligne lui ont toutefois permis de réfléchir à une nouvelle approche, davantage en conformité avec les lois et valeurs canadiennes, sans pour autant dénaturer sa vision parentale.
Pour rappel, bien que la question demeure controversée, les châtiments corporels sont toujours permis au Canada sous certaines conditions. La fessée, par exemple, est tolérée en vertu de l’article 43 du Code criminel à condition que la force utilisée ne dépasse pas la mesure du raisonnable. Cependant, les gifles, les coups à la tête et les punitions avec des objets tels qu’une ceinture sont interdits. De plus, les adolescents et les enfants de moins de deux ans ne peuvent pas être punis corporellement.
«Il faut éduquer en respectant les lois du Canada qui ne sont pas mauvaises et visent à assurer la protection des enfants. Et en même temps, il faut garder une éducation ferme, car c’est un modèle auquel on croit énormément», souligne Andre Nguini.
Une opinion que partage en partie une autre participante, Rita Meifo. «L’Afrique et le Canada, c’est très différent. Je pense que c’est important d’avoir ce genre d’ateliers pour expliquer aux parents immigrants pourquoi ça vaut la peine d’utiliser la parentalité positive plutôt que la force pour discipliner leurs enfants.»
Cette étudiante en intervention en travail social et mère de famille affirme avoir effectué un virage complet dans son approche parentale depuis qu’elle est établie en Alberta. «Parce que j’ai eu ce modèle d’éducation par la réprimande, moi, personnellement, j’avais l’habitude de crier lorsque mon enfant faisait une bêtise. Mais ce n’est pas bon, car l’enfant se braque en réponse», indique-t-elle.
Au Cameroun, son pays d’origine, la correction corporelle peut également passer, rappelle-t-elle, par l’utilisation du fouet, une pratique qu’elle reconnaît aujourd’hui comme pouvant avoir «de graves impacts psychologiques, notamment sur l’estime de soi et la confiance envers autrui».
Des propos rassurants
À l’opposé, les familles qui tardent à s’ajuster aux lois canadiennes pourraient avoir des problèmes avec des agents de la protection de la jeunesse, explique Christina Wallace, une avocate d’Edmonton, membre de l’AJEFA, qui animait l’atelier offert conjointement avec le PIA. «L’objectif, c’est que l’information offerte circule au sein de la communauté afin de prévenir des situations où des parents perdraient [temporairement la garde] de leurs enfants. C’est de la prévention», précise-t-elle.
Malgré ces mises en garde, l’avocate se veut rassurante quant au mode d’intervention pratiqué auprès des enfants en Alberta qui se veut au service des familles afin qu’elles retrouvent «une stabilité». «Ce que le directeur de la protection de la jeunesse essaie de faire, c’est d’offrir des services psychologiques et s’assurer que la famille fasse les changements nécessaires pour qu’elle puisse rester [intacte] et se reconstruire [de manière] saine», mentionne-t-elle.
Cependant, elle ne nie pas qu’une certaine crainte demeure parmi les communautés ethnoculturelles qui ont parfois l’impression qu’on cherche à les prendre à défaut et leur «enlever» leurs enfants.
«C’est une réelle peur, ils connaissent des cas où le gouvernement est venu chercher les enfants. Nous, ce n’est pas notre avis. On rappelle que le système intervient seulement de cette manière s’il y a de gros problèmes à la maison», ajoute-t-elle.
Andre Nguini a été «très rassuré» d’entendre la juriste parler du système avec autant d’enthousiasme et de franchise. «C’est bien d’entendre les vrais faits. On avait peur en arrivant, il y avait ce préjugé que le gouvernement pourrait nous enlever notre enfant. C’est quelque chose qui a beaucoup impacté la façon d’encadrer et d’éduquer notre enfant [dans la dernière année]», conclut-il.
Glossaire – Se braquer : être hostile