Depuis la légalisation des produits comestibles à base de cannabis en décembre 2019, les visites aux urgences, les hospitalisations et les appels au Service d’information sur les poisons et les drogues (PADIS) ont augmenté de façon alarmante en Alberta. Selon les données fournies par les Services de santé Alberta (AHS), les enfants de 0 à 12 ans seraient particulièrement vulnérables à ces empoisonnements.
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO
L’urgence de l’hôpital pour enfants Stollery à Edmonton, où travaille l’urgentologue Andrew Dixon, traite régulièrement des cas d’ingestion accidentelle de cannabis chez de jeunes patients. «Ça a beaucoup augmenté depuis la légalisation», précise le spécialiste. Selon AHS, les visites à l’hôpital pour cause de consommation de cannabis auraient augmenté de 140% depuis juin 2020.
«On n’a pas assez d’études qui se penchent sur les effets à long terme.» Andrew Dixon.
Les appels reçus au PADIS démontrent d’ailleurs que les deux tranches d’âge les plus à risque sont les enfants de 0 à 12 ans (2,5 fois plus à risque que les 20 à 29 ans) et les adolescents de 13 à 19 ans (deux fois plus à risque).
Cette situation est d’autant plus préoccupante que les conséquences à long terme de la consommation de cannabis chez les enfants demeurent largement méconnues, ajoute celui qui est aussi professeur au département de pédiatrie* de la faculté de médecine de l’Université de l’Alberta. «On n’a pas assez d’études qui se penchent sur les effets à long terme. Même si on regarde du côté du Colorado, où la légalisation a eu lieu en 2014, ce n’est pas assez concluant», explique-t-il.
«Il n’y a pas vraiment d’antidote magique pour traiter ces enfants et c’est du cas par cas, dépendamment des symptômes.» Andrew Dixon.
Dans sa pratique, Andrew Dixon a «heureusement» constaté que peu d’enfants présentent des séquelles à long terme à la suite d’une ingestion accidentelle de cannabis. À court terme, les symptômes varient selon le degré d’intoxication, mais peuvent inclure un état de léthargie et une somnolence aigüe, des vomissements, de la confusion, et, dans des cas plus rares, de l’agitation. «Il n’y a pas vraiment d’antidote magique pour traiter ces enfants et c’est du cas par cas, dépendamment des symptômes», décrit l’urgentologue.
Or, en cas d’ingestion d’une dose plus élevée, certains patients risquent de faire face à des complications respiratoires nécessitant parfois l’utilisation d’un respirateur artificiel. Bien que ces situations soient peu courantes, Andrew Dixon insiste sur l’importance de rester vigilant. «C’est important de traiter les produits comestibles de cannabis comme des médicaments ou n’importe quel autre produit dangereux qu’on a à la maison et qui pourrait nuire à la santé de nos enfants», affirme-t-il.
L’urgentologue rappelle qu’en cas d’ingestion accidentelle, il vaut mieux communiquer avec le PADIS ou amener son enfant au service d’urgence le plus près.
Prévention double
«Mon mari et moi, on avait un congélateur où on gardait nos produits comestibles quand notre enfant était très jeune. Ce congélateur était barré en tout temps.» Mireille tessier.
Mireille Tessier, ancienne propriétaire de la boutique de cannabis Daikoku à Edmonton, recommande également aux parents consommateurs de prendre des mesures préventives pour éviter les incidents «malheureux» impliquant leurs enfants. Selon elle, la sécurité devrait être renforcée à deux niveaux. D’abord, lorsque les enfants sont trop jeunes pour «comprendre ce qui est bon ou mauvais à manger», le cannabis devrait «toujours» être conservé dans un endroit verrouillé à clé.
«Mon mari et moi, on avait un congélateur où on gardait nos produits comestibles quand notre enfant était très jeune. Ce congélateur était barré en tout temps», donne-t-elle en exemple. Plus tard, lorsque les enfants sont en âge d’utiliser leur raisonnement logique, Mireille affirme qu’il faut miser sur la transparence et l’éducation. «On doit leur expliquer à quoi ressemble une feuille de cannabis et leur dire “si tu vois ça, il faut que tu m’en parles”», déclare-t-elle.
«Ça devrait être à l’épreuve des enfants, j’ai même de la pitié pour les personnes qui font de l’arthrite tellement c’est difficile à ouvrir.» Mireille tessier.
En revanche, les emballages de certains produits comestibles «imitent souvent ceux de marques de bonbons populaires», ajoute Mireille Tessier. C’est aussi ce que déplore Andrew Dixon qui explique que plusieurs de ces patients pensent manger des jujubes au moment même où ils s’intoxiquent. «Si l’emballage ressemble à des Skittles ou des Starbust, c’est vraiment difficile pour un jeune enfant de faire la différence. C’est pour ça que les parents doivent faire vraiment attention», laisse-t-il entendre.
Glossaire – Pédiatrie* : branche de la médecine qui traite les enfants