Achi Joël Yapo étudie en sciences politiques à l’Université de l’Alberta.
L’événement a débuté par une intervention de la part de Luketa M’Pindou, fondateur et directeur général de l’AJFAS, un organisme dont la mission est d’accompagner les nouveaux arrivants dans leur installation en Alberta.
Durant ce processus, a expliqué le directeur général, «les défis auxquels font face de nombreuses familles immigrantes sont souvent le résultat de traumatismes subis dans leurs pays d’origine, lesquels peuvent causer des crises au sein de leur nouvelle dynamique familiale dans un contexte canadien». Il s’est dit très fier de voir ce projet d’atelier se concrétiser.
Cet évènement a donc mis en lumière l’importance de la compréhension interculturelle dans le domaine de la santé mentale en soulignant les divergences de perception qui existent en fonction du passé culturel et personnel de chaque individu.
Josée Ouellette, psychothérapeute à l’Université de l’Alberta, a fait une «distinction entre le bien-être, la santé mentale et la maladie mentale» et a proposé de «prêter attention à des signes tels que la perte d’efficacité au travail, l’isolement ou les crises émotionnelles».
La psychothérapeute a mis également en évidence «l’impact que le stress ou les difficultés émotionnelles des parents peuvent avoir sur les enfants». Aucune émotion n’est anodine, a-t-elle semblé expliquer.
Une perception différente de la maladie mentale
Ensuite, Mamadou Ka, professeur de sciences politiques à l’Université Saint-Boniface (Winnipeg, Manitoba), a abordé la relation complexe entre diversité culturelle et santé mentale.
Il a souligné que «chaque culture façonne la perception des maladies mentales. Alors que dans les sociétés africaines, les maladies mentales sont souvent perçues comme des possessions d’esprits ou des violations de tabous, les sociétés occidentales adoptent une approche plus nuancée, identifiant divers troubles tels que la dépression, le stress ou l’anxiété».
Le professeur Ka a mis en avant «la difficulté pour les nouveaux arrivants de faire confiance à des thérapeutes blancs qui, du fait de leur culture, semblent incapables de comprendre leurs expériences». Cette méfiance peut entraîner une faible utilisation des services de santé mentale et retarder les demandes d’aide.
Il a continué en évoquant «le rôle crucial de la religion et de la spiritualité dans ces perceptions culturelles, ainsi que la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale qui engendre souvent l’exclusion sociale».
Des solutions simples et à la portée de tous
La collaboration entre les professionnels de la santé mentale et les communautés est essentielle pour surmonter les stigmates et pour offrir un soutien approprié aux personnes en détresse. De plus, Mamadou Ka a mentionné qu’il faudrait «implémenter des thérapies qui favorisent la confiance entre le patient et le professionnel, qui est essentiel pour améliorer l’accès à des soins adaptés».
Josée Ouellette a partagé sa vision, mettant l’accent sur la communication plurielle. Elle a insisté sur «la nécessité de conversations ouvertes au sein des communautés pour normaliser la détresse émotionnelle et encourager à ne pas avoir honte de demander de l’aide».
L’éducateur Earl Victor a noté que «l’on devrait promouvoir l’expression du bien-être mental plutôt que celui de la santé mentale. La santé mentale, voire la maladie mentale, se concentre souvent sur la pathologie et les défis; le bien-être mental englobe une perspective plus large qui inclut la santé émotionnelle, la santé psychologique et sociale. Il souligne l’importance de la santé globale des êtres humains et non pas seulement de l’absence de maladie, et encourage une approche plus holistique des soins, de la prévention et du soutien».
Il se veut réaliste et souligne l’importance du travail de sensibilisation qu’il reste tout de même à faire au sein des communautés, ainsi que de l’existence de structures comme l’AJFAS pour soutenir les immigrants.
Des ressources à disposition
Pour sa part, Luketa M’Pindou a exhorté le public à utiliser toutes les ressources disponibles afin d’améliorer la santé mentale dans les communautés immigrantes. Il a également mentionné que «la communication active est essentielle au sein des familles africaines, souvent sujettes à une réticence à parler de ces enjeux».
En fin d’atelier, il a exprimé sa gratitude envers les participants et a plaidé pour une collaboration continue entre les différentes organisations et institutions impliquées dans ce domaine.
Glossaire – Exhorter : Persuader, convaincre à l’aide de la communication verbale