le Vendredi 13 décembre 2024
le Samedi 27 juillet 2024 6:50 Santé

Au front des feux de forêt : iniquités et préoccupations

La saison des feux de forêt en 2023 a battu des records, ce qui a incité le gouvernement provincial à embaucher davantage de pompiers forestiers cette année. Photo : Alberta Wildfire - Facebook
La saison des feux de forêt en 2023 a battu des records, ce qui a incité le gouvernement provincial à embaucher davantage de pompiers forestiers cette année. Photo : Alberta Wildfire - Facebook
Les pompiers forestiers qui se trouvent en première ligne des feux de forêt en Alberta n’ont pas tous accès aux mêmes avantages sociaux et couvertures d’assurance en raison de leur statut d’embauche. Cette disparité préoccupe le plus grand syndicat de la province, l’Alberta Union of Provincial Employees (AUPE), qui craint que cela compromette le recrutement et la rétention de ces travailleurs essentiels.
Au front des feux de forêt : iniquités et préoccupations
00:00 00:00

IJL-RÉSEAU.PRESSE-LE FRANCO

James Gault est le vice-président du plus grand syndicat de la province, l’Alberta Union of Provincial Employees (AUPE). Photo : Courtoisie

La saison des feux est déjà amorcée depuis quelques mois en Alberta et, après l’année record enregistrée en 2023, où plus de 2,2 millions d’hectares sont partis en fumée, la province se prépare au pire. En février dernier, elle a d’ailleurs annoncé l’embauche de 100 pompiers supplémentaires pour soutenir les quelque 900 déjà en poste. Mais l’expérience sur le terrain semble faire défaut. 

«Le problème, c’est qu’on n’a pas beaucoup de travailleurs expérimentés en ce moment. Certains de nos leaders n’ont que deux ou trois années d’expérience. Les conditions ne sont pas assez bonnes ici pour retenir les vétérans», résume le vice-président de l’AUPE, James Gault. 

Outre les salaires, qui sont plus attractifs en Colombie-Britannique ou à Parcs Canada, le manque d’avantages sociaux et de couverture d’assurance pour les pompiers saisonniers en Alberta, qui ne travaillent ni pour les municipalités ni pour les établissements métis, laisse à désirer, mentionne-t-il. 

«On parle d’hommes et de femmes, certains d’entre eux qui sont encore aux études, qui se rendent dans ces feux et n’ont aucune couverture d’assurance. Il n’y a aucune raison pour laquelle ces personnes décideraient de répéter l’expérience. Ils quittent pour aller ailleurs», laisse-t-il entendre.

Selon le syndicat, ils seraient quelque 500 travailleurs temporaires à combattre les feux chaque année sans bénéficier des protections présomptives de leurs collègues. En Ontario, une situation similaire a d’ailleurs été rectifiée en avril 2024 lorsque le ministre David Piccini a annoncé que les pompiers forestiers recevraient la même couverture d’assurance que ceux travaillant pour les municipalités. 

Le vice-président de l’AUPE se demande pourquoi l’Alberta ne lance pas un message similaire à ses propres travailleurs. «En plus d’avoir étendu cette couverture, l’Ontario offre un bonus de 5000$ aux pompiers forestiers. Ce n’est pas une énorme dépense pour le gouvernement, mais ça montre que la province admet qu’il y a un besoin et est prête à dépenser», analyse-t-il.

Au service de la législation

L’organisme chargé de l’indemnisation des travailleurs en Alberta, le Worker’s Compensation Board (WCB), explique prendre ses décisions en fonction des critères définis dans la loi sur les accidents de travail (Worker’s Compensation Act).

«Quand on reçoit une réclamation d’un pompier qui travaille au niveau municipal ou dans un établissement métis, on doit examiner la législation et déterminer s’il y a une couverture présomptive qui s’applique à eux. Cette même couverture ne s’applique simplement pas aux pompiers forestiers», mentionne le porte-parole, Ben Dille.

Or, cela ne sous-entend pas que les pompiers forestiers saisonniers ne peuvent jamais réclamer des blessures et des maladies à l’agence d’assurance provinciale. La nuance, dit-il, réside dans le fait que le diagnostic d’un pompier forestier ne serait pas automatiquement associé à son travail, contrairement à la couverture présomptive qui inclut d’office certains cancers, les crises cardiaques et le choc post-traumatique. 

«Quand on prend l’exemple des pompiers forestiers, on sait que certains d’entre eux exercent à temps partiel et qu’ils ont d’autres sources de revenus. On doit donc déterminer si ces personnes ont développé leur condition en travaillant comme pompier ou dans d’autres circonstances», précise le porte-parole de WCB. 

Ben Dille est porte-parole pour le Worker’s Compensation Board (WCB) de l’Alberta. Photo : Courtoisie

Un long processus

Établir le lien entre le diagnostic confirmé et le travail peut cependant s’avérer une tâche longue et fastidieuse. Une équipe spécialisée de WCB dans les maladies professionnelles doit collaborer avec des experts pour déterminer quels facteurs de risque pourraient avoir causé la maladie mentionnée dans la réclamation.

«Ils vont regarder l’historique médical, l’historique professionnel. Ça varie de cas en cas, mais ça peut prendre un certain temps pour récolter toute cette information», analyse Ben Dille.

Mais en fin de compte, si le diagnostic d’un pompier forestier peut être attribué à son travail effectué sur le terrain, il sera couvert «au même titre que n’importe quel autre travailleur». «Il n’y a pas de limite sur le type de maladies que l’on couvre», assure-t-il.

Entre 2016 et 2024, sept demandes d’indemnisation pour maladie professionnelle ont été soumises par des pompiers forestiers au WCB, selon l’information obtenue par la rédaction. Moins de cinq ont été acceptées. De plus, vingt-six autres demandes d’indemnisation, notamment pour des blessures physiques, ont été déposées et seize d’entre elles ont été acceptées.

«Au final, il y a des personnes qui ne sont pas couvertes», réitère le vice-président de l’AUPE. Cette situation pourrait cependant évoluer dans les mois à venir puisque les pompiers forestiers sont actuellement en négociation pour améliorer leurs conditions de travail. 

«Je ne peux pas discuter des détails, mais ils demandent notamment une augmentation salariale. Mon hypothèse, c’est qu’ils vont aussi présenter les enjeux importants à leurs yeux, comme la couverture d’assurance», conclut James Gault.

Glossaire – Présomptive : Non fondé sur des preuves, mais sur ce qui est probable sans être certain