FRANCOPRESSE
Les nouveaux arrivants originaires des pays africains sont nombreux à choisir l’Ontario ces dernières années. C’est le cas de Florian Abba*. Il a immigré en mars 2022 avec sa famille à Ottawa.
Aujourd’hui enseignant au sein d’un conseil scolaire de la capitale fédérale, Florian décrit un parcours parsemé d’embuches. Il cite les qualifications et l’expérience professionnelle, «qui peuvent ne pas être reconnues immédiatement».
«C’est d’ailleurs le 10 septembre dernier seulement que j’ai intégré l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario (OEEO), après de nombreux mois de traitement de mon dossier», appuie-t-il.
Avant de se présenter devant l’Ordre, Florian a étudié pendant près de deux années à temps plein à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, même s’il avait enseigné pendant 20 ans en Afrique.
Le retour aux études reste d’ailleurs souvent un passage obligé pour les nouveaux arrivants, selon ce qu’a pu constater la chercheuse et professeure au Collège Boréal, Yollande Dweme Pitta.
Elle estime que cette situation découle souvent des difficultés pour «obtenir les documents officiels en provenance de leur pays d’origine après tant d’années d’études, respecter les exigences dans les documents officiels initiaux, traduire les documents, réussir les tests de langue particulièrement difficiles.»
Enseigner le français en situation minoritaire
Yollande Dweme Pitta, qui est également directrice du Programme des travailleuses et des travailleurs d’établissement dans les écoles au sein du Centre ontarien de prévention des agressions, a identifié, dans le cadre de ses travaux, des professionnels qui partent du Québec pour enseigner en Ontario. En contexte minoritaire, ces enseignants pensent pouvoir trouver plus facilement du travail dans les écoles francophones de la province, car ils connaissent la langue et sont au fait de la pénurie de personnel enseignant.
Florian explique par contre qu’il a dû s’adapter «au français parlé au Canada», qui présente quelques différences par rapport à la langue parlée au Cameroun. «Pour améliorer la fluidité linguistique, j’ai dû participer à des cours de langue et la pratiquer régulièrement avec des locuteurs natifs canadiens», explique l’enseignant.
L’enseignant a aussi découvert qu’en Ontario, il faut avoir des connaissances en anglais afin d’échanger avec les parents d’élèves, qui jouent un rôle important dans le système éducatif du pays.
Mais le plus grand défi de Florian a véritablement été «l’utilisation des technologies éducatives». Le rôle de la technologie s’est accru avec la pandémie de COVID-19 et les confinements qui s’en sont suivis, avec la nécessité de poursuivre l’enseignement à distance.
Favoriser l’inclusion des enseignants immigrés
Pour Yollande Dweme Pitta, un meilleur accompagnement des professionnels formés à l’étranger et qui souhaitent s’insérer dans le système éducatif canadien est essentiel. Il incombe toutefois aux nouveaux arrivants de bien s’informer avant d’immigrer et, une fois sur le territoire, de «se renseigner avant de changer de profession».
La chercheuse estime que les directions d’école ont également une responsabilité liée au nécessaire rapprochement entre les anciens et les nouveaux enseignants, «afin de combattre les préjugés» qui pèsent sur les immigrants.
Par exemple, les nouveaux enseignants peuvent «intégrer les comités de pratiques, notamment le comité d’apprentissage à l’école pour bénéficier de l’expérience des enseignants chevronnés».
Florian a justement remarqué «une certaine fermeture» de la part de ses collègues et des conseils scolaires à établir des liens professionnels. «Je me réserve même le droit de parler de racisme», lâche-t-il.
Cette responsabilité revient également aux conseils scolaires, qui peuvent organiser des formations pour lutter contre les stéréotypes, «car les enseignantes formées en Afrique subsaharienne ont beaucoup à apporter, notamment au niveau de la méthodologie», souligne Yollande Dweme Pitta.
Les conseils scolaires au front en Alberta
L’Alberta, qui est aussi confrontée à une pénurie d’enseignants francophones, voit à la mobilisation de ses conseils scolaires pour accompagner l’insertion des professionnels formés à l’étranger, notamment en Afrique subsaharienne. La Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta (FCSFA) a lancé dès 2023 la plateforme Enseigner en Alberta, pour faciliter le recrutement des enseignants dans les écoles de la province.
«C’est devenu la norme que les enseignants viennent d’ailleurs pour enseigner en Alberta», constate la directrice exécutive de la FCSFA, Gisèle Bourque. Afin de faciliter l’insertion des enseignants formés à l’extérieur de la province, «le conseil scolaire peut demander au ministère de l’Éducation d’accélérer le processus d’accréditation en contrepartie d’une promesse d’embauche», ajoute-t-elle.
Selon elle, les nouveaux enseignants bénéficient également de l’entraide au sein des écoles albertaines. Les enseignants chevronnés d’origine africaine «ont développé un mentorat spécial», principalement à Edmonton, pour accompagner les nouveaux arrivants en proposant une sélection de formations nécessaires à l’adaptation au contexte local.
*Le nom a été modifié pour des raisons de sécurité et de confidentialité.