le Jeudi 5 décembre 2024
le Vendredi 3 novembre 2023 20:00 Francophonie

Inclusion et rétention, les mots d’ordre de l’immigration francophone en Alberta

L'aéroport de Calgary, point de passage de nombreux immigrants francophones. Photo : Tupungato Commons
L'aéroport de Calgary, point de passage de nombreux immigrants francophones. Photo : Tupungato Commons
(IJL - RÉSEAU.PRESSE - LE FRANCO) - La version modernisée de la Loi sur les langues officielles (LLO) introduit désormais une obligation juridique en matière d’immigration francophone dont l’objectif est de freiner le déclin du français au pays en renforçant le poids démographique des minorités francophones. Bien que le recrutement de nouveaux arrivants soit essentiel pour atteindre cet objectif, tant en Alberta qu’à l’échelle nationale, la question de la rétention des immigrants au sein des communautés francophones ne doit pas être négligée.
Inclusion et rétention, les mots d’ordre de l’immigration francophone en Alberta
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Afin de rétablir le poids démographique de la minorité francophone à 6,1 %, soit au même niveau que lors du recensement national de 1971, les provinces doivent s’assurer que les immigrants francophones qui s’installent au pays préservent leur langue, plaide Alphonse Aloha dans une entrevue accordée à la rédaction à la suite de sa participation au Panel C-13 : ce que veulent dire les changements pour nos communautés organisé lors du Congrès annuel de la francophonie albertaine, à Edmonton. 

Selon le directeur général de Francophonie Albertaine Plurielle (FRAP), cette «rétention» ne peut se concrétiser en Alberta que si la francophonie s’engage activement à inclure les immigrants d’expression française de tous les horizons au sein de sa grande famille.

«C’est important de comprendre que notre comportement comme francophones envers d’autres francophones, notamment ceux qui arrivent dans notre pays, est critique pour la vitalité de la langue française en Alberta. Si les immigrants ont une expérience positive au sein de la communauté francophone, ils vont vouloir continuer à tisser des liens et à prendre part à la vie en français», explique-t-il. 

Vers une réelle acceptation de l’autre 

Pour favoriser cette inclusion, la FRAP s’efforce de connecter les immigrants à la communauté francophone dès leur arrivée à Edmonton, que ce soit en les invitant à des événements ou en les mettant en contact avec divers organismes. «Ça leur permet de créer rapidement des connexions et de sentir qu’ils font pleinement partie de la communauté et qu’ils peuvent facilement s’y intégrer», analyse Alphonse Ahola. 

Il s’empresse d’ajouter que cette démarche ne peut être efficace que si les autres organismes francophones de la province font, eux aussi, leur travail d’inclusion, tout comme les différents paliers gouvernementaux. «Les choses s’améliorent, l’intégration se fait de mieux en mieux, mais bien sûr qu’il y a encore des améliorations possibles», dit-il. 

La rétention des immigrants francophones hors Québec est un enjeu qui intéresse particulièrement Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), explique une représentante du ministère dans un échange de courriel, sans toutefois accorder une entrevue formelle à la rédaction du journal dans les temps impartis. 

L’initiative des communautés francophones accueillantes a d’ailleurs été mise sur pied récemment dans le but «de faciliter l’accueil et l’établissement des nouveaux arrivants d’expression française dans quatorze communautés, y compris en Alberta», écrit Nancy Caron. Ce projet pilote coordonné par le Centre d’Accueil pour Nouveaux Arrivants Francophones (CANAF) vise à favoriser «la création de liens et le développement d’un sentiment d’appartenance des nouveaux arrivants à leur communauté d’accueil», ajoute-t-elle.

Plusieurs projets de recherche ont également permis à IRCC de mieux comprendre les défis auxquels les nouveaux immigrants francophones et racisés sont confrontés dans leur parcours d’intégration. Des recommandations ont été émises à la suite de ces études pour favoriser l’«intégration socioprofessionnelle» des nouveaux arrivants et accroître l’engagement, ainsi que les capacités d’accueil des communautés francophones en situation minoritaire, notamment par l’embauche de travailleurs en établissements dans les écoles. 

Des pistes qui ont déjà commencé à être mises en œuvre sur le terrain par certains organismes de l’Alberta, tels que la FRAP et le Portail Immigrant Association à Calgary.

Alphonse Ahola est le directeur général de la FRAP. Photo : courtoisie

Sensibiliser les nouveaux arrivants aux enjeux d’ici

Au-delà du rôle essentiel qu’ils jouent dans l’intégration des immigrants francophones au sein de la francophonie albertaine, les organismes d’accueil ont une importance mission d’information à remplir auprès des nouveaux arrivants afin de les sensibiliser aux défis auxquels fait face la minorité linguistique et aux risques d’assimilation qui les guette. À la FRAP, une des stratégies mises en place vise à orienter les familles vers le système d’éducation en français, une option que plusieurs mettent habituellement de côté à leur arrivée. 

«En mettant leurs enfants dans une école anglophone, ils croient qu’ils augmentent leurs chances, dans le futur, de s’insérer dans le marché du travail. C’est une question de fonctionnalité dans leur tête. Ce qu’ils ne comprennent pas et que nous essayons de leur expliquer, c’est qu’avec le système francophone, il y a un double avantage, les enfants apprendront parfaitement le français et l’anglais», témoigne Alphonse Aloha.  

Il ne faut pas, cependant, surestimer les résultats attendus de cette sensibilisation aux enjeux linguistiques. Les nouveaux arrivants ont plusieurs autres priorités lorsqu’ils arrivent au pays, rappelle le directeur général de la FRAP. «Pour les immigrants qui arrivent ici, la loi C-13, ça ne veut absolument rien dire et la priorité quand il arrive ce n’est pas ça. C’est de s’installer, de trouver une maison, un médecin de famille, etc.», met-il en perspective.

Glossaire – Guetter : Faire peser sur quelqu’un une menace