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«Pour avancer, nous devons comprendre notre passé», explique d’entrée de jeu Wanda Stacey, conservatrice du Musée de l’armée de l’air de Cold Lake, une ville située dans le centre-est de l’Alberta, à quelques kilomètres de la frontière de la Saskatchewan. Vétérans, amoureux de l’aviation, membres du public et groupes scolaires ont l’habitude de faire halte ici pour observer le petit aéroparc et la collection qui met en lumière la 4e Escadre.
«Notre musée est une ancienne station radar utilisée pendant la Guerre froide par le 42e Escadron qui a été transformée dans les années 1990. C’est assez rare», décrit la conservatrice qui souligne aussi le bilinguisme d’un grand nombre de panneaux d’information.
Rendre cette période accessible à la jeune génération représente un assez gros défi, souligne-t-elle. Malgré les efforts soutenus du musée pour offrir une perspective complète sur la division Est-Ouest, de nombreux jeunes n’ont jamais entendu parler de la Guerre froide ni de l’Union soviétique. «Quand je leur pose des questions, parfois, c’est très silencieux. Évidemment, cela dépend des groupes et de l’âge», souligne-t-elle.
Il faut dire que ce conflit, caractérisé par une absence de confrontations militaires directes, demeure largement méconnu et mal compris. «Ce ne sont même pas tous les adultes qui en connaissent les détails et aboutissements», précise Wanda Stacey.
Dans ce contexte, le musée assume encore plus ouvertement son rôle d’éducation et de formation, une responsabilité qu’il prend très au sérieux. «Nous avons justement organisé des portes ouvertes le 6 avril dernier, au cours desquelles nous avons invité des experts pour répondre aux questions du public. C’est vraiment important pour nous d’être accessibles», mentionne la conservatrice du musée.
Le musée à Cold Lake reçoit en moyenne plus de 4000 visiteurs par année. Pendant la Guerre froide, ce site faisait partie, avec 38 autres stations au Canada et aux États-Unis, de la ligne Pinetree et du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) qui avait pour mandat de détecter les menaces soviétiques en Amérique du Nord.
Avions-chasseurs, pièces d’aéronefs et artéfacts peuvent être observés dans les galeries du musée qui offrent un aperçu neutre du déroulement des évènements. Pendant la période estivale, certains membres de l’équipe peuvent s’exprimer dans la langue de Molière.
«Je crois aussi que les gens ne réalisent pas qu’on peut aussi visiter la base 4 Wing et voir les avions à réaction décoller quand on est à Cold Lake», mentionne Wanda Stacey. Cette base est d’ailleurs la base de chasseurs la plus active du Canada. Il est aussi important de noter que le musée célèbre cette année le centenaire de l’Aviation royale canadienne (1924-2024). Et pour les passionnés de Marvel Comics, sachez que Wolverine, le superhéros, est, lui aussi, présent au milieu des avions. Si vous désirez savoir pourquoi, il suffira de visiter ce temple de l’armée de l’air canadienne.
Si vous avez plus de temps, sachez que ce site accueille aussi le Musée du pétrole et du gaz, le Musée du patrimoine et le Musée aborigène.
Quand le présent parle au passé
Richard Dumas, vice-président du Loyal Edmonton Regiment Military Museum et vétéran avec quarante ans de service, notamment au sein du régiment du même nom, estime, lui aussi, que les Albertains et les Canadiens sont très peu informés sur leur histoire militaire. «Je pense que le public doit faire plus d’efforts pour rester informé», explique-t-il.
Une visite au musée pendant l’été peut être une bonne entrée en matière pour se sensibiliser à un monde que l’on ne connaît pas, précise-t-il. «Je pense que les musées militaires sont d’autant plus importants ces jours-ci, car ils parlent aussi du présent. On peut facilement faire des liens.»
Au-delà de la question strictement éducative, le Loyal Edmonton Regiment Military Museum permet à ses visiteurs de profiter d’un moment de réflexion nécessaire sur ceux qui sont tombés au combat afin d’honorer leur mémoire et leur bravoure. Dans un monde «rempli de distractions», où la «vie des pop stars fait les manchettes la plupart du temps», cette incursion de quelques heures semble autant nécessaire que réparatrice.
«Quand on s’engage au niveau militaire, le but, c’est d’en arriver à une solution diplomatique. Pour cela, les soldats devront souvent mettre les besoins des autres avant les leurs. C’est vraiment une démonstration unique de dévotion et ça devrait faire réfléchir les jeunes et les plus vieux», analyse le vétéran.
Les musées militaires agissent également comme de véritables chiens de garde pour s’assurer que des leçons soient tirées du passé et que les erreurs qui ont coûté la vie à ceux qui se «sont sacrifiés» ne soient pas répétées. Dans cette optique, le Loyal Edmonton Regiment Military Museum développe actuellement un programme qui permettrait aux vétérans de travailler sur un projet d’écriture et de mémoire afin de recenser leurs histoires et s’assurer qu’elles ne soient pas oubliées.
«Ça pourrait être un processus très thérapeutique aussi», conclut-il, rappelant que le retrait des troupes d’Afghanistan et le retour des talibans au pouvoir ont laissé un goût amer à de nombreux combattants, remettant en question leur travail. «Dans ce temps-là, on se questionne toujours sur la raison de nos sacrifices. Écrire notre patriotisme, ça peut aider», ajoute-t-il.
Selon Richard (Rick) Dumas, le Loyal Edmonton Regiment Military Museum ne pourrait fonctionner sans l’aide précieuse des bénévoles qui mettent en avant les vétérans et offrent des expositions de grande valeur. «Je suis fier du musée pour plusieurs raisons, mais la principale, c’est que nous sommes propulsés par l’implication de bénévoles qui veulent bien donner de leur temps.»
Glossaire – Dévotion : ferveur, être dévoué à