IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
Nathalie Belkhiter est la directrice de l’ACFA régionale de Red Deer, Maryse Champagne dirige celle de Wood Buffalo et Cindie LeBlanc est la directrice des relations avec les entreprises et les parties prenantes au Edmonton Metropolitan Region Board. Mais elles évoquent toutes les trois des réalités qui se croisent.
Les ACFA régionales, loin des grands centres comme Edmonton ou Calgary, ont évidemment leur réalité bien à elles. À Wood Buffalo, Maryse Champagne fait part de ses doléances et explique, par exemple, que l’organisation d’événements culturels dans une région aussi éloignée que Fort McMurray comporte des défis uniques.
Elle évoque notamment que «pour chaque concert ou événement, il faut organiser le transport d’instruments depuis Edmonton». Cela amène des coûts logistiques supplémentaires qui ne sont pas toujours simples à gérer, surtout pour des organismes sans but lucratif comme le sien.
Alors que la région a connu son lot d’épreuves ces dernières années avec d’imposants feux de forêt et des inondations dévastatrices, la ville est meurtrie. De plus, les travailleurs de l’industrie pétrolière, une grande majorité de la main-d’œuvre locale, ont parfois des horaires atypiques. Il n’est donc pas simple, dans ces conditions, d’organiser des activités qui pourront réunir l’ensemble de la population. Elle note aussi la difficulté de mobiliser une bonne partie de la gent masculine.
Malgré tous ces obstacles, Maryse Champagne se réjouit d’avoir vu une croissance importante du nombre de ses membres. «Quand je suis arrivée en poste en 2020, nous n’avions qu’une quarantaine de membres. Aujourd’hui, nous en comptons plus de 300 et j’en suis très fière.» Elle l’explique par la grande solidarité qui s’est créée entre les habitants et les organismes, anglophones et francophones, à la suite des dramatiques événements, a-t-elle souligné lors de la table ronde.
Tisser des liens avec les autres organismes
Pour sa part, Nathalie Belkhiter explique l’impact positif du déménagement de l’ACFA régionale de Red Deer dans un grand bâtiment communautaire qui permet d’accueillir d’autres organismes et d’ouvrir la voie à de nouveaux partenariats ou à des activités communes. Un désir de réunir pour mieux vivre.
C’est le cas notamment avec l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA) sur le plan juridique ou avec la Coalition des femmes de l’Alberta pour organiser des activités entre femmes. Parallèle Alberta collabore aussi depuis quelques semaines au niveau de l’employabilité, ce qui permet aux demandeurs d’emploi francophones de rencontrer les employeurs et les acteurs économiques de la région.
Mais, en plus de collaborer avec les organismes francophones, Nathalie Belkhiter essaie de se rapprocher de ceux du côté anglophone. «Avec les organismes anglophones, on a eu pas mal d’ouvertures. Par exemple, on a des cours de français dans nos locaux. Et ceux-ci nous contactent, car ils ont de la clientèle à nous envoyer.»
Cette coopération s’est également matérialisée récemment par une entente avec l’Agence du revenu du Canada (ARC). Tous les mois, des agents de l’ARC viennent dans les locaux de l’ACFA régionale de Red Deer pour offrir des services en personne, renforçant ainsi le lien entre les citoyens et les institutions. De quoi développer les pouvoirs de la régionale.
Ne pas avoir peur de demander
Figure influente au sein de la communauté francophone de l’Alberta, Cindie LeBlanc a consacré près de 20 ans au développement des services en français au sein du gouvernement provincial. Elle décrit son rôle comme celui d’un pont entre les institutions et les besoins des francophones. «Ce que je fais, c’est favoriser une meilleure collaboration pour amener une amélioration des services.»
Interrogée sur les défis auxquels font face les communautés francophones en région, Cindie insiste sur l’importance de la sensibilisation. «Il est crucial de valoriser les aspects de la vitalité de notre communauté. C’est en rayonnant au niveau local que l’on peut espérer une réponse positive de la part des autorités.»
Elle encourage également les membres de la communauté à se faire entendre et à demander des services en français. Elle donne pour exemple sa propre expérience. Elle a inscrit ses deux jeunes enfants à des cours de natation à Sherwood Park, en banlieue d’Edmonton.
Sachant qu’il y avait des moniteurs qui parlaient français, elle a simplement demandé «s’il était possible d’avoir un instructeur francophone pour mes enfants». ACette démarche a permis de créer un espace où le français était valorisé. Ces petites victoires contribuent, selon elle, à normaliser la présence du français dans des milieux majoritairement anglophones.
Être sur le terrain
Parmi les conseils de Cindie LeBlanc, retenus par Maryse Champagne, il y a celui de l’importance d’être sur le terrain afin d’accompagner les gens. «Il ne suffit pas, selon Cindie LeBlanc, d’inviter les élus à nos événements; il faut les accompagner, les intégrer, leur montrer qui nous sommes vraiment.»
Sa démarche est un appel à l’action pour bâtir des liens solides et durables, notamment avec les médias. C’est une chose d’envoyer un communiqué de presse. C’en est une autre de prendre le téléphone et de parler avec le ou la journaliste pour savoir si l’on peut lui fournir d’autres éléments d’information.
Cependant, malgré la bonne volonté que les ACFA régionales mettent au quotidien, Maryse Champagne reconnaît que le manque de ressources est parfois quelque peu épuisant. «Dans des grands centres comme Edmonton ou Calgary, on a parfois l’impression d’être oubliés, comme si Fort McMurray n’existait pas sur la carte des priorités.» Mais elle garde néanmoins espoir. Le projet d’une nouvelle école et d’une autre garderie francophones demeure très motivant.
Quant à Nathalie Belkhiter, elle note également l’importance de la visibilité en ligne pour recruter de nouveaux membres et pour rester en contact avec ceux qui viennent d’arriver. «Je suis très présente sur les réseaux sociaux, dans les groupes francophones en Alberta. Cela permet un premier contact et, ensuite, lorsqu’ils sont sur place, je continue de les accompagner.»