le Mercredi 16 avril 2025
le Vendredi 28 février 2025 11:27 Santé

Premiers soins aux médecins étrangers

Selon le site web de l’Association médicale canadienne, «les immigrantes et immigrants titulaires d’un diplôme en médecine sont, comparativement à leurs pairs non immigrants, six fois plus susceptibles de travailler dans un domaine non lié à leur formation». Photo :  JF Cherry, CC BY-SA 2.0, Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic
Selon le site web de l’Association médicale canadienne, «les immigrantes et immigrants titulaires d’un diplôme en médecine sont, comparativement à leurs pairs non immigrants, six fois plus susceptibles de travailler dans un domaine non lié à leur formation». Photo : JF Cherry, CC BY-SA 2.0, Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic
Entre la reconnaissance des diplômes, les examens, la barrière linguistique et les réalités culturelles des systèmes de santé canadien et albertain, nombre de médecins francophones ayant élu domicile en Alberta ont de quoi se décourager. Pourtant, le Réseau santé Alberta (RSA) leur tend la main grâce à un groupe de soutien.
Premiers soins aux médecins étrangers
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IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Au départ, il y a un projet en développement financé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Il s’agit d’un partenariat avec l’Alberta International Medical Graduate Association (AIMGA) qui désire développer le côté francophone du programme d’accompagnement des médecins francophones formés à l’étranger (MFFE) vers l’obtention de a reconnaissance de leur titre.

Parallèlement à ce projet, le Réseau santé Alberta (RSA), de concert avec Jean Tenaguem, responsable du développement  dans le sud de la province et formé en médecine au Cameroun, a aussi créé un groupe de soutien social pour les MFFE.

Jean Tenaguem a lancé en janvier dernier, avec l’appui du RSA, un groupe de soutien pour les médecins francophones formés à l’étranger. Photo : Courtoisie

Un parcours du combattant

Les médecins formés à l’étranger doivent être diplômés d’une école agréée figurant dans le Répertoire mondial des écoles de médecine. Ils doivent aussi fournir un certificat de compétences linguistiques si la langue de leur diplôme n’est pas l’anglais. Ils doivent enfin réussir la partie I de l’examen d’aptitude du Conseil médical du Canada et l’examen de la Collaboration nationale en matière d’évaluation (CNE), celui-ci étant un examen d’envergure nationale qui évalue si une personne est prête à intégrer un programme de résidence canadien.

Jean Tenaguem rapporte que, selon les statistiques du Conseil médical du Canada, seulement 3 % des médecins immigrants réussissent ces examens du premier coup, un taux encore plus faible pour les francophones.

Ce sont des examens complexes, qui exigent non seulement des connaissances médicales, mais aussi une compréhension approfondie du système de soins canadien. Ici, la relation patient-médecin est collaborative, alors que, dans d’autres pays, elle est plus paternaliste.»

«Cette différence culturelle peut jouer en notre défaveur pendant les épreuves pratiques», ajoute Mireille Kamin, qui fait partie de la quinzaine de personnes que le groupe a su rallier depuis le début de l’année, un chiffre parlant, semble-t-il.

Un manque criant de médecins francophones

En Alberta, la minorité francophone peine à trouver des services médicaux en français. La demande est aussi bien présente. «Consulter un médecin dans une langue qu’on ne maîtrise pas est une source majeure de stress. Certains patients préfèrent aller au Québec pour être soignés en français», constate M. Tenaguem.

Face à ce besoin urgent, le Réseau santé Alberta a lancé une initiative pour soutenir les médecins francophones en attente de la reconnaissance de leurs qualifications.

«Nous ne sommes officiellement qu’une quinzaine de médecins francophones dans le groupe. Mais, en réalité, nous pourrions être bien plus. Beaucoup ont abandonné et travaillent ailleurs, comme chez McDonald’s ou dans des supermarchés. Nous estimons qu’il y aurait jusqu’à 200 médecins diplômés à l’étranger qui pourraient exercer s’ils obtenaient leur licence», souligne Jean Tenaguem. 

Selon le site web de l’Association médicale canadienne, «les immigrantes et immigrants titulaires d’un diplôme en médecine sont, comparativement à leurs pairs non immigrants, six fois plus susceptibles de travailler dans un domaine non lié à leur formation».

Spécialiste en santé publique et en médecine générale, Mireille Kamin arrive bientôt à la fin du parcours de la combattante pour pouvoir exercer sa profession en Alberta. Photo : Courtoisie

Un groupe de soutien pour ne pas abandonner

L’enjeu est de taille : sans un soutien efficace, ces professionnels risquent de changer de voie, un véritable gâchis à la fois humain et professionnel.

Créé en janvier dernier, le groupe de soutien rassemble des médecins à différents stades de leur parcours. Jean Teneguem les a classés en trois groupes : les nouveaux arrivants, qui doivent s’adapter et comprendre le système de santé canadien; les MFFE qui se préparent pour les examens et ont besoin de ressources et d’accompagnement; et ceux qui ont réussi les examens, mais qui doivent encore franchir l’étape du placement en résidence ou de l’évaluation en milieu de travail. 

Mireille Kamin arrive bientôt à la fin de son parcours. Elle a trouvé un véritable soutien au sein de ce projet du RSA. «Nous partageons des ressources, des conseils et du mentorat. Notre objectif est d’éviter l’isolement et d’aider chacun à franchir les étapes une à une», explique celle qui a été formée en République démocratique du Congo et qui est spécialiste de la santé publique.

Cependant, les défis restent nombreux. L’accès à des stages d’observation, essentiels pour l’intégration, est encore limité. Les exigences linguistiques sont également un frein. «En Ontario et au Manitoba, les médecins qui ont étudié en français sont exemptés des tests linguistiques, car le français est une langue officielle. Pourquoi ce n’est pas le cas en Alberta?», s’interroge Mme Kamin.

Le groupe milite pour que l’Alberta instaure un quota de médecins francophones afin de garantir un accès aux soins en français. «Si, par exemple, sur 100 médecins admis, au moins 5 % étaient francophones, cela ferait une différence énorme», est d’avis l’instigateur du groupe.

Pour l’instant, le groupe continue à se structurer et à tisser des liens avec les hôpitaux et les cliniques. «Nous lançons un appel à tous les diplômés en médecine francophones en Alberta : rejoignez-nous! Nous avons besoin de vous», de conclure Jean Tenaguem.

Glossaire – Rallier : Regrouper des éléments divers, des personnes dans un but précis ou en vue d’une action commune