Si la francophonie albertaine fourmille de leadeurs qui luttent pour bâtir leurs communautés, certains d’entre eux sont honorés chaque année pendant cette tradition de longue date instaurée par l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). De l’éducation à la jeunesse, en passant par la littérature et l’immigration, les différents prix reflètent la diversité de leurs efforts.
Parmi les récipiendaires de cette année, Daniel Cournoyer, le directeur général de La Cité francophone depuis 2012 et ancien directeur artistique et général de L’UniThéâtre, a vu ses accomplissements récompensés en recevant le Prix Eugène-C.-Trottier. Ancien comédien, il s’est consacré, dans son poste actuel, à créer le festival hivernal du Flying Canoë volant. Un incontournable pour la communauté qui se déroule chaque année dans le Quartier francophone d’Edmonton et dans le ravin Mill Creek. Il est également le fer de lance du Café Bicyclette, un lieu de rassemblement chéri par des Edmontoniens de toutes expressions. Ce prix souligne ainsi sa contribution à la visibilité de la francophonie.
Reconnaissant de cet honneur, Daniel Cournoyer rend hommage, avec humilité, aux nombreuses personnes qui l’ont encouragé à faire la différence. «J’ai plein de monde qui m’on bien entouré, se rappelle-t-il, qui m’ont permis de rêver et d’avancer avec mes folies.» Originaire d’Edmonton et parfaitement bilingue, il souligne aussi la manière dont certains ont parfois questionné ses ambitions. Toujours optimiste, il répondait : «Pourquoi pas? Il faut foncer, il faut faire valoir et faire rayonner notre belle communauté». Et il n’oublie pas le soutien de sa famille, surtout sa femme, qui lui a «[permis] de [s’absenter] à plusieurs reprises» au service infatigable de la communauté.
Les récipiendaires honorés pendant le Gala reconnaissance 2024 sont :
- Daniel Cournoyer – Prix Eugène-C.-Trottier (visibilité)
- Michel Gariépy – Prix Maurice-Lavallée (éducation)
- Mohamed Kourouma – Prix Marguerite-Dentinger (développement communautaire et culturel)
- Annie McKitrick – Prix Guy-Lacombe (services à la communauté)
- Sathya Rao – Prix Roger-Motut (histoire et littérature)
- Paul Denis – Prix Dr.-Jean-Paul-Bugeaud (santé et bien-être)
- Gloria Livingston – Prix Pierre-Bergeron (jeunesse)
- Esdras Ngenzi – Prix Dulari-Prithipaul (immigration)
- L’honorable Nate Glubish (député provincial) – Prix Georges-A.-Arès (leadeurship politique)
- Heather McPherson (députée fédérale) – Prix Ami.e de la francophonie
- Me Christian Cormier – Prix Maître Denis-Noël (engagement professionnel)
- Réseau santé Alberta – Prix Impact provincial
- ACFA régionale de Wood Buffalo – Prix Impact régional
Le leadeurship communautaire reconnu
Cet esprit d’épanouissement réunissait les récipiendaires de la soirée. Mohamed Kourouma, le cofondateur du Pont Cultural Bridge, était ravi de recevoir le Prix Marguerite-Dentinger en reconnaissance de son travail en développement communautaire. Entrepreneur expérimenté, ce Guinéen de naissance a fait sa marque en Alberta en gérant quelques entreprises, dont Zanzibar, un restaurant-discothèque sur la 118e avenue. Cet établissement qui porte le nom de cette île bien connue pour être sur la route de la soie, à proximité des côtes tanzaniennes, n’offre pourtant pas la cuisine de ce coin de pays. Mohamed Kourouma s’est spécialisé dans la cuisine ouest-africaine.
En 2017, il décide de lancer le Pont Cultural Bridge, dont il est aussi le directeur général, afin de répondre aux besoins des immigrants qu’il a perçus à l’époque. «J’ai vu un gap entre les besoins et les services, explique-t-il. Il y avait des fois des services [auxquels] les immigrants n’avaient pas accès […]. Donc, on a créé le Pont Cultural Bridge pour connecter la communauté aux services qui existaient ou essayer de créer de nouveaux services pour les besoins qui n’étaient pas couverts.»
Parmi les autres récipiendaires, Esdras Ngenzi a, semble-t-il, fait lui aussi l’unanimité. Immigrant établi de longue date au Canada, il a reçu le Prix Dulari-Prithipaul récompensant des immigrants méritants. Ancien réfugié du Rwanda, il se rappelle avoir mis les pieds au Canada en traversant le pont Peace entre Buffalo (New York) et Fort Erie (Ontario) en 1997. Celui qui a terminé ses études au doctorat en France a partagé, dans ses remerciements au public, son arrivée turbulente dans une province majoritairement anglophone. «C’est comme si tu ne savais rien» lorsque les gens s’expriment autour de lui, atteste-t-il. «Tu deviens donc comme un analphabète!»
Cependant, cette barrière linguistique ne l’a pas du tout limité, bien au contraire. Au fil des années, Esdras Ngenzi a travaillé dans le secteur de l’éducation, de Niagara-on-the-Lake à Sudbury, avant de s’installer à Calgary. Au moment de son arrivée dans la métropole albertaine, après une carrière bien remplie, il a décidé de ralentir un peu, «j’ai travaillé comme un fou, je veux plutôt un travail de 8 à 4». Après une année à chercher un emploi sans succès, il rejoint la direction générale de l’ACFA régionale de Calgary en 2013. En 2016, Esdras Ngenzi s’est lancé dans de nouveaux défis en dirigeant le Centre d’accueil des nouveaux arrivants francophones (CANAF). Des son parcours, il retiendra, «la passion était de dire « non, on ne peut pas échouer »».
En plus des récipiendaires de Prix d’excellence, sept personnes ont été intronisées à l’Ordre des sages de l’ACFA en reconnaissance de leurs contributions à la francophonie albertaine :
- Danielle et Gaston Launière (région de Calgary).
- Jo-Anne et Camille Bérubé (région d’Edmonton).
- Anie Charron (région de Red Deer).
- Marie et Evens Lavoie (région de Rivière-la-Paix).
Cela prend un village
La thématique commune aux discours de la soirée était la reconnaissance des bonnes âmes qui ont aidé les récipiendaires dans leurs démarches. Maryse Champagne, directrice de l’ACFA régionale de Wood Buffalo, a humblement accepté le prix Impact régional remis pour reconnaître la résilience de la francophonie du Nord-Ouest albertain face à plusieurs catastrophes. Personne n’a oublié l’inondation de décembre 2020 ni les feux qui se sont succédé à Fort McMurray au cours de ces 10 dernières années. «Ce prix représente plus qu’une simple reconnaissance; il incarne un effort collectif d’une communauté qui œuvre avec passion pour faire vivre la langue et la culture françaises dans la belle région de Wood Buffalo.»
Paul Denis a lui reçu le Prix Jean-Paul-Bugeaud dans le domaine de la santé et du bien-être. L’ancien directeur général du Réseau santé Alberta a invité tous les membres de son organisme, passés ou présents, à se lever afin qu’ils reçoivent une salve d’applaudissements pour le travail d’équipe effectué. Un autre témoignage exprimant que le dynamisme de la francophonie d’aujourd’hui est dû à la contribution de tous ses membres.
L’ACFA a également honoré Chantal Monfette, résidente de St-Isidore qui œuvre dans la francophonie depuis des décennies, en lui remettant un prix spécial.