Les fêtes de fin d’année sont l’occasion d’échanger en famille les histoires du passé. Gilbert Lachat en a une passionnante ! Ce Franco-Albertain résidant dans le sud de Bonnie Doon, à Edmonton, a participé par ses talents de forgeur à la découverte de l’une des plus grandes avancées de la physique moderne.
Monsieur Lachat est un homme pointilleux. Lorsqu’il narre des histoires, il s’attache à ne pas oublier certains détails. Pourtant, en l’écoutant, le temps semble s’arrêter. Pas étonnant d’apprendre que ce natif suisse a commencé sa carrière comme mécanicien de précision dans le domaine de l’horlogerie.
«Un projet spécial, international», se remémore Gilbert Lachat. Lorsqu’il entend ces mots en 1995, l’homme est désormais chef de l’atelier de physique de l’Université de l’Alberta, un lieu où l’on fabrique les instruments nécessaires à la recherche.
Le plus puissant accélérateur de particules
De l’autre côté de l’Atlantique, le projet de l’organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) se concrétise : fabriquer le Grand collisionneur de hadrons (aussi appelé LHC). En d’autres termes : construire le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules au monde. Un anneau de 27 kilomètres de circonférence, formé de milliers d’aimants supraconducteurs, aujourd’hui enterré à cheval sur la frontière franco-suisse.
La fabrication des pièces nécessaires à sa construction est dispersée à travers le monde. La production de plaques de cuivre bien spécifiques est attribuée au Canada et à l’Allemagne. Chacun devra produire 812 plaques, l’équivalent de 150 tonnes de cuivre.
Gilbert Lachat est né en suisse, il a commencé sa carrière comme mécanicien de précision. Crédit : Courtoisie
«Le directeur du projet pour le Canada se trouvait à Vancouver, beaucoup de gens travaillaient sur ce projet à Ottawa et Toronto, mais les plaques de cuivre nécessaires devaient être fabriquées à Edmonton», dit Gilbert.
Dur labeur
En 1996, 25 plaques de cuivre arrivent dans les locaux de l’Université de l’Alberta, afin de réaliser des prototypes. Gilbert et son équipe constatent très vite la difficulté de les travailler comme souhaité par le CERN. Ils en déduisent qu’une aléseuse horizontale de 28 tonnes est nécessaire. Elle sera commandée en 1997 à l’entreprise japonaise Toshiba pour une somme avoisinant les 700 000 dollars.
La production ne fut pas simple. «Nous avions toutes sortes de problèmes», se souvient-il. Les plaques de cuivre arrivées des États-Unis sont courbées. De quoi rendre la tâche de l’équipe impossible. «La tolérance pour chaque plaque était de 5 centièmes de millimètre», précise Gilbert. Le problème est résolu, puis en vient un autre. «Le cuivre pur est l’un des matériaux les plus difficiles à manier, le matériel de découpe s’use très rapidement». L’achat et l’utilisation d’une plaquette en diamant sauveront la mise de l’atelier.
En 2001, après 6 ans de dur labeur, la production touche à son terme. Les plaques sont fixement entreposées dans des caisses en bois, «bien protégées l’une de l’autre, car d’une valeur inestimable». Transportées en camion à Vancouver, elles sont lavées dans des bains, assemblées en module, entreposées dans des caisses en acier pour éviter l’oxydation, et partent en bateau jusqu’en Europe.
Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) est mis en service à l’été 2008. Considéré comme le plus grand dispositif expérimental jamais construit pour valider des théories physiques, il représente un coût total de 8,2 milliards de dollars canadiens. Les plaques de cuivre de Gilbert servent à absorber les particules projetées à grande vitesse après la collision. Les capteurs du LHC permettent de récupérer des milliards de données. «Certains chercheurs doivent certainement encore aujourd’hui travailler sur la première expérience», s’amuse Gilbert.
Depuis sa mise en circulation, le LHC a permis de grandes avancées scientifiques. L’existence du fameux «Rayon X» a été confirmée, tout comme celle du boson de Higgs, «la particule de Dieu». Cette dernière découverte a permis en 2013 au Britannique Peter Higgs d’obtenir le prix Nobel de physique. Elle serait, pour simplifier, à l’origine du fait que la matière soit porteuse d’une masse ou non. Cela ouvre ainsi la voie à de nouvelles expérimentations notamment autour de la matière noire.
Gilbert est conscient d’avoir ajouté une pierre à l’édifice de ces grandes découvertes. Il jouit, ainsi, d’une belle histoire à raconter. Aujourd’hui à la retraite, il n’arrête pas pour autant d’exercer ses talents manuels. Dans l’atelier de son garage à Edmonton, aidé de sa fraiseuse, et s’intéressant désormais au travail du bois, il n’hésite pas à rendre service à son entourage parfois à la demande d’objets de toutes sortes.
Cet article fut publié dans l’édition du 17 décembre 2020 en page 15.
Le projet de loi C-6 (pour bannir les thérapies de conversion) a été adopté le 22 juin 2021. Cependant, 61% des député.es Albertain.es et 93% des député.es de la Saskatchewan ont voté contre le projet. Bien que le projet de loi ait été adopté, je ne peux m’empêcher de penser à mes proches qui ont subi des thérapies de conversion et qui se sentent vulnérables face au vote de ces élu.es. Je compte parmi ces proches mon ami Stéphane Youdom qui a partagé avec générosité son témoignage pour cet article.
Émanuel, communauté Tik Tok
Les jeûnes imposés pour faire sortir « le diable qui habitait en lui » l’ont mené par deux fois tout droit à l’hôpital. Présentement, le projet de loi C-6 visant à interdire les thérapies de conversion fait son chemin au Parlement du Canada. Stéphane Youdom, francophone ayant résidé 8 ans en Alberta, raconte comment plusieurs pasteurs ont tenté de changer son orientation sexuelle.
« Quand je me suis écroulé à l’hôpital, le pasteur m’a dit que c’était de ma faute », explique Stéphane. À ce moment, cela faisait trois semaines que l’homme d’Église lui avait prescrit un régime alimentaire drastique : un verre d’un lait, un autre de jus d’orange, par jour.
La rhétorique est souvent la même. « Dieu m’a créé et le démon veut me détruire ». Une solution pour s’en sortir : « me battre contre ce démon qui est en moi ». Il s’accroche à cet espoir. « Je vaux la peine d’être sauvé ».
La deuxième tentative n’est guère plus efficace. Après une semaine de jeûne et de prières, il perd à nouveau connaissance. Retour à l’hôpital. À cette époque, en 2009, Stéphane vivait en Allemagne, à Kaiserslautern où il étudiait. Traversant des troubles identitaires, il s’était tourné vers l’Église. Depuis sa tendre enfance au Cameroun, Stéphane a toujours baigné dans l’univers religieux.
Prières à Paris
« Le démon était trop fort », explique le pasteur à Stéphane. L’homme d’Église lui demande de se tourner vers un centre spécialisé. Le coût est de 7800 euros. Stéphane qui vit avec 380 euros par mois décide d’organiser une collecte de fonds. Il est mis en contact avec un pasteur qui, à Paris, pourra l’aider dans cette démarche.
« Il m’invite chez lui pour une soirée de prières », se souvient-il, la voix serrée. Stéphane souhaite s’installer dans la cuisine, mais le pasteur insiste pour prier dans la chambre. Il parvient à refuser.
Au bout de quelques minutes de prières, Stéphane affirme que le pasteur lui caresse la jambe. Le visiteur lui demande virulemment d’arrêter. Le pasteur se confond alors en excuses. « Il me dit qu’il est homosexuel, qu’il n’est toujours pas guéri. Il a insinué que c’était de ma faute », témoigne celui qui décide alors de quitter l’appartement et d’abandonner son projet de collecte de fonds.
Homophobie publique
Stéphane Youdom est né au Cameroun à Douala, dans « un univers très codé par les traditions et la religion ». Très jeune déjà, il s’intéresse aux poupées, aux jupes, aux talons hauts. Une attitude jugée anormale par beaucoup d’hommes de son entourage. Il raconte avoir souvent subi des punitions pour cela. Au Cameroun, l’homosexualité est interdite depuis 1972.
Alors qu’il raconte son histoire, quelque chose lui vient à l’esprit. Son extrême malêtre qui l’a mené à sa première thérapie de conversion intervient quelques années après des évènements marquants dans son pays d’origine.
Le 25 décembre 2005, l’archevêque Simon-Victor Tonyé Bakot dénonce publiquement « l’homosexualité comme un complot contre la famille et le mariage ». Quelques mots, puis quelques actes. Début 2006, trois journaux nationaux (La Météo, L’Anecdote et Nouvelle Afrique) publient une liste de personnes qui, selon eux, sont homosexuelles.
Au Cameroun, l’homosexualité est passible de 5 ans d’emprisonnement et 200 000 francs d’amende (environ 450 CAD). Les persécutions à leur encontre, allant de l’intimidation au meurtre, sont courantes depuis 2006. C’est sous ce contexte que Stéphane Youdom vivra sa deuxième thérapie de conversion.
En janvier 2010, toujours en Allemagne, il dévoile son orientation sexuelle à « une connaissance », tout en lui demandant de garder le secret. « Mais cette personne a eu peur et l’a dit à tout le monde ». Sa famille l’appelle. « Je me retrouve donc au Cameroun pour subir une thérapie de conversion là bas aussi ».
Dans la maison de ses parents, un groupe de pasteurs l’accueille. Cette fois encore, jeûnes et prières dictent son quotidien. Sa famille décide de l’accompagner dans cette épreuve en suivant le même rythme.
La guérison
« C’est un sentiment comme d’être lobotomisé », raconte-t-il. « Tout ce que je ressentais ou pensais était invalidé, car, pour eux, j’étais habité par un démon ». Deux semaines après le début de cette thérapie, le pasteur lui annonce, droit dans les yeux : « Stéphane est guéri ».
« Je le regarde et je sens qu’il n’y a aucun changement en moi. Mais je sais que je ne suis pas en sécurité. Je ne suis plus maître de ce que j’étais. Je connaissais le pouvoir de ce pasteur. Ma vie était menacée donc je joue le jeu et je retourne en Allemagne. »
À son retour, Stéphane sombre à nouveau dans une dépression. Il passe à l’acte une nouvelle fois, sa cinquième tentative de suicide depuis 2006. « Je me sentais mal dans ma peau, je n’avais plus envie de vivre ». De l’hôpital, il est interné en psychiatrie. Une renaissance…
Là-bas, il est accompagné par des professionnels de la santé. « Un accompagnement qui a du sens », dit-il aujourd’hui. Il rencontre d’autres patients qui ont aussi subi des thérapies de conversion. « Je comprends que mes expériences sont valides. Quelques semaines plus tard, je sors de mon état suicidaire ».
L’espoir canadien
En 2012, la famille de Stéphane quitte le Cameroun pour s’installer au Canada. Il les rejoint la même année avec beaucoup d’espoirs concernant ce pays qui a légalisé le mariage homosexuel en 2005. L’homosexualité est acceptée, mais l’homophobie existe bel et bien. Il témoigne s’être déjà fait agresser à Edmonton pour son style vestimentaire efféminé.
Concernant la loi C-6 qui poursuit son chemin législatif au parlement, Stéphane est ferme sur ses positions. « Il était temps. Parfois, on prend pour acquis le bon sens. Mais si une loi n’est pas votée, les choses peuvent changer en un court laps de temps. »
Il en profite pour revenir sur les arguments des opposants à cette loi, prônant la liberté de religion. « La liberté de religion est une liberté individuelle, la thérapie de conversion n’est plus une question de liberté, c’est une question de manque de respect à l’humanité ». Le 14 mai 2020, lorsque la Ville de Calgary a proclamé l’interdiction des thérapies de conversion, Stéphane a pris la parole pour témoigner. Aujourd’hui, Stéphane vit à Montréal. Sereinement, il continue de vivre en tentant d’effacer les fantômes du passé.
Un soutien pour les survivants
L’association Generous Space Ministries, située en Ontario, mène une recherche communautaire afin de créer un soutien complet pour les «survivants» des thérapies de conversion. Le 12 avril, Generous Space Ministries lancera une série d’entretiens individuels, des groupes de discussion et une enquête en ligne pour recueillir des données.
Ces dernières seront analysées et utilisées pour concevoir un programme continue de soutien. Un réseau de praticien thérapeutique devrait notamment être créé et partagé avec la communauté.«De nombreuses personnes LGBTQ/2S n’ont jamais été identifiées ou reconnues qu’elles avaient subi des thérapies de conversion», explique Jordan Sullivan, coordonnateur du projet. L’organisation recherche des informations dans trois domaines : ce qui a été utile pour se rétablir, les obstacles ou les défis rencontrés, et le type de ressources et de soutien nécessaires.
Vous pouvez contacter Generous Space Ministries à info@generousspace.ca
Le Franco lance un appel aux témoignes
Vous avez vécu des thérapies de conversion et vous souhaitez témoigner de votre réalité? Envoyez un courriel à redaction@lefranco.ab.ca
Cet article fut publié dans l’édition du 1er avril 2021 en page 12
Le gouvernement de l’Alberta sort l’artillerie lourde. En août 2020, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) attaquait en justice la province et l’Université de l’Alberta concernant le sous-financement du Campus Saint-Jean. Pour la seule période d’août 2020 à fin mars 2021, le gouvernement de l’Alberta a consacré 1,5 million de dollars à sa défense dans ce dossier.
« Le gouvernement provincial sort les gros canons », analyse Stéphanie Chouinard, professeure spécialisée en droits linguistiques au Collège militaire royal du Canada. Considérant les moyens « beaucoup moindres » auxquels ont normalement accès les organismes communautaires, elle affirme que cette somme est « intimidante ».
Les spécialistes restent prudents dans leurs propos. En effet, les comparaisons sont quasiment inexistantes. Dans ce genre d’affaires, face à des minorités, les gouvernements recourent habituellement à une expertise juridique interne. Ils sont défendus par le bureau du procureur général et ne publient pas le montant ainsi dépensé.
La cause Caron dans le rétroviseur
« C’est un chiffre surprenant sur une période de 7 mois, commente quant à lui, Justin Kingston, le président de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta. Il y a quelqu’un qui charge 166 000 dollars chaque mois ». Ce quelqu’un qui assurera la défense du gouvernement est le cabinet d’avocats McLennan Ross.
La firme est notamment connue pour avoir plaidé pour la Couronne dans l’affaire l’opposant à Gilles Caron, un camionneur contestant sa contravention écrite seulement en anglais. En 2015, la Cour suprême avait donné raison à la province : aucun élément historique n’empêche l’Alberta de se déclarer unilingue sur le plan législatif. À l’époque, l’avocate francophone Teresa Haykowsky plaidait la cause pour la province.
Dans cette même affaire, Gilles Caron était lui défendu par le cabinet PowerLaw. C’est ce dernier qui représentera l’ACFA dans le dossier judiciaire concernant les finances du Campus Saint-Jean. PowerLaw travaille aux côtés de l’ACFA sur le dossier de l’éducation postsecondaire depuis plusieurs années déjà, affirme Isabelle Laurin, la directrice de l’organisme. Habitué à défendre les minorités linguistiques, PowerLaw avait obtenu en avril dernier un jugement favorable de la Cour suprême concernant l’équivalence de l’éducation en Colombie-Britannique.
Le nerf de la guerre
« Le dossier me semble assez compliqué », dit le directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Érik Labelle. Le professeur à l’Université de Moncton rappelle que le coût d’un procès dépend de plusieurs facteurs, dont la complexité des questions juridiques soulevées. « Si on traite de questions nouvelles ou inédites, plus les débats vont être complexes et vont exiger du temps et des ressources », dit-il.
Face à la province et l’Université, l’ACFA compte deux principaux axes d’argumentation. Le premier est le respect de l’entente signée en 1977 entre l’Université de l’Alberta, la province et les Oblats. Ayant récupéré la responsabilité des Oblats dans ce contrat, l’ACFA souhaite faire respecter la clause selon laquelle le Campus Saint-Jean, tout juste cédé à l’époque, « sera maintenu, amélioré et étendu ».
« La nécessité de former des enseignants de langue française » est également une notion de cette entente tripartite. C’est précisément ce sur point que l’ACFA invoque l’article 23 de la Charte canadienne. Comment assurer une éducation en français alors que le seul établissement formateur n’a pas les moyens nécessaires pour former assez d’enseignants ?
La défense de l’ACFA
L’organisme franco-albertain garde la somme qu’elle compte dépenser dans cette affaire confidentielle. Elle pourra cependant compter sur deux sources de financement : le Programme fédéral de contestation judiciaire et l’argent des dons récoltés durant la campagne « Sauvons Saint-Jean ». Jusqu’à présent, la levée de fonds a permis de réunir 15 000 dollars mais l’ACFA dit n’avoir pas encore «pleinement activé la campagne».
« Du jamais vu »
Cet argument place ainsi l’éducation postsecondaire dans l’équation. « Ça serait du jamais vu », commente Érik Labelle. Jusqu’alors, la Cour suprême a toujours interprété la Charte canadienne comme conférant des obligations d’équivalence (entre le système anglophone et francophone) pour l’éducation aux primaire et secondaire.
Selon lui, l’argent dépensé par la province servira à commander des études externes qui appuieront les arguments du gouvernement. Dans ce cas, plus d’argent signifie plus de documents pertinents à présenter aux juges, donc un argumentaire de meilleure qualité.
« Un montant comme celui-là témoigne de l’intention de défendre ce dossier-là », selon Érik Labelle.
Répercussions financières
« L’argent que vous payez en impôts sert à lutter contre les droits des minorités linguistiques », a réagi, en anglais, sur Twitter la présidente de l’ACFA. Cette somme représente un peu plus que celle demandée par l’ACFA pour combler les besoins du Campus Saint-Jean à la rentrée dernière : entre 1 et 1,3 million.
Pour la présidente de l’ACFA, la somme dépensée par la province « est peut-être une indication que la province a peur des répercussions de notre action juridique. Parce que si on gagne, surtout sur l’article 23, ça aurait des répercussions pas mal importantes pour le financement du postsecondaire pour les minorités linguistiques. Ce n’est pas un million pour une année qu’on va chercher. C’est un financement sur la durée pour assurer sa pérennité », conclut-elle.
Contacté, le gouvernement de l’Alberta n’a pas souhaité répondre à nos questions.
C’est une première en Alberta. Ce vendredi 22 janvier, les juges de la Cour du Banc de la Reine et les membres du barreau ont été invités à une assemblée pour présenter les améliorations d’accès à la justice en français. Depuis trois ans, sous l’impulsion de Mary Moreau, nommée juge en chef en 2017, de nombreux progrès ont été réalisés à ce chapitre dans la province.
« Il y a un aspect historique. C’était encourageant » réagit Justin Kingston, président de l’Association des Juristes francophones de l’Alberta (AJEFA). « Il y a certainement du progrès qui se fait comparativement à il y a 5 ou 10 ans », ajoute celui qui a assisté à l’assemblée vendredi midi.
La juge en chef Mary Moreau en poste depuis 2017 fait progresser le français à la Cour du Banc de la Reine. Crédit : courtoisie, Cour du Banc de la Reine
Plus de 70 juges et avocats étaient présents à cette assemblée à huis clos qui se tiendra désormais chaque année. « Ça démontre qu’il y a un intérêt à pouvoir pratiquer en français devant les tribunaux ou même de donner l’accès à nos clients à la justice en français », dit Kim Arial, avocate francophone en droit criminel, elle aussi présente à la rencontre. Car oui, « c’est une chose d’avoir un droit, et c’en est une autre d’avoir accès à un droit », ajoute-t-elle.
Des avancées notables
« L’article 530 du Code criminel indique que tout accusé a le droit d’obtenir un procès dans sa langue, qu’elle soit l’anglais ou le français. Cet article possède un sous-alinéa qui dit aussi que le tribunal doit informer l’accusé de ce droit ». C’est précisément sur ce point que certaines incohérences existent.
En attestel’affaire Vaillancourt, de 2019. Originaire du Québec, Vincent Vaillancourt était accusé de plusieurs chefs d’accusation. Il n’avait été informé de la possibilité d’un procès en français qu’après un an de procédure et les conseils de quatre avocats différents. La Cour du Banc de la Reine avait alors mis plus d’un an à organiser un nouveau procès. Le délai raisonnable avant un procès avait été dépassé et l’homme fût acquitté.
C’est notamment pour éviter ce genre de dysfonctionnements que la Cour a pris des mesures. « C’est l’une des principales causes », commente Gérard Lévesque, qui ne néglige pas pour autant l’influence de Mary Moreau, francophone nommée juge en chef de la province en 2017.
Julie Laliberte, conseillère juridique de la Cour du Banc de la Reine et conseillère pour le français et les services d’interprétation. Crédit photo : Courtoisie Cour du Banc de la Reine
Peu après son entrée en poste, la Cour du Banc de la Reine a créé un Comité directeur sur l’emploi du français et des services d’interprète, puis a rendu disponibles plusieurs informations en français sur son site internet. D’autres mesures s’en sont suivies.
Selon Justin Kingston, la juge en chef a dit pendant l’assemblée que les mesures prises ont fait augmenter le nombre de procès en français dans la province. Mary Moreau affirme que 12 procès en français ont eu lieu en 2020 (8 juges sont capables de tenir des procès en français à la Cour du Banc de la Reine).
Jurisprudences défaillantes
« C’est une bouffée d’air frais, ça fait une grande différence par rapport à ce qui était fait avant », indique Gérard Lévesque, avocat qui a passé de nombreuses années à tenter de rendre la justice égalitaire pour les francophones de la province. Des exemples de défaillances, il dit en avoir constaté de nombreuses tout au long de sa carrière.
Il se rappelle notamment d’une affaire datant de 2011. À l’époque, son client habite Red Deer, mais est accusé à Calgary. « Il devait signer un formulaire de désignation d’un avocat prévue par le Code criminel (art. 650.01) afin que je puisse le représenter pour de courtes rencontres de quelques minutes seulement ». Gérard demande le formulaire en français au comptoir de la Cour. « Ils m’ont dit non, on n’a pas ça ici ». Son client et lui ont dû renoncer, « à contrecœur, à notre droit à une version française ou bilingue du formulaire ». Dans la même affaire, lorsque Gérard Lévesque a indiqué au juge que son client souhaitait un procès en français, la Couronne a informé le juge qu’elle retirait l’accusation…
Depuis le mois de décembre, la juge Loparco préside le Comité sur l’emploi du français et services d’interprètes. Crédit: Courtoisie Cour du Banc de la Reine
Maître Lévesque est du genre tenace. Pour éviter que cette situation se reproduise, il a communiqué avec le ministère : « Pour leur dire que cette attitude de ne pas reconnaître le français doit changer ». Le ministère lui a confirmé que les formulaires gratuits en français ne sont pas disponibles. « Faites vous-même la formule si vous tenez à l’avoir en français », lui aurait-on répondu.
L’avocat se prend au jeu, produit son propre formulaire en français. Alors qu’il se présente au tribunal de Fort McMurray pour une nouvelle affaire, « au comptoir, ils m’ont dit : “on n’a jamais vu cette formule-là. D’où vient-elle ? Non, on n’accepte pas” », affirme Gérard. Ce dernier a dû multiplier les démarches administratives pour que son formulaire en français soit accepté. « Ça montre que le ministère, les hauts fonctionnaires n’étaient pas du tout intéressés aux services en français et à les promouvoir ».
Des défis à relever
Aujourd’hui, ce formulaire gratuit en français est bien disponible. Il fait partie des mesures mises en place ces deux dernières années. Cependant, d’autres défis attendent encore les juristes albertains pour faire avancer la justice en français. Prochainement, l’instauration d’une nouvelle loi sur les divorces permettra des procédures en français, ce qui est toujours impossible en Alberta à ce jour.
Pour Justin Kingston, président de l’AJEFA, le plus important réside dans la sensibilisation des avocats et des juges anglophones aux droits linguistiques. Pour répondre à ce besoin, la Cour du Banc de la Reine offre présentement des formations en français à 38 juges.
Des mesures concrètes
Peu après l’entrée en fonction de la juge en chef, un Comité sur l’emploi du français et services d’interprètes a été créé. Ce comité a pour rôle de conseiller le Comité exécutif de la Cour du Banc de la Reine sur des questions touchant les droits linguistiques.
Le 1er juin 2018, une nouvelle procédure a été établie afin d’assurer que tout accusé soit systématiquement informé des droits. Cette procédure prévoit notamment des avis écrits et affichés, des questions posées oralement lors des procédures et un enregistrement sonore bilingue qui annonce le droit à un procès en français.
La formule (CC2) a été modifiée pour inclure la mention : « Je comprends que je peux faire une demande d’un procès en anglais ou en français, ou d’un procès bilingue. »
Dans ce contexte du coronavirus, les ordonnances directrices de la Cour ont été émises par la Cour du Banc de la Reine dans les deux langues officielles. Du contenu web en français a été ajouté sur le site de la Cour qui dit travailler présentement sur plusieurs autres idées de contenu web en français.
La Cour a récemment adopté une politique et des protocoles associés pour gérer les questions reliées à l’emploi du français dans les procédures. Ce projet pilote d’un an a pour objectif de simplifier les procédures en français et bilingues. Un avocat bilingue interne sera responsable de la coordination et de la mise en œuvre des mesures adoptées. Une partie importante de ce projet est l’introduction d’un nouvel avis pour les demandes d’audience en français.
Il avait survécu à un accident d’avion en 1988. « On l’a presque perdu cette année-là, mais c’était trop tôt », indique Lucie. C’est 33 ans plus tard qu’elle doit définitivement faire ses au revoir à son père emporté par la COVID-19 ce 5 janvier. À Edmonton, Jacques Bernier était un radiologue francophone renommé. Engagé, généreux, il laisse derrière lui sa contribution à la fondation du club Jean Patoine.
« S’il y a un trait qui m’a toujours frappé chez lui, c’était sa générosité d’esprit. Il était très ouvert, recevait tout le monde, un homme de famille très dévoué, un homme de conviction », se souvient Hervé Durocher, président de l’ACFA de 1975 à 1977, aujourd’hui avocat à la retraite. Les deux hommes s’étaient rencontrés sur le comité exécutif de l’ACFA.
En 1970, les deux hommes avaient participé ensemble à la création d’une antenne du club Richelieu pour les jeunes francophones d’Edmonton. À l’époque, ils étaient une vingtaine, dont le père Jean Patoine qui cédera son nom au club lors de son changement de nom en 2001. Jacques Bernier a occupé à deux reprises la présidence du club. D’abord de 1972 à 73, puis de 1992 à 1999. « Il a été là dès le début, jusqu’à la fin, il a toujours été membre », raconte monsieur Durocher.
Le club Jean Patoine fêtait l’année dernière ses 50 ans. Sa mission est toujours la même : aider la jeunesse par la fraternité, ou par des fonds. Depuis sa création, plus d’un million de dollars sous forme de bourses ont été attribués à des étudiants du Campus Saint-Jean grâce au fonds commémoratif Jean Patoine. « Jacques a été le premier signataire de ce fond », affirme Ken Shields, président actuel du club, qui regrette cet homme « aimé de tous et qui aimait beaucoup la vie ».
Médecine en famille
Jacques Bernier a vécu sa propre jeunesse à Lambton, un petit village au sud de Québec. Il étudie la médecine à l’Université de Laval avant de s’engager dans l’armée. Il est déployé trois ans en Allemagne où naîtra Hélène en 1959, l’une des six enfants de son union avec Claire, une infirmière qu’il avait rencontrée quelques années plus tôt, la femme de sa vie. Comme pour perpétuer une tradition familiale, tous leurs enfants ont fait une carrière dans le domaine médical.
De retour au Canada, à Kingston en Ontario, il se spécialise en radiologie. « Il voulait être chirurgien, mais l’armée avait besoin de radiologues à cette époque », se rappelle l’une de ses filles, Lucie Bernier-Lycka, qui avait assisté à sa graduation.
Pour effectuer ces dernières années de service dans l’armée, Jacques est affecté à Edmonton en 1965. Lui et sa grande famille vivent quatre ans sur la base militaire. Une fois civil, il s’installe à côté de la paroisse Saint-Joachim, pour laquelle lui et sa femme ont donné beaucoup de leur temps. Jacques Bernier passe deux ans au Cross Cancer Institute et lance son entreprise de radiologie Mason Bernier and Associates. Aujourd’hui, l’entreprise s’appelle Insight Medical. Ces 220 salariés génèrent un chiffre d’affaires annuel de près de 90 millions de dollars canadien.
Éric Préville, président de la Fondation franco-albertaine et lui aussi radiologue, a travaillé 35 ans à ses côtés. « Jacques était toujours un type généreux, très accueillant, très apprécié par ses collègues de travail et ses employés, il les connaissait par leur nom, il s’intéressait à leur famille, il avait toujours un bon mot à dire », se souvient-il. Cette générosité, Lucie, la fille de Jacques, n’en doutait pas. D’autant plus en ouvrant la boîte aux lettres de son père quelques jours après son décès. « J’ai découvert qu’il parrainait un enfant au Philippines. Il donnait de l’argent tous les mois pour ces études ».
Un accident d’avion
Lucie se rappellera longtemps du Noël 1988 que son père avait passé à l’hôpital. En décembre de cette année, une équipe de radiologues s’envole vers des villages excentrés de l’Alberta. En plein vol, le moteur s’arrête. Quatre personnes sont à l’intérieur dont Jacques Bernier. L’avion s’écrase, aucun mort, mais tous sont gravement blessés. Ils parviennent alors à appeler les secours avec la radio de l’appareil, étrangement restée intacte selon Lucie.
« Les secours arrivent, mais ne peuvent évacuer que deux personnes. Ils ont laissé mon père à l’arrière de l’avion. En plein hiver, dans le froid, il entendait les cris des loups juste à côté ». Malgré les douleurs aux jambes et au dos laissées par cet accident, Jacques prenait plaisir à raconter cette histoire à ses arrières petits enfants.
C’est d’ailleurs à Pigeon Lake où il possédait une maison, des parcelles au bord du lac, deux bateaux et un quad, que Jacques aimait passer du temps avec eux. Une résidence où les séjours familiaux et entre amis étaient fréquents, à tel point que ses proches la surnommèrent « Bernierville ». « C’était un homme très généreux, insiste Hervé Durocher, il n’hésitait jamais à partager ce qu’il avait ».
L’année dernière, le radiologue de 90 ans à la retraite depuis une dizaine d’années assistait encore une fois à une téléconférence internationale de radiologie. « Il souhaitait s’informer, m’avait-il dit. Il était très à l’aise avec la technologie. Après ça, il m’avait dit “ce COVID là, c’est une terrible maladie qui fait beaucoup de dégâts au corps ‘’ », se souvient Lucie.
Jacques Bernier laisse en deuil plusieurs familles, celle qui l’a fondé avec sa femme décédée en 2012, surtout, mais aussi celle du corps médical ainsi que la grande famille des francophones d’Edmonton.
Une vue magnifique sur la ville, une avocate pétillante, et un chien extraordinaire. Pas si mal comme cadre pour passer un vendredi matin dans une ville à l’arrêt. Sous le confinement, même le tribunal est en télétravail! Kim Arial défend désormais ses clients, accusés de délits passibles de plusieurs années de prison, derrière l’écran de son ordinateur…
En plein cœur du centre-ville, au 11e étage de la Ford Tower, une signalisation indique « Arial Law ». Au bout du couloir, une porte vitrée, fermée. Il est neuf heures, l’heure du rendez-vous. Après quelques secondes d’attente, une petite boule de poils jaillit d’un des bureaux. Il s’avance et aboie, enragé. Sa maîtresse l’entend. Téléphone à l’oreille, elle ouvre l’accès à son monde d’avocate confinée.
Le Yorkshire s’appelle Broadway. « C’est une star ici ! », dit-elle. Bien avant le confinement, Kim avait pris l’habitude d’amener son animal de compagnie sur son lieu de travail. « Quand les clients entrent dans ce bureau, c’est stressant comme réalité. Ils sont accusés de quelque chose de criminel. Broadway les aide à se détendre quelques instants ».
L’avocate francophone native d’Ottawa lui a même appris ce qu’était un meurtre. Comme si elle tenait une arme, elle pointe ses deux doigts vers l’animal et dit « binng ! ». La canaille tombe à terre, avant de se relever, remuant la queue.
Confinés au bureau, sans friandise
Broadway fait partie des êtres affectés par ce confinement. « Mon assistante lui donnait des friandises, mais aujourd’hui elle travaille depuis son domicile », dit-elle, juste avant de taper sa main dans la patte de son compagnon.
Les deux avocats qui partagent habituellement les locaux avec elle ont, eux aussi, décidé de travailler de chez eux. Quant à Kim, elle a fait le choix de continuer à venir sur place. « Mon chum occupe le bureau de l’appartement, mais de toute façon je préfère être autour de mes dossiers », revendique-t-elle.
Ce vendredi 1er mai, son principal dossier est celui d’une personne poursuivie pour un vol qualifié en possession d’une arme. « Mon client vient de se faire arrêter à Yellowknife. Il est détenu ici à Calgary », explique cette diplômée de l’Université d’Ottawa. Ce matin, le juge devait statuer sur sa remise en liberté provisoire, en attendant que l’affaire soit jugée sur le fond.
« Aujourd’hui, c’est ma première fois par vidéo »
Maître Arial doit élaborer un dossier appuyé par des garantis. Difficile à constituer quand les le contexte change si brutalement. « C’est super compliqué. Les Territoires du Nord-Ouest ne laissent plus rentrer les non-résidents. Je vais demander un report afin de mieux étudier cela », annonce l’avocate expérimentée de 7 années au barreau.
L’audience se fera par téléconférence. « Aujourd’hui, c’est ma première fois par vidéo », explique-t-elle. À 10 heures, Maître Arial se tient prête, droite sur son siège, face à son écran LG 12 pouces. Elle clique sur son application Webex, opérationnelle uniquement pour la salle 306 du Palais de Justice. À l’image, huit sessions de caméras connectées.
Sur l’une d’entre elles, un agent nettoie le box des accusés avec du désinfectant. Le client de Kim y fait son entrée quelques secondes plus tard. Seul le juge, en haut, au centre de l’écran est physiquement au tribunal. Le rendez-vous débute. Comme dans le réel, les échanges respectent le protocole. La demande de l’avocate est directement acceptée, l’audience est remise à vendredi prochain.
La Justice au télétravail
Mi-mars, les tribunaux se sont adaptés aux mesures de confinement. À Calgary, le public, les témoins, les avocats et les procureurs ne peuvent plus se rendre au Palais de Justice. La cadence des procès a diminué. Seuls ceux des personnes détenues ont encore lieu, tous les autres ont été reportés de dix semaines. Ceux nécessitant la présence de témoins ont également été remis à plus tard.
La Justice tourne au ralenti. Selon l’avocate, si la situation se prolonge, « ça va engorger tout le système ». Les risques seraient réels : « Les procureurs abandonneraient certains dossiers. Les délais raisonnables pour juger les affaires seraient dépassés ». Maître Arial affirme que la police retient actuellement les accusations dans l’objectif de ne « pas faire rentrer trop de gens ». Elle cite l’exemple d’un de ses clients s’étant présenté, de lui-même, à un poste de police. « On lui a répondu de rentrer chez lui et de revenir à la mi-mai ».
« Ça change tout »
La COVID-19, « ça change tout, dit l’avocate. Le lundi 16 mars, on nous a dit de ne plus aller au Palais de Justice. Au début, je ne pouvais pas travailler parce que j’étais en train de comprendre ce qu’il se passait. Entre avocats, nous nous sommes organisés pour que, chaque jour, un seul d’entre nous aille déposer les dossiers de tous les autres ».
Depuis, les plaidoiries sont faites par téléphone. Coutumière des journées rythmées du Palais de Justice, Kim éprouve moins de plaisir à défendre ses clients à distance. « On a l’habitude de se regarder dans les yeux. En plus, je suis francophone, alors j’interagis avec mes mains », dit-elle en souriant.
Le groupe part pour une randonnée de 7 jours en totale autonomie. Au bout du chemin les bisons de Parc National de Banff réintroduits en 2017 sous l’égide du Traité du Bison signé entre Les Premières Nations albertaines Stoney Nakoda et Samson Cree. Crédit: Kyra Northwest.
« Dès le troisième jour, nous avons découvert les bisons, libres. » Des mots qui vibrent dans la voix de Marie-Ève Marchand. Cette spécialiste passionnée de la conservation et coordinatrice de l’organisme Bison Belong offre chaque année la possibilité de renouer les liens culturels, spirituels et historiques entre les peuples autochtones de la région et le bison grâce à une randonnée sur son nouveau territoire.
C’est ainsi que sept femmes autochtones Cris et Pied-Noir ont pu, au mois d’août dernier, fouler la terre des versants est du Parc National de Banff, en quête du bison. « Le rôle de la femme est très important dans les sociétés autochtones, et plus encore dans leurs relations avec le bison », précise Marie-Ève. Un matriarcat qui régit aussi les hardes de bisons et qui a lui aussi « disparu avec l’arrivée des colons ».
Pour Kyra Northwest, cette participante d’origine cris, c’est tout un pan de l’histoire autochtone qui réapparaît grâce à la réintroduction des bisons au parc national. Un pan qu’elle espère entretenir avec respect et ferveur lors de chaque rencontre avec l’animal. « Le bison est l’un des animaux les plus significatifs de notre culture. C’est pour moi essentiel de l’honorer, de parcourir ces dizaines de kilomètres tout en partageant avec les autres femmes présentes les prières, les offrandes, et les chants qui lui sont dédiés », explique-t-elle.
Elle se souvient d’ailleurs avec beaucoup d’émotions des longues discussions qu’elle pouvait avoir avec ses grands-parents à ce sujet. « Ils m’ont toujours inculqué le respect qui existe entre les bisons et notre peuple. La chasse aux bisons était très cérémoniale. Elle était empreinte de rituels, d’offrandes, de chants. L’animal était pour nous la principale source de nourriture, mais pas seulement. Notre peuple utilisait tout ce que l’animal nous offrait. On utilisait les peaux pour s’habiller et faire les tipis, les os comme outils, et bien plus encore. »
Le long du chemin, une incroyable découverte
« Nous avons parcouru plus d’une centaine de kilomètres, en totale autonomie pour retrouver la harde. Il faut être prête. Ce n’est pas une promenade de santé », explique Marie-Ève avec beaucoup d’estime pour ces femmes qui l’ont accompagnée. « Elles n’ont pas toutes l’entraînement nécessaire pour se retrouver dans ces régions sauvages et reculées. C’est le pays du Grizzli, les pentes sont escarpées et pourtant… »
« Ces femmes ont toutes un lien très proche avec l’animal dans leur vie au quotidien. Et lorsqu’elles sont sur le terrain, c’est d’abord une extraordinaire effervescence, une énergie incroyable et bien sûr des gestes ancestraux, des prières, des chansons, qui nourrissent leur courage », ajoute-t-elle fascinée. Malgré quelques informations distillées par Parcs Canada sur les habitudes de l’animal, Marie-Ève, Kyra et les autres ne peuvent compter que sur ces liens uniques qui les attachent à l’animal.
À l’aube du troisième jour et après avoir entonné la veille, à de multiples reprises, une chanson dédiée à l’esprit créatif et festif du bison, celui-ci est apparu au loin. « J’étais extrêmement joyeuse. Les jours de marche ont été très durs pour moi, et j’étais ce jour-là un peu à la traîne sur les pentes abruptes. Arrivée sur la crête, ma respiration s’est arrêtée. J’ai pleuré de joie. C’était la première fois que je les voyais libres », exulte Kyra. Silence.
Un sentiment partagé par tout le groupe. « C’était intense, explique Marie-Ève. L’affolement, l’excitation, les larmes. C’était la découverte d’un proche. Un frère, une sœur qu’elles n’avaient pas vus depuis trop longtemps. Des bisonneaux qui ne connaîtront jamais la captivité… »
Un partage de connaissance pour les générations futures
« C’est un cadeau que d’offrir à nouveau ce lien, ce rapport à l’autre où la femme tient le rôle essentiel. Cette gouvernance féminine disparue » souligne Marie-Ève tout en se remémorant de nombreuses discussions. « Elles étaient Cris ou Stoney et avaient tellement à se partager. Souvent, elles évoquaient leurs grands-mères, et la manière dont elles auraient pu vivre dans ces grands espaces. »
On imagine aisément, loin de nos cultures urbaines, ces échanges sur la flore, la faune, le temps qui passe, la terre nourricière. « Loin de brouhaha électronique, ces conversations s’installent et s’imprègnent pour longtemps », reconnaît Marie-Ève tout en évoquant les rôles culturel et écologique du bison à l’état sauvage.
Parmi ces moments inoubliables, Marie-Ève se rappelle de ces instants où la harde se déplaçait là où elles avaient foulé le sol la veille. Là où elles avaient laissé quelques feuilles de tabac sur le sol. « Le tabac est une des plantes sacrées que nous utilisons comme offrande pour notre Mère Nature. Elle crée des liens entre le monde des hommes et des esprits », explique Kyra Northwest encore fascinée par cette rencontre et très enthousiaste à la partager avec les futures générations.
« Lorsque j’accompagne ces femmes autochtones à la rencontre du bison, je suis à la bonne place et au bon endroit », conclut Marie-Ève Marchand.
Le vendredi 22 mai 2020, l’héritage francophone de Calgary a été attaqué à coups de peinture noire. Les panneaux bilingues avaient été installés dans le quartier Mission, anciennement village francophone Rouleauville, l’année dernière par le Bureau de visibilité de Calgary (BVC) après l’approbation du Conseil municipal de la ville.
«Quel dommage!», dit Suzanne de Courville Nicol, présidente et créatrice du Bureau de visibilité de Calgary. Ce vendredi matin, les passants et automobilistes bravant la pluie pouvaient constater que les panneaux de signalisation bilingue n’affichaient plus que le mot anglais : «Stop».
Sur sept des dix-huit panneaux installés l’année dernière, le mot «arrêt» a été recouvert de peinture noire. L’information a été rendue publique par un tweet ce vendredi 22 mai aux alentours de 10 heures.
En juin dernier, le conseil municipal de Calgary avait approuvé à 8 voix contre 5, l’installation de ces panneaux bilingues, malgré une pétition signée par 149 habitants du quartier. Le Bureau de visibilité de Calgary soutenu par plusieurs partenaires du Conseil de développement économique (CDÉA) a ainsi financé ces panneaux installés en octobre 2019.
Selon l’historien Rob Lennard, à l’origine de l’initiative avec Suzanne de Courville Nicol et Ben Van De Walle, ces signalisations bilingues ont pour objectif de sensibiliser les gens à l’histoire francophone de Rouleauville.
L’ACFA publie un communiqué
Sheila Risbud, présidente de l’association canadienne française de l’Alberta (ACFA), porte-parole de la francophonie dans la province, a réagit dans un communiqué de presse publié dans l’après-midi.
«L’ACFA DÉPLORE CE TYPE DE COMPORTEMENT INACCEPTABLE QUI PORTE ATTEINTE À L’INTÉGRITÉ DE LA FRANCOPHONIE ET AU PATRIMOINE DE L’ALBERTA. LE QUARTIER ROULEAUVILLE EST L’UN DES PLUS BEAUX VESTIGES TÉMOIGNANT DE L’HISTOIRE DES FRANCOPHONES DANS L’OUEST CANADIEN. CE QUARTIER DE CALGARY A VU LE JOUR EN 1872 À L’ARRIVÉE D’UNE PREMIÈRE MISSION FRANCOPHONE, OÙ A ÉTÉ CRÉÉE LA PAROISSE NOTRE-DAME-DE-LA-PAIX QUI RASSEMBLAIT UNE MAJORITÉ DE MÉTIS FRANCOPHONES ET DE CANADIENS FRANÇAIS.»
SHEILA RISBUD, PRÉSIDENTE DE L’ACFA.
Sur Twitter, en français et en anglais, la ministre provinciale responsable du Secrétariat francophone a apporté le soutien du gouvernement à la communauté, après avoir annoncé que ces actes «devront être condamnées».
«S’ils ne connaissent pas l’histoire de ce quartier, je leur expliquerai»
« C’est déjà bien que pendant près de huit mois ils n’aient pas été endommagés. On s’attendait à ce qu’ils soient vandalisés. Du vandalisme, il y en a toujours et il y en aura toujours. Mais ces gens ne représentent pas la majorité», commente la présidente du Bureau de visibilité de Calgary.
Si j’étais en face de la, ou des, personne(s) qui ont fait ça je souhaiterais leur demander pourquoi. Je leur demanderai s’ils connaissent l’histoire de ce quartier, et s’ils ne la connaissent pas alors je leur expliquerai», ajoute celle pour qui ces actes s’apparentent à de l’ignorance.
Selon nos informations, les sept panneaux de signalisation de l’ancien quartier Rouleauville devraient très rapidement retrouver leurs couleurs bilingues.
La seule faculté francophone de la province, située à Edmonton, va s’étendre en Alberta. Ce projet pilote concernera une soixantaine d’étudiants inscrits dans une formation en Éducation (B.Ed). Les premiers étudiants sont attendus pour la rentrée 2021-2022.
« Il y a un profond désir de voir une présence du CSJ dans ses régions », dit le doyen de la faculté sous les feux de l’actualité francophone canadienne depuis plusieurs mois. Ce désir sera bientôt comblé à Red Deer, Calgary et Grande Prairie. Pierre-Yves Mocquais l’assure, malgré qu’une grande partie des cours soient aujourd’hui en ligne, le Campus sera représenté en chair et en os dans ces villes.
Un projet pilote pour trois ans
Depuis qu’il a pris les rênes de la faculté francophone en 2014, ce Canadien d’origine française a eu l’occasion d’entreprendre quelques voyages. Du nord au sud de la province, le doyen de l’institution créée par les pères Oblats a pris conscience des besoins.
Dans plusieurs régions albertaines, des parents lui auraient confié le désir de voir leurs enfants poursuivre leurs études universitaires en français. « Mais laisser partir une jeune fille de 17 ans est quelque chose qui laisse certains parents nerveux. Mon objectif a été de créer une présence du Campus Saint-Jean dans ces différentes régions », souligne le doyen.
Ce projet sera financé dans le cadre de l’Entente Canada-Alberta relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde. Le doyen est peu bavard sur le montant de cette subvention pour ce projet pilote de 3 ans. «J’attends les différents papiers du gouvernement et les décisions des universités. Mais le financement est là, un financement de 3 ans avec possibilité de renouvellement. » Il ajoute que le Campus recevra les inscriptions prochainement. Le directeur de ce programme a déjà été nommé, il s’agit de Pierre Hébert. La faculté francophone a déjà passé des accords avec certains établissements pour utiliser leurs locaux.
Le voyage du français
Le Collège de Red Deer, situé à l’est de la troisième ville albertaine, accueillera ainsi la faculté francophone de l’Université de l’Alberta. En apprenant cette nouvelle, Jean-Samuel Lampron, directeur de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) régionale, s’en amuse.
« LA SEMAINE DERNIÈRE, J’AI RENCONTRÉ DEUX ÉTUDIANTS DU COLLÈGE. ILS NE SAVAIENT MÊME PAS QU’IL Y AVAIT DES FRANCOPHONES EN ALBERTA. LE FAIT QUE LE CAMPUS S’INSTALLE, ÇA VA METTRE LE FRANÇAIS SUR UNE CARTE DE L’ALBERTA POUR LES GENS QUI S’INSTALLENT ICI », SE RÉJOUIT-IL.
Dans la ville du Stampede, le Campus Saint-Jean (CSJ) utilisera les locaux existants de l’Université de l’Alberta au centre-ville, au croisement de la 3e rue et de la 5e avenue (SW). Mélina Bégin, présidente de l’ACFA régionale de Calgary, est enthousiaste. « C’est une nouvelle fantastique ».
Michelle Margarit est directrice de l’ACFA régionale de Grande Prairie. Crédit photo : Courtoisie.
Un avenir possible
« Jusqu’à présent, nos étudiants doivent aller à Edmonton ou dans une autre province pour étudier en français. Quand ils partent, beaucoup ne reviennent pas parce qu’ils vont trouver des opportunités ailleurs en faisant des études dans une autre province. Ça va nous permettre de pouvoir les garder à Calgary ». Mélina espère que les étudiants seront au rendez-vous et que ce projet pilote s’enracine de façon permanente.
« Nos jeunes qui viennent des écoles d’immersion et francophones seront vraiment intéressés », assure, quant à elle, la directrice de l’ACFA régionale de Grande Prairie. Au nord de la province, le Campus a signé un accord pour utiliser les locaux du Grande Prairie Regional College. Michelle Margarit est consciente que les cours donnés seront uniquement pour le programme en Éducation. Elle voit pourtant déjà d’autres opportunités de développement. «Le nouvel hôpital ouvrira d’ici un an. Je suggère que le Campus donne des cours infirmiers aussi ».
Pour ses consultations, l’association s’appuiera notamment sur le soutien de Canadian Parents for French. « Les étudiants de français langue seconde de l’Alberta n’auraient pas les mêmes opportunités de devenir des membres actifs et prospères de l’économie albertaine et mondiale, sans le Campus Saint-Jean », a déclaré sa présidente Victoria Wishart.
Deux demandes adressées au gouvernement
Deux demandes sont adressées au gouvernement. L’ACFA souhaite que le gouvernement provincial autorise le CSJ à puiser dans ces fonds d’urgence pour combler les baisses de financements annoncés. « Le Campus s’était donné du mal à constituer ce fond par des économies ces dernières années. Le gouvernement leur a interdit de l’utiliser », indique la présidente de l’ACFA.
Dans une entrevue accordée au Franco en novembre, le doyen de la faculté, Pierre-Yves Mocquais, indiquait que la province finançait le Campus pour « un quota de 524 élèves alors que nous en accueillons plus de 750 ». L’ACFA s’est saisi de ce dossier et souhaite que les subventions Campus Alberta Grant soient « revues et augmentées ».
Pierre-Yves Mocquais, doyen de la faculté francophone du Campus Saint-Jean, dans son bureau à Edmonton. Crédit photo: Geoffrey Gaye
Une catastrophe annoncée
La présidente de l’ACFA, élue en octobre, se dit fortement préoccupée par le sort du Campus. Elle, qui avait découvert sa vocation pour la défense des droits des francophones en 1990, alors assise sur les bancs de l’établissement, en cours de Sciences politiques.
« Oui, je trouve que ça menace la communauté francophone en Alberta ». Elle argumente par le rôle essentiel dans la formation des enseignants. « Il y a déjà une pénurie, le niveau d’éducation au primaire et secondaire risque de baisser ». Mais l’Alberta ne serait pas seule affectée. « Le Campus est le seul à desservir l’Ouest du pays : la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest ».
« Dès le mois de septembre, 180 cours sur 409 pourraient être supprimés, continue la présidente de l’ACFA, ça pourrait dire l’abolition complète de certains programmes ». Elle précise que des élèves ne pourraient pas terminer leur diplôme au Campus.
Les étudiants en soutien
Présidente de l’association universitaire de la faculté Saint-Jean (AUFSJ), Natalie Herkendaal est directement menacée par cette situation. En double majeur, physique et chimie, elle explique qu’il existe déjà une pénurie de cours. « J’ai été chanceuse de pouvoir finalement en obtenir un l’année dernière. Mais il sera certainement supprimé dès septembre, car nous sommes moins de 12 inscrits. Je vais devoir le prendre en anglais au Campus Nord ». Rencontrant déjà des difficultés à obtenir des crédits suffisants pour l’obtention de son diplôme en français, elle craint le pire.
Sauvons Saint-Jean comptera sur l’appui de l’association présidée par Nathalie pour inciter les étudiants agir. « On appuie amplement ce projet. Nous voulons expliquer à nos dirigeants politiques à quel point le Campus nous tient à cœur et nous voulons débloquer une somme d’argent pour continuer une scolarité normale ».
Déterminée, la Franco-Albertaine souhaite adresser un message. «C’est vraiment le moment d’unir nos voix et de nous battre pour cette université qui nous donne tant d’opportunités. À notre tour de la défendre ».
Vous comptez écrire au gouvernement albertain pour soutenir le Campus? Nous aimerions vous publier. Que vous soyez ou non un ancien de l’Université, que vous soyez ou non en Alberta, à vos plumes! Il est encore temps d’agir. Partagez votre lettre avec Le Franco à l’adresse redaction@lefranco.ab.ca.<
« On parle de rassembler et de rallier », soutient Isabelle Laurin, qui chapeaute le projet comme directrice de l’ACFA. Les coupes budgétaires entreprises par le gouvernement provincial menaceraient 44 % des cours de la faculté rattachée à l’Université de l’Alberta. « On touche au cœur de notre communauté », ajoute-t-elle.
En février, Sheila Risbud avait rencontré Mélanie Joly, ministre fédérale du Développement économique et des Langues officielles, pour évoquer la situation du Campus. Capture d’écran Twitter.
« On a épuisé nos ressources politiques », raconte Sheila Risbud, présidente de l’association porte-parole de la francophonie. Cette dernière a rencontré plusieurs dirigeants politiques ces derniers mois : Leela Aheer, ministre responsable de la francophonie ; Demetrios Nicolaides, ministre de l’Éducation supérieure et Laila Goodridge, secrétaire parlementaire de la francophonie.
« On a proposé des solutions et on n’a pas eu de réponse d’engagement. Donc on a jugé que la communauté franco-albertaine et les autres au Canada doivent être conscientisées aux enjeux ». Sheila Risbud, présidente de l’Association canadienne française de l’Alberta.
Doléances dans la boîte courriel de Jason Kenney
L’initiative Sauvons Saint-Jean prévoit plusieurs actions. Premièrement, elle appelle toutes les personnes sensibles au sort du Campus à envoyer une lettre au premier ministre albertain, Jason Kenney, et à Demetrios Nicolaides, ministre de l’Enseignement supérieur. Des lettres pré-écrites sont disponibles sur le site de l’ACFA. En quelques clics, elles peuvent être personnalisées par un paragraphe afin de partager son expérience personnelle en lien avec le CSJ ou témoigner de l’importance que revêt cette institution.
« J’invite donc tous les jeunes à se joindre à cette campagne et à faire du bruit sur les médias sociaux. C’est de notre présent et de notre avenir dont il est question ! », a déclaré Sympa César, dans un communiqué de presse dévoilé par l’ACFA ce mercredi 13 mai. La Fédération des jeunes de l’Alberta (FJA), qu’il préside, s’est engagée à lancer une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux.
Dans un troisième temps, l’ACFA proposera une série de rencontres citoyennes en ligne pour recueillir les souhaits de la communauté concernant l’avenir du Campus, créé en 1908 par les pères Oblats, devenu faculté de l’Université de l’Alberta en 1977.
Illustration des Pères Oblats, organisation religieuse catholique fondatrice du Campus Saint-Jean. Photo des Archives provinciales de l’Alberta. Numéro de la photo: OB4025 – Groupe de prêtres à Lac La Biche, s.d.
Pour ses consultations, l’association s’appuiera notamment sur le soutien de Canadian Parents for French. « Les étudiants de français langue seconde de l’Alberta n’auraient pas les mêmes opportunités de devenir des membres actifs et prospères de l’économie albertaine et mondiale, sans le Campus Saint-Jean », a déclaré sa présidente Victoria Wishart.
Deux demandes adressées au gouvernement
Deux demandes sont adressées au gouvernement. L’ACFA souhaite que le gouvernement provincial autorise le CSJ à puiser dans ces fonds d’urgence pour combler les baisses de financements annoncés. « Le Campus s’était donné du mal à constituer ce fond par des économies ces dernières années. Le gouvernement leur a interdit de l’utiliser », indique la présidente de l’ACFA.
Dans une entrevue accordée au Franco en novembre, le doyen de la faculté, Pierre-Yves Mocquais, indiquait que la province finançait le Campus pour « un quota de 524 élèves alors que nous en accueillons plus de 750 ». L’ACFA s’est saisi de ce dossier et souhaite que les subventions Campus Alberta Grant soient « revues et augmentées ».
Pierre-Yves Mocquais, doyen de la faculté francophone du Campus Saint-Jean, dans son bureau à Edmonton. Crédit photo: Geoffrey Gaye
Une catastrophe annoncée
La présidente de l’ACFA, élue en octobre, se dit fortement préoccupée par le sort du Campus. Elle, qui avait découvert sa vocation pour la défense des droits des francophones en 1990, alors assise sur les bancs de l’établissement, en cours de Sciences politiques.
« Oui, je trouve que ça menace la communauté francophone en Alberta ». Elle argumente par le rôle essentiel dans la formation des enseignants. « Il y a déjà une pénurie, le niveau d’éducation au primaire et secondaire risque de baisser ». Mais l’Alberta ne serait pas seule affectée. « Le Campus est le seul à desservir l’Ouest du pays : la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest ».
« Dès le mois de septembre, 180 cours sur 409 pourraient être supprimés, continue la présidente de l’ACFA, ça pourrait dire l’abolition complète de certains programmes ». Elle précise que des élèves ne pourraient pas terminer leur diplôme au Campus.
Les étudiants en soutien
Présidente de l’association universitaire de la faculté Saint-Jean (AUFSJ), Natalie Herkendaal est directement menacée par cette situation. En double majeur, physique et chimie, elle explique qu’il existe déjà une pénurie de cours. « J’ai été chanceuse de pouvoir finalement en obtenir un l’année dernière. Mais il sera certainement supprimé dès septembre, car nous sommes moins de 12 inscrits. Je vais devoir le prendre en anglais au Campus Nord ». Rencontrant déjà des difficultés à obtenir des crédits suffisants pour l’obtention de son diplôme en français, elle craint le pire.
Sauvons Saint-Jean comptera sur l’appui de l’association présidée par Nathalie pour inciter les étudiants agir. « On appuie amplement ce projet. Nous voulons expliquer à nos dirigeants politiques à quel point le Campus nous tient à cœur et nous voulons débloquer une somme d’argent pour continuer une scolarité normale ».
Déterminée, la Franco-Albertaine souhaite adresser un message. «C’est vraiment le moment d’unir nos voix et de nous battre pour cette université qui nous donne tant d’opportunités. À notre tour de la défendre ».
Vous comptez écrire au gouvernement albertain pour soutenir le Campus? Nous aimerions vous publier. Que vous soyez ou non un ancien de l’Université, que vous soyez ou non en Alberta, à vos plumes! Il est encore temps d’agir. Partagez votre lettre avec Le Franco à l’adresse redaction@lefranco.ab.ca.<