IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
«Pourquoi tu me parles en français? C’est pas cool!» Cette question-là, Isabelle Normandeau, membre du conseil d’administration (CA) de la Francophonie jeunesse de l’Alberta, se l’est fait poser à quelques reprises par ses camarades de classe qui fréquentent pourtant une école francophone.
Il faut comprendre que les jeunes souffrent d’insécurité linguistique. Pour certains d’entre eux, «ça les décourage de parler en français», de l’avis de l’élève de 12e année.
L’indifférence face au français survient peut-être au début du secondaire, si on se fie à Léa Lavoie, adjointe à la programmation et aux communications à FJA. «Moi, je suis allée à l’école francophone. Mais en 7e et en 8e année, les conversations switchaient en anglais», se rappelle-t-elle. La cause : le changement des mentalités qui commence à s’opérer à cet âge. «Vous savez, la pression du groupe est importante à l’adolescence.»
Et cette pression prend parfois le pas sur celle des parents, selon Isabelle Normandeau, qui reconnaît que le plus beau cadeau que les siens lui ont donné, c’est de l’avoir inscrite à l’école francophone.
Tous les jeunes ne réagissent pourtant pas de la même façon. Charles Ederle habite dans la région de Jasper. «Il est le représentant jeunesse sur notre CA», a mentionné au téléphone Émilie Langley, la directrice de l’ACFA régionale de Jasper.
Afin de discuter de cette problématique, elle recommandait vivement à la rédaction de communiquer avec ce jeune de 18 ans. Et effectivement, quand la rédaction l’interpelle sur l’attrait du français pour les jeunes, on comprend très vite que la francophonie fait partie de son ADN. Il partage cette langue avec sa mère, mais la situation avec son frère cadet est différente. «Même famille, même éducation en français, mais il n’a pas la même étincelle face à la langue», raconte le grand frère, un peu déçu.
Gisèle Bourque, originaire des Îles-de-la-Madeleine, a consacré 38 ans de sa vie à l’éducation francophone en milieu minoritaire, entre la Nouvelle-Écosse et l’Alberta. La directrice exécutive de la Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta (FCSFA) en est convaincue : la clé réside dans la persévérance et la clarté.
«La constance et la fierté sont essentielles. Quand on leur rappelle que, dans une école francophone, c’est l’exigence et quand tout le monde est sur la même longueur d’onde, ça les aide beaucoup», relate-t-elle avec conviction.
Elle ajoute aussi un autre élément : la valorisation. Le renforcement positif est primordial quand les élèves parlent français. Cela va aussi dans le sens de valoriser toutes les formes de français, et ce, «même si on a un accent », précise Mme Bourque.
Hors de l’école, point de salut?
«Il faut donner aux jeunes des environnements qui soient positifs. Il faut aller plus loin que la grammaire», estime Charles Ederle. L’étincelle, Isabelle Normandeau l’a eue quand elle a commencé à faire de l’improvisation. «Je pouvais être francophone devant du monde. Ç’a été formidable!»
Mélanie Langley, qui a des enfants au primaire, considère que, pour l’instant, c’est normal pour eux de parler en français avec les autres. «On a des amis francophones qu’on fréquente, donc, on leur parle en français. On parle aussi en français à la maison.» Mais en dehors de l’environnement familial…
Il y a les fameux réseaux sociaux. Si certains s’expriment en français, Léa Lavoie reconnaît que plusieurs utilisent l’anglais. Et quand le regard n’est plus fixé sur le cellulaire ou la tablette, est-il possible d’espérer un regain de la langue? Léa estime que FJA s’efforce de créer des événements dans cet objectif et qui se veulent rassembleurs.
Elle donne pour exemple le RéseauRaJe qui s’est déroulé le 24 octobre dernier, réunissant essentiellement des élèves de 9e année et qui a accueilli comme tête d’affiche le FloFranco, un artiste et rappeur d’origine haïtienne basé à Ottawa, qui manie la langue française et la diversité avec efficacité. Elle évoque aussi «l’assemblée générale annuelle», qui est toujours une fête, et «notre Parlement jeunesse albertain».
Et puis à ceux qui continuent de demander à Isabelle Normandeau, pourquoi elle parle français, elle leur répond du tac au tac que ça lui a permis de manquer son test de chimie! En effet, lorsque le test a eu lieu, la première fin de semaine de novembre, elle était à Ottawa afin de participer au Forum jeunesse pancanadien (FJP) de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF). La thématique de l’évènement jeunesse aurait pu aussi coller à celle de la francophonie, «la jeunesse d’hier, d’aujourd’hui et de demain». Mais n’ayez crainte, il est prévu qu’elle reprenne son fameux test de chimie!
Glossaire – Regain : renforcement, renouveau