Le mois de mars n’est pas uniquement le mois de la francophonie albertaine pour Céline Bossé et AnneMarie Vaillancourt. C’est aussi le mois de la nutrition pour ces deux diététistes calgariennes. « Bon pour vous, et à votre goût ! », tout un programme pour l’Association canadienne des diététistes.
Par Zoom ou en présentiel, Céline Bossé aime partager avec les jeunes (4 à 12 ans) ses petits trucs pour mieux manger. Cette diététiste, diplômée de l’Université de Montréal, aujourd’hui à Calgary, propose depuis déjà cinq ans ses ateliers « Cinq Épices » dans les écoles de la province.

Passionnée, elle sait qu’elle a les moyens de changer la destinée d’un grand nombre de jeunes victimes de problèmes nutritionnels. En effet, selon le rapport de l’UNICEF paru en 2019, La Situation des Enfants dans le Monde – Enfants, nourriture et nutrition, près d’un enfant sur trois est sous-alimenté ou en surpoids.
Une situation qui n’épargne pas l’Alberta. « Ici, le problème d’obésité est partout et cela ne s’arrange pas. Alors nous essayons de prévenir, de façon ludique grâce à des ateliers de cuisine où les jeunes découvrent comment cuisiner de nouveaux aliments frais et non transformés, de nouvelles saveurs, dans la bonne humeur et le plaisir », explique la diététiste.
Le plaisir d’abord
Car lorsque l’on parle de nourriture, Anne-Marie Vaillancourt rejoint sa consœur. Spécialiste en prévention de maladies chroniques et maintien ou perte de poids, elle mise elle aussi sur un plaisir global, entre bien-être physique et mental.
« C’est le plaisir de cuisiner, de partager ses repas en famille ou entre amis, de manger ce que l’on aime, en petite quantité. De bouger, de méditer, de prendre l’air dès qu’on en a besoin », explique-t-elle.

Elle admet aussi qu’il faut contrôler son environnement, une mesure parfois difficile à mettre en place. « On mange trop, trop de bouffe ! Dans les restaurants, les portions sont trop grosses, les industriels de l’agroalimentaire nous bombardent de marketing haut en sucre, en gras, et en sel », s’insurge-t-elle.
Elle met d’ailleurs en garde les parents qui auraient tendance à cultiver certaines habitudes de malbouffe intergénérationnelles, « être devant un film avec les pizzas, le popcorn et les sodas, une association d’aliments que l’enfant va avoir pour le reste de sa vie. »
C’est d’ailleurs pour cela que Céline Bossé encourage la prévention par une certaine pédagogie des bonnes pratiques. « L’éducation alimentaire est trop limitée. Il faut passer par le jeu, le plaisir et toucher le cœur de l’enfant », explique-t-elle.
Elle se remémore avec tendresse cette jeune fille qui n’osait pas goûter ce qu’elle venait de préparer, « ne pas la forcer, mais l’accompagner ». Les enfants découvrent ensemble, à leur rythme et finalement, « certains en parlent à la maison, et les mauvaises habitudes changent ».
La nutrition, le portefeuille, et nos valeurs
Sans réfuter les difficultés sociales d’une certaine clientèle, la diététiste AnneMarie Vaillancourt insiste : « bien manger en petite quantité coûte moins cher que de manger en grande quantité ». Un adage parfois difficile à mettre en œuvre, mais « une approche globale de la personnalité du client est souvent gagnante », explique-t-elle.

Elle propose d’ailleurs une mise en situation, et invite chacun de nous à choisir 5 valeurs qui reflètent le bien-être, « si l’une d’entre elles est en péril, il faut agir ». Elle insiste sur l’aspect individuel et unique de chacun et sa réponse comportementale aux maux de notre société.
Pour Céline Bossé, la malnutrition rime aussi trop souvent avec précarité et préjugés. « Derrière un problème nutritionnel se cache autre chose, une anxiété, un mal-être, des difficultés sociales », prévient-elle. Elle insiste sur l’importance de demander de l’aide, de croire en ses valeurs, de prendre conscience que le métabolisme de l’un n’est pas celui de l’autre. « Notre alimentation, c’est aussi notre identité. Il faut la préserver. »
Par expérience, elle souligne qu’il est malheureusement plus facile de blâmer une personne sans-le-sou qui achète une pizza très médiocre aux rayons surgelés, plutôt que de remettre en question l’industrie agroalimentaire dans son ensemble et notamment les prix exorbitants des produits frais. Des tarifs qui d’ailleurs ne sont pas près de baisser si l’on en croit le Rapport canadien sur les prix alimentaires à la consommation 2020 rédigé par Sylvain Charlebois, chercheur à l’Université Dalhousie à Halifax.
Nos deux spécialistes se rejoignent sur la nécessité de ce Mois de la nutrition, qui permet de lever le voile sur un problème de société qui en cache souvent d’autres. Céline Bossé le sait, « l’aspect alimentaire n’est jamais loin de l’aspect psychologique de l’être humain ». AnneMarie Vaillancourt conclut, « vous pouvez manger de tout, mais pas tout ! »
Plus d’informations :
Suivez le guide alimentaire : https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/
AnneMarie Vaillancourt : 403-660-8614
Céline Bossé – Cinq Épices Alberta : celineb.dt.p@gmail.com, https://cinqepices.org/
