FRANCOPRESSE
«La nourriture est le meilleur moyen de découvrir l’autre. En Afrique, la cuisine fait partie intégrante de qui on est, de notre quotidien», affirme le coordonnateur de projets au Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS), en Ontario, Gouled Hassan.
Le responsable parle d’un art culinaire qui «façonne les rencontres, exprime l’amour ou le chagrin» à l’occasion des mariages ou des décès.
Depuis 25 ans, le CIFS organise une fois par an le Cabaret africain. L’évènement multiculturel réunit quelque 500 personnes autour de la gastronomie, de la musique et de la mode. Le repas attire aussi bien des anglophones que des francophones, des Franco-Ontariens de longue date que de nouveaux arrivants déboussolés en quête de repères, détaille Gouled Hassan.
«On célèbre la diversité, on veut favoriser la rencontre de personnes qui ne se seraient pas croisées par ailleurs.»
Près de 80 bénévoles, dont une vingtaine en cuisine, s’activent pour donner vie à cette soirée qui se déroule à guichet fermé depuis 15 ans. Chaque année, plantain, couscous et riz en tout genre mijotent dans les marmites fumantes.
Une semaine dédiée à l’immigration francophone
La Semaine de l’immigration francophone a lieu début novembre chaque année au Canada. Des activités d’intégration, de discussion et de rencontres entre nouveaux arrivants et communautés d’accueil sont organisées dans plusieurs communautés francophones.
Faire tomber les préjugés
Avec le Cabaret, Gouled Hassan souhaite faire tomber les clichés et les préjugés tenaces envers l’Afrique.
«Quand les Canadiens pensent Afrique, ils pensent famine, guerre, besoins humanitaires. On veut leur faire prendre conscience d’aspects plus positifs, leur montrer les richesses culturelles et l’apport des immigrants», insiste le coordonnateur.
Plus à l’est, au Nouveau-Brunswick, les centres de la petite enfance de l’Association régionale de la communauté francophone (ARCf) de Saint-Jean tentent également de jeter des ponts entre les nouveaux arrivants et les deux communautés d’accueil de la région grâce à la nourriture.
Depuis quatre ans, les dix éducatrices des deux garderies du secteur mitonnent des spécialités de leur pays d’origine pour les enfants à l’occasion de la Semaine nationale de l’immigration francophone, début novembre.
Les tout-petits découvrent des recettes du Cameroun, du Maroc, d’Algérie, de Cuba. Mélanges sucrés-salés, soupes, boulettes de viande, haricots rouges sont à l’honneur.
«Les enfants sont très curieux, rien que les odeurs si particulières les attirent et ils posent des questions sur les ingrédients avant de déguster», assure l’éducatrice au CPE La vallée enchantée à Quispamsis, Malika Abbassi.
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«Les locaux s’ouvrent à nous et on s’ouvre à eux»
Originaire du Maroc, Malika Abbassi est engagée depuis le début dans le projet. L’an dernier, elle a cuisiné une medfouna, un plat traditionnel composé notamment de vermicelles de blé, de poulet et d’épices, puis recouvert de sucre à glacer et de cannelle.
Le personnel prépare aussi un livret pour les parents avec des explications sur l’histoire des mets et des détails sur les recettes, s’ils veulent les refaire chez eux. «C’est une manière d’aider les gens à voyager sans se déplacer, on ramène nos pays ici», se réjouit l’éducatrice.
Elle en est persuadée, la cuisine facilite l’intégration des immigrants : «Ça permet aux gens de se rencontrer et de s’apprécier davantage, ça contribue à changer les regards. Les locaux s’ouvrent à nous et on s’ouvre à eux.»
L’agente de projets arts et culture de l’Association franco-yukonaise, Alexia Desoblin, considère également que la cuisine est un «élément rassembleur».
Chaque mois, l’organisme propose un repas communautaire qui réunit au minimum 25 personnes de la communauté francophone. En novembre, c’est au tour de la gastronomie belge d’être sous le feu des projecteurs.
«Il y a des liens énormes entre pratiques culinaires et intégration sociale des nouveaux arrivants. La mise en valeur du patrimoine culinaire aide à cultiver le dialogue et la curiosité de l’autre», confirme le professeur à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Alain Girard.
Le sociologue de l’alimentation aimerait voir plus d’évènements de ce type : «Ça reste trop ponctuel et ça limite les possibilités d’établir des liens durables à l’extérieur, dans la vie de tous les jours.»
La curiosité toujours au rendez-vous
À Quispamsis, dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, Malika Abbassi a pu nouer des «relations plus profondes» avec plusieurs parents grâce à l’initiative de l’ARCf. «Avant c’était “bonjour, au revoir”, maintenant la cuisine a ouvert des portes, on a de nouvelles discussions sur mon pays, ma culture.»
«La nourriture est un moyen d’intégration et de partage, beaucoup de gens me connaissent à travers ma cuisine», abonde dans le même sens la fondatrice de l’entreprise de traiteur My African Cuisine in YK, dans les Territoires du Nord-Ouest (T. N.-O.), Aminata Konaté.
Venue du Mali, la jeune femme prépare des spécialités ouest-africaines, comme du riz jollof, du couscous sauté aux légumes, des grillades ou des bananes plantains. «Quand on parle de cuisine africaine, on réduit souvent ça au piment. Mon travail est l’occasion de faire connaitre la richesse et la diversité de notre patrimoine culinaire.»
Arrivée dans les T. N.-O. en 2019, elle a commencé par vendre des jus de gingembre et d’hibiscus au marché des fermiers de Yellowknife. Elle a ensuite lancé sa gamme de sauce et offre désormais un service de traiteur pour des repas à domicile ou de plus grands évènements, comme des assemblées générales ou des 5 à 7.
«Les gens sont toujours très curieux, ils aiment quand je leur donne de l’information sur mon pays d’origine, sur ma langue maternelle, le bambara, que je leur explique mes traditions», salue Aminata Konaté, qui évoque le «bonheur» de confectionner des plats de son enfance.
Les odeurs et les saveurs lui redonnent le gout du Mali et lui rappellent la richesse de ses racines.