Isidore Guy Makaya est Canadien d’origine congolaise. Installé au Canada en 2005 et habitant à Yellowknife depuis 2016, il est aujourd’hui écrivain et poète à la tête de la maison d’édition Présence francophone. C’est son amour pour la langue et sa curiosité d’apprendre sur une variété de sujets qui l’a continuellement guidé dans ses périples sur trois continents.
Inès Lombardo – Francopresse
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Isidore Guy Makaya est un personnage haut en couleur, jusque dans sa penderie. Vêtu d’une élégante veste jaune soleil à col rouge et d’une casquette style gavroche, il tente de résumer sa vie bien remplie avec un large sourire depuis les Territoires du Nord-Ouest.
Originaire du Congo-Brazzaville, Isidore est venu au Canada pour la première fois en 2005. Mais il est d’abord passé par deux autres parcours d’immigration : l’Espagne, de 2000 à 2005, et la France, de 1992 à 2000.
Marié et père de deux enfants, aujourd’hui âgés de 24 et 26 ans et qui résident toujours en France, il a tout de même décidé de s’envoler vers le Québec. «Mes enfants n’ont jamais voulu venir, explique-t-il. Ils ont voulu rester en France, c’est leur pays.»
Il obtient la résidence permanente en 2005 via un organisme qui employait à l’époque des travailleurs qualifiés, comme lui-même, ailleurs qu’au Canada. Il devient citoyen canadien en 2010.
Arrivé au Québec avec une maîtrise en droit obtenue au Congo et une autre en droit et sciences politiques obtenue à Nancy, en France, Isidore Guy Makaya décroche un premier emploi à Montréal, mais poursuit ses études doctorales en droit international public à Sherbrooke.
Venu aux Territoires du Nord-Ouest après un rêve
Les études et surtout la stimulation intellectuelle en général sont au cœur de la vie d’Isidore, désormais âgé de 55 ans. La vie ne l’a certes pas épargné, mais elle l’a néanmoins guidée.
En 2013, alors qu’il habite à Montréal depuis plusieurs années, on lui diagnostique un cancer… à tort, car en réalité, il n’en est nullement atteint. Isidore entame ainsi le long et pénible processus des traitements de chimiothérapie pour un cancer qu’il n’a pas! «Cela a beaucoup affecté mon moral. Mais […] je ne peux pas nommer les personnes ni tenir l’hôpital responsable.»
Ce moment charnière de sa vie le poussera finalement à retourner voir ses parents en Afrique, qu’il n’avait pas revus depuis 21 ans.
S’il entretient toujours de bons rapports avec sa famille, il dit ne plus avoir d’attaches particulières depuis le décès de sa mère en 2016. Il tente toutefois d’adopter trois de ses neveux et nièces, âgés de 15, 15 et 17 ans, pour leur offrir de «meilleures perspectives» aux TNO.
De retour à Montréal, en 2016, il fait un rêve qui lui aurait soufflé : «Va voir Linda à Yellowknife». «Personne ne me croit lorsque je raconte ça, mais c’est la vérité!», lance Isidore en riant.
Curieux d’en connaître davantage sur cette fameuse Linda, Isidore plaque tout : il démissionne de son emploi chez Bell à Montréal, envoie ses affaires en avance à Yellowknife et saute dans le premier vol pour les Territoires du Nord-Ouest.
Arrivé à destination, la première personne qu’il croise est le neveu d’une certaine Linda, conseillère municipale et directrice générale de la Fédération franco-ténoise (FFT) qui deviendra plus tard la patronne d’Isidore et son amie.
C’est Vincent, le neveu de Linda, qui finit par les faire se rencontrer, en racontant le rêve d’Isidore en lien avec sa venue sur le territoire. «Elle non plus n’y croyait pas. Encore aujourd’hui, Linda envoie [à son neveu] une photo de nous lorsque nous sommes ensemble, pour nous remémorer cette histoire», ajoute Isidore.
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De l’hôtel à l’auteur
Isidore est passé «d’un simple emploi dans un hôtel» à la coordination du Centre d’accueil francophone de la FFT et du Réseau d’immigration francophone (RIFTNO), des postes qu’il a occupés jusqu’à récemment.
Mais l’une des véritables passions d’Isidore, ce sont les mots. Auteur et fondateur de la maison d’édition Présence francophone, créée en juillet 2017, Isidore a publié pas moins de quatre recueils de poèmes et de nouvelles. Une occupation qui lui a valu en 2011 le prix littéraire de Radio-Canada (pour la nouvelle).
Il explique avoir commencé à écrire grâce à ses sœurs, sa mère et sa grand-mère, qui lui racontaient toutes de nombreux contes lorsqu’il était enfant, au Congo-Brazzaville.
«Comme on dit, le métier d’écrivain ne nourrit pas son homme, mais je n’écris pas pour l’argent ni pour avoir du succès. C’est comme quelque chose qui vient du cœur. Et j’ai envie de laisser le témoignage de ce que je suis», souligne-t-il avec passion.
Constatant que les Territoires du Nord-Ouest n’avaient pas de maison d’édition francophone, il suit des cours d’édition à distance dans les Laurentides en 2017 et saute sur l’occasion pour s’auto-publier, ainsi que publier ceux dont il admire l’écriture, notamment de jeunes plumes qui ne demandent qu’à se faire connaître.
En décembre dernier, il a justement publié un recueil bilingue de poèmes intitulé Euphoriae. C’est l’œuvre de Serena Jenna, une jeune Franco-Ténoise de 14 ans.
Outre ses projets littéraires personnels, Isidore travaille sur une grammaire de sa langue maternelle, le vili. Le premier tome, Étude des substantifs, est paru en 2019 et appelle un second tome. En cours d’écriture, il sera davantage basé sur les groupes verbaux.
Il explique aussi travailler sur d’autres textes, laissant ainsi planer le doute quant à une éventuelle prochaine publication. «La communauté [franco-ténoise] m’a beaucoup aidé», précise Isidore, qui loue largement le travail des bénévoles œuvrant à la maison d’édition.
Repères retrouvés
Lorsqu’il parle de cette communauté, qui l’a accueillie il y a maintenant cinq ans à Yellowknife, Isidore est heureux et cela transparaît, même par le biais d’une caméra.
«Je vois le Québec comme une ancienne blonde», plaisante-t-il.
De façon plus sérieuse, il explique que Montréal lui a énormément donné sur le plan des amitiés et des connaissances, mais il n’est «pas certain» que l’épanouissement personnel était au rendez-vous après quelques années.
«J’aime être stimulé intellectuellement, découvrir… À Montréal, après quelque temps, je ne voyais plus la plus-value de rester», se remémore-t-il.
Petit bémol : à chaque parcours d’immigration, entre le Congo, la France, l’Espagne et le Canada, chaque arrivée dans un nouveau pays lui faisait perdre un peu plus ses repères.
«À chaque fois qu’on me demandait de parler de mon pays, je choisissais celui que je connaissais le mieux, c’est-à-dire celui que j’avais quitté le plus récemment. À un point tel que j’ai eu un problème d’identité à un moment donné», retrace-t-il.
Ce problème semble réglé depuis qu’Isidore habite Yellowknife, lui qui explique avoir sa maison au beau milieu d’une forêt, un cadre idyllique qu’il ne veut pour l’instant pas changer. Il précise toutefois rester ouvert à un autre parcours d’immigration: «Pourquoi pas en Amérique du Sud. Tant que j’apprends!»
Au travers des incertitudes liées à la pandémie, certaines histoires ressortent comme autant de bouffées d’air et d’espoir. C’est notamment le cas de nombreux francophones qui ont choisi le Canada comme terre d’accueil, il y a de cela quelques mois ou des années. En voici quelques-unes partagées par Francopresse.