«C’est pire que l’année passée! On a une augmentation de 30% de clients. Et là-dedans, on a des personnes qui travaillent. Avec des revenus de 60 000$… qui demandent notre aide.» 

Celui qui parle ainsi, c’est Dicky Dikamba, le directeur général et fondateur de l’Association des volontaires unis dans l’action au Canada (CANAVUA), organisme francophone basé à Edmonton. Depuis quinze ans, le CANAVUA se démène pour mettre quelque chose à manger sur la table de centaines de personnes. 

L’organisme a d’ailleurs su tisser un réseau solide pour répondre aux besoins alimentaires de la communauté. Faisant partie du Community Food Centre Canada et de Second Harvest, l’organisme s’approvisionne aussi auprès de réseaux nationaux et de fermiers locaux.

La crise du logement et l’inflation sont les grands responsables de cette crise, selon le récipiendaire de la Médaille (provinciale) du jubilé de platine (2022) de la Reine Elizabeth II en reconnaissance de son travail. Mais une fois qu’on a dit ça, il faut tout de même agir.

Innover

La force du CANAVUA, selon son directeur général, ce sont ses bénévoles. Toutes les semaines, une quarantaine de personnes généreuses et attentionnées se relaient dans le stationnement derrière le magasin Values Village, à Edmonton, pour offrir de la nourriture à quelque 500 familles.

Pour faire face à cette crise, le CANAVUA mise sur l’innovation. L’organisme a lancé un marché mobile, une remorque itinérante qui livre directement des produits alimentaires, même en plein hiver. «Nous avons une équipe dévouée de bénévoles, dont beaucoup sont des nouveaux arrivants. Cela leur permet de vivre une première expérience de travail au Canada et nous leur offrons des lettres de référence pour les aider à s’intégrer», explique Dicky Dikamba.

À cela s’ajoute la nourriture livrée au domicile des personnes âgées non seulement grâce à d’autres bénévoles, mais aussi en raison du financement provenant du programme canadien Bien vieillir chez soi.

Edmonton n’est pas un cas isolé

Le 21 novembre dernier, dans la salle multifonctionnelle de l’ACFA régionale de Red Deer, avait lieu une première distribution de nourriture par le CANAVUA. La directrice de cette ACFA régionale constate que «le besoin en nourriture à Red Deer est urgent».

Selon Nathalie Belkhiter, contrairement à certaines banques alimentaires, l’approche moins rigide du CANAVUA dans sa distribution de denrées est plus «délicate et moins embarrassante pour les personnes en situation précaire». Elle est d’avis que la philosophie du CANAVUA permet de considérer que toute personne venant chercher de la nourriture est effectivement dans le besoin.

Thibaut Nguini est au Canada depuis trois ans. Le Camerounais d’origine est bénévole à la banque alimentaire de Calgary depuis un peu plus d’un an. «Au début, j’ai été choqué de voir une telle situation» dans un pays comme le Canada. Il n’avait pas imaginé que la faim pouvait être aussi au rendez-vous en Alberta, même chez les personnes faisant partie de la classe moyenne. «Mais après, j’ai compris qu’avec la situation économique, l’inflation, c’était quelque chose de bien, les banques alimentaires.»

Lui-même confie qu’il a dû faire appel au service de la banque alimentaire quelque temps après son arrivée en Alberta. «Parfois, il y a des situations où on se retrouve à la limite de l’indigence. Ce n’est pas quelque chose de normal. Mais, parfois, on y est obligé. Eh oui, c’est vrai, au début, ça m’a choqué.»

Face à tous ces besoins à travers la province, Dicky Dikamba souhaite du courage à celles et ceux qui sont dans le besoin pour affronter cette fin d’année et n’oublie pas que «os communautés comptent sur nous». Avec les fêtes qui approchent, le CANAVUA s’apprête à distribuer des paniers de Noël et à organiser un souper communautaire. «C’est souvent dans ces moments qu’on ressent le plus la solidarité et la résilience de la communauté», conclut-il.

Cette année encore, le temps des fêtes est une période sensible pour de nombreuses personnes vivant dans la précarité. Les banques alimentaires, elles, comptent encore plus sur les dons au moment où la grève des postes perdure. Les gens sont d’ailleurs invités à se présenter dans les différentes banques alimentaires pour porter leurs denrées à l’occasion de la préparation des paniers de Noël ou à passer directement par les sites web des banques alimentaires pour faire des dons en argent.