IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Plus de 160 personnes s’étaient réunies à Edmonton pour le congrès de l’AJEFA. Photo : Courtoisie
Me Elsy Gagné, présidente de l’AJEFA depuis 2021, était ravie de l’événement. Plus de 160 personnes, dont une vingtaine d’étudiants en droit, ont participé aux diverses activités proposées, telles qu’un panel sur le droit du travail et de l’emploi, un autre sur les droits linguistiques et un troisième sur la magistrature.
Ce fut aussi l’occasion pour les participants de saluer l’invitée d’honneur, l’honorable juge à la Cour suprême du Canada, Mary Moreau. La présidente de l’AJEFA souligne qu’au moment où l’association a été mise sur pied par Madame la Juge, les Franco-Albertains étaient en plein dans le tourbillon juridique de l’affaire Jean-Claude Mahé, qui demandait que les francophones aient le droit de gérer leurs propres écoles. «Aujourd’hui, on a quatre conseils scolaires francophones avec plus de 9 000 élèves», précise Me Gagné pour montrer le chemin parcouru depuis cette genèse des droits linguistiques, il y a 35 ans.
Me Gagné, qui en est à la cinquième année de sa présidence, est bien consciente que l’AJEFA a toujours des défis à relever, dont celui de bien informer les francophones de leurs droits. Par exemple, la possibilité pour un justiciable d’invoquer ses droits linguistiques en français dans des causes criminelles en vertu de l’article 530 du Code criminel du Canada. Il doit savoir qu’il peut aussi obtenir les documents en français ou être représenté par un ou une juriste francophone ou bilingue, voire d’être entendu par un ou une juge francophone ou bilingue.

La directrice générale de l’AJEFA, Denise Lavallée (au centre) accompagnée de ses collègues de travail (de gauche à droite) Maria Vigneault, Terhass Berhane, Ida Ituze et Florentine Ngarambe. Photo : Courtoisie – Capture Facebook
Lors de son congrès, l’AJEFA a annoncé «avec regret le départ de la directrice générale, Denise Lavallée, à la fin de l’été. Le CA a souligné que l’enthousiasme, le professionnalisme et le leadeurship de la directrice ont grandement contribué au succès continu de l’AJEFA», peut-on lire dans le communiqué de presse du 5 juin dernier.
Sans dire si c’est pire ou mieux en Alberta concernant le respect du français en matière juridique, Me Gagné avance qu’il y a certes «de la résistance comme partout ailleurs, mais il faut travailler ensemble avec la magistrature anglophone, les avocats et tous les acteurs impliqués au sein de l’administration de la justice pour assurer l’accès à la justice. Ce n’est pas de la mauvaise foi que nous remarquons de la part des différents acteurs au sein de l’administration de la justice, mais simplement de l’ignorance ou un manque d’information, injustifiée quelquefois, qui requiert une formation de la part des juristes et/ou de la magistrature».
L’article 530 du Code criminel est là pour rappeler au tribunal son obligation. Et le travail de la présidente est de s’assurer que ses membres soient informés équitablement des droits des justiciables francophones vivant en Alberta.
Parmi les succès de l’AJEFA, Me Gagné souligne le fait que son organisme reçoit, d’une année à l’autre, de nouveaux étudiants en droit qui veulent faire partie de la grande famille des avocats francophones en Alberta. Ces jeunes cherchent à s’engager au sein de l’AJEFA, «car ils croient, eux aussi, insiste Me Gagné, au respect de la règle de droit et veulent l’appliquer au sein du tribunal auprès de la communauté de francophones en situation minoritaire».

C’est à Calgary que Me Catherine Duguay exerce sa profession d’avocate. Photo : Courtoisie
La relève
Dans une province où l’anglais domine, pratiquer le droit en français est à la fois un défi et un engagement. Me Justine Fallu, établie à Edmonton, et Me Catherine Duguay, à Calgary, ont choisi d’intégrer l’AJEFA pour renforcer l’accès à la justice en français.
Arrivée en Alberta en 2016 pour y poursuivre son baccalauréat en droit, Me Fallu ne connaissait rien de la communauté francophone albertaine. La Québécoise d’origine y a pourtant trouvé sa place. Elle a adhéré à l’AJEFA dès 2018 comme étudiante, avant d’en devenir membre active en mai 2022.
Avocate en droit de la famille au sein d’un cabinet composé majoritairement de criminalistes, elle a la possibilité de travailler dans un cabinet où la langue de Molière est largement connue, fait rare en Alberta. Pour elle, l’accès à un procès en français reste tributaire de plusieurs éléments. «Oui, on a le droit d’avoir un procès en français au criminel, mais pour avoir tous les éléments accessoires — la cour, le greffe, les procureurs —, c’est autre chose.»

Me Justine Fallu s’est jointe à l’AJEFA en 2022 à titre d’avocate.
L’AJEFA a joué un rôle central dans son intégration professionnelle et identitaire. «Pour moi, c’était vraiment important pour mon identité de garder mon sentiment d’appartenance à ma communauté.» À travers l’association, elle a trouvé un réseau de collègues, des occasions de bénévolat et un accès à des outils concrets. «J’ai incité des collègues à devenir membres. C’est routinier dans notre cabinet : s’ils peuvent parler français, on veut qu’ils soient inscrits.»
Originaire d’Ottawa, Me Catherine Duguay a étudié le droit à l’Université de Calgary, où elle a complété une certification en common law en français en collaboration avec l’Université d’Ottawa. Elle a découvert l’AJEFA en 2020. Un an plus tard, elle y adhérait à titre d’avocate.
Elle explique son adhésion ainsi : «Je suis francophone et alignée avec la mission de l’AJEFA, soit de faciliter l’accès du public aux services juridiques en français et de promouvoir l’utilisation du français dans l’administration de la justice en Alberta».
Travaillant dans un cabinet d’environ 30 avocats, Me Duguay est la seule avocate francophone permanente. Spécialisée dans le droit civil, elle reconnaît qu’il n’y a pas vraiment un cadre pour les procès en français, comparé au droit criminel.
Pour Me Duguay, l’AJEFA constitue un levier professionnel et un espace de réseautage. «C’est important pour discuter de stratégies visant à améliorer la prestation de services juridiques en français et pour se tenir au courant des développements récents en matière de droits linguistiques. Et ça me donne aussi l’occasion de pratiquer la langue dans un cadre moins informel! C’est une belle façon de tisser des liens, surtout pour les jeunes avocats.»