le Jeudi 27 novembre 2025
le Jeudi 27 novembre 2025 15:21 Chronique «santé»

La maladie d’Alzheimer, cette grande faucheuse silencieuse

La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative progressive qui altère principalement la mémoire à court terme, mais aussi d’autres fonctions cognitives liées au langage, à l’apprentissage et au raisonnement. Illustration : Nithinan Tatah, TH, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons
La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative progressive qui altère principalement la mémoire à court terme, mais aussi d’autres fonctions cognitives liées au langage, à l’apprentissage et au raisonnement. Illustration : Nithinan Tatah, TH, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons

La maladie d’Alzheimer a été décrite pour la première fois en 1906 par le psychiatre allemand Alois Alzheimer, qui observait une patiente présentant d’importants troubles de la mémoire, du langage et du comportement. Après son décès, il examina son cerveau et y découvrit deux lésions caractéristiques : des plaques de bêta-amyloïdes accumulées entre les neurones et des amas de protéine tau à l’intérieur de ceux-ci.

La maladie d’Alzheimer, cette grande faucheuse silencieuse
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Dre Julie L. Hildebrand exerce en médecine familiale à Edmonton. Bilingue, elle est très heureuse de pouvoir répondre aux besoins de la francophonie plurielle de la capitale provinciale. Spécialiste du diabète, des dépendances et de l’utilisation du cannabis thérapeutique, elle privilégie la prévention et l’éducation.

Alois Alzheimer a publié ses observations en 1907 sous le titre Sur une maladie particulière du cortex cérébral.

En 1910, son collègue psychiatre Emil Kraepelin donna à cette affection le nom de maladie d’Alzheimer dans son manuel de psychiatrie. À l’époque, on avait cru qu’elle touchait surtout les sujets jeunes. Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’il a été établi que la majorité des cas concernaient les personnes âgées de 65 ans et plus, même si des formes précoces peuvent survenir dès 30 ou 35 ans. 

La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative progressive qui altère principalement la mémoire à court terme, mais aussi d’autres fonctions cognitives liées au langage, à l’apprentissage et au raisonnement. Sa cause précise demeure toutefois inconnue. Elle connaît une évolution lente et aboutit à une perte d’autonomie complète.

Un défi pour la santé publique

Aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer est devenue l’un des plus grands défis de santé publique du vingt et unième siècle. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 55 millions de personnes vivent aujourd’hui avec une démence, dont 60 à 70% sont dues à la maladie d’Alzheimer. Environ 10 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année et la maladie représente la septième cause de décès dans le monde. Les femmes sont touchées environ deux fois plus que les hommes. Avec le vieillissement démographique, le nombre de cas pourrait tripler d’ici 2050. 

Les changements cérébraux débutent 15 à 20 ans avant les premiers symptômes, principalement au niveau des neurones situés dans lhippocampe, région essentielle à la mémoire. Les troubles initiaux ne se limitent pas toujours à la perte de mémoire. Ils peuvent varier d’un individu à l’autre. Le langage (difficulté à trouver ses mots, langage de remplissage, mutisme), l’orientation (se perdre dans des endroits communs ou difficulté à se repérer dans le temps), les fonctions exécutives (prise de décision, planification, gestion des finances), les troubles de l’humeur (irritabilité, changement de personnalité, dépression, anxiété, retrait social), les troubles du sommeil, les troubles de l’écriture (dysgraphie) et les troubles du mouvement (apraxie, difficulté à effectuer sa toilette, à s’habiller) peuvent aussi survenir.

Par ailleurs, il faut rappeler que les pertes de mémoire peuvent aussi survenir chez des sujets âgés sains tout en faisant partie du processus normal de vieillissement. Près de 40% des individus de plus de 65 ans rapportent ce symptôme. Mais, contrairement à la démence, ces pertes de mémoire ne perturbent pas la vie quotidienne, n’affectent pas la capacité à effectuer ses tâches et n’empêchent pas d’apprendre et de se souvenir de nouvelles choses. 

Par ailleurs, les gens atteints de la maladie d’Alzheimer n’ont pas conscience de leurs troubles cognitifs. Ils souffrent d’anosognosie. C’est ce qui explique que ce sont souvent les proches qui remarquent les premiers signes et demandent une expertise médicale.

La maladie d’Alzheimer est devenue l’un des plus grands défis de santé publique du vingt et unième siècle.

— Dre Julie Hildebrand

De multiples facteurs de risque

Si l’âge est le principal facteur de risque, il n’explique pas tout. Plusieurs études ont démontré que près d’un tiers des cas pourraient être évités en agissant sur des facteurs environnementaux modifiables. Les facteurs cardiovasculaires (diabète mal contrôlé, hypertension, cholestérol élevé, obésité abdominale), la prise de certains médicaments (anxiolytiques), les anesthésies générales répétées, des traumatismes crâniens et chocs fréquents à la tête (pratique de sports de contact), la perte auditive et la diminution de l’acuité visuelle en font partie.

Mais la liste ne s’arrête pas là. De mauvaises habitudes de vie (tabagisme, consommation excessive d’alcool, sédentarité), les facteurs sociaux (l’isolement, par exemple), la dépression non traitée ou le faible niveau d’éducation sont aussi des paramètres à prendre en compte. Et, finalement, l’exposition à la pollution de l’air s’ajoute à cette longue liste.

Diagnostic difficile

En tant que tel, aucun test sanguin ou biochimique simple ne permet encore de confirmer la maladie. Son diagnostic repose essentiellement sur des éléments cliniques et l’observation. 

Les tests cognitifs, comme le MMSE (Mini-Mental Status Examination) et le MoCA (Montreal Cognitive Assessment), et le test de l’horloge sont largement utilisés. L’IRM cérébrale, pour mesurer l’atrophie de l’hippocampe et du cortex temporal médian, est rarement employée, quoique utile pour éliminer d’autres causes. Les examens du liquide céphalorachidien, ou TEP cérébral, peuvent être effectués dans les centres spécialisés.

Prévention, dépistage et thérapie

Comme il n’existe aucun traitement curatif, la médecine doit donc miser sur la prévention, le dépistage précoce et l’accompagnement pluridisciplinaire. Quelques médicaments (donépézil, rivastigmine, galantamine, mémantine) sont utilisés pour ralentir temporairement la progression de la maladie, améliorer les troubles du comportement, retarder l’apparition de la dépendance et offrir un sursis aux aidants naturels. Ils comportent toutefois des effets secondaires non négligeables. 

De nouvelles thérapies ciblant les plaques bêta-amyloïdes émergent. Le lecanemab, approuvé par la FDA (U.S. Food and Drug Administration) en 2023, montre un effet modeste, mais réel, sur le ralentissement du déclin cognitif. Des vaccins expérimentaux visant à stimuler le système immunitaire contre les protéines toxiques tau et amyloïdes sont aussi à l’étude.  

La prévention vise un style de vie global avec une alimentation équilibrée (régime méditerranéen), la pratique régulière d’activité physique (marche, natation, vélo), la prise en charge adéquate des maladies chroniques, une dose de caféine modérée, une bonne hygiène du sommeil, une vie sociale active (liens amicaux et familiaux, clubs, associations) et la pratique d’activités intellectuelles (lecture, peinture, instrument de musique, jeux de stratégie ou de mémoire, apprentissage continu). 

La maladie d’Alzheimer est éprouvante, à la fois pour les personnes malades, leurs familles et les personnes aidantes. Elle représente un défi médical, social et humain majeur. Retarder de seulement cinq ans l’apparition des symptômes pourrait réduire de moitié sa prévalence mondiale, épargnant des millions de vies et soulageant considérablement les systèmes de santé. 

La maladie d’Alzheimer est éprouvante, à la fois pour les personnes malades, leurs familles et les personnes aidantes.

— Dre Julie Hildebrand

En attendant la guérison, la médecine dispose déjà d’outils puissants : prévenir, dépister tôt, accompagner avec humanité et dignité. C’est dans cette alliance entre science et bienveillance que réside l’espoir

Glossaire – Atrophie : Diminution du volume d’un organe ou d’un tissu, par défaut de nutrition, manque d’usage, etc.