Queer, en anglais, signifie bizarre… et désigne l’ensemble des minorités de sexe et de genre avec une connotation positive aujourd’hui remarquée. Ce qui n’était pas forcément le cas auparavant, et ce, même dans la communauté francophone albertaine. Aujourd’hui, celle-ci tend la main et démontre une ouverture d’esprit envers la communauté 2SLGBTQIA+ d’Edmonton malgré quelques réticences. Entre préjugés et acceptation, l’histoire se construit.
Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
Casey Edmunds se remémore la première fois où l’idée de créer un comité pour les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ d’Edmonton a été mise sur la table. «On était une petite gang de gars queer qui voulait militer dans la francophonie.» C’était en 2011. Le nom fictif de l’organisme était la Fédération des Franco-Albertains Gay Society (FFAGS).
L’un de leurs objectifs était alors de mobiliser les Franco-Albertains durant le mois et la semaine de la fierté gaie à Edmonton. «On voulait qu’ils disent qu’il existe des francophones gais à Edmonton.» Hélas, ce groupe de jeunes a frappé un mur. «La réponse qu’on a eue, c’était que la communauté n’était pas prête.» Leur élan de changement s’est effondré sur le coup.
En 2015, le vent tourne. Une mobilisation de jeunes se met en place pour la cause 2SLGBTQIA+. «C’était des gens de la communauté qui avaient fait toute leur scolarité dans un système scolaire catholique traditionnel et francophone.» Pendant leur passage sur les bancs d’école, ils avaient réalisé que les diverses orientations sexuelles et identités de genre étaient peu ou pas du tout abordées dans les cours. Et si elles l’étaient, c’était de façon négative.
Une fois leur diplôme scolaire en main, les jeunes ont voulu s’exprimer et partager leur expérience. En 2016, l’Alliance allosexuelle-hétérosexuelle (AAH), qui deviendra le Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO) en 2019, a été créée par Francophonie jeunesse de l’Alberta (FJA). Sa mission est alors de soutenir la communauté queer et de faire des ateliers dans les écoles.
À l’époque, le directeur général de FJA n’est nul autre que Casey Edmunds, l’un des premiers membres vraiment assumés de la communauté gaie d’Edmonton et artiste de talent, mais aussi un ancien élève du Campus Saint-Jean. Les étoiles s’alignent, l’heure est venue de faire évoluer les mœurs!
Changer les mentalités
En 2018, Stéphane Youdom, membre de la communauté gaie albertaine, anime le gala du Congrès annuel de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). Comme d’habitude, ses habits sont très glamours et il porte une traîne comme dans les autres soirées auxquelles il assiste. «Je me souviens que c’est le président de l’époque [Marc Arnal] qui m’avait remarqué au Campus Saint-Jean et qui m’avait invité pour que les mentalités de la communauté francophone avancent.» Il se remémore que les réactions vis-à-vis de son style vestimentaire avaient été positives.
Malgré cela, certains préjugés subsistent. Casey Edmunds, Stéphane Youdom ainsi que Rose-Eva Forgues-Jenkins, la coordonnatrice de programmation du Comité FrancoQueer de l’Ouest, affirment que les valeurs traditionnelles de l’Alberta y sont pour beaucoup. Ancrées et résistantes, elles ne mettent pas à l’aise les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ dans leur vie au quotidien. De simples gestes comme marcher dans la rue main dans la main restent un défi à Edmonton.
Toutefois, dans les quartiers Old Strathcona et Garneau, les valeurs sont plus progressistes et leurs résidents, plutôt jeunes. «On ressent moins de préjugés traditionnels», souligne Rose-Eva Forgues-Jenkins. Elle n’a alors aucun problème à tenir la main de sa copine lorsqu’elle marche dans la rue.
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Gilbert Drapeau, artiste de scène, alias Lady Tenderflake, n’est pas forcément rassuré lorsqu’il marche dans la rue dans son personnage de drag queen. Il a toujours cette appréhension, cette peur d’être agressé verbalement ou physiquement. «Il semble toujours exister une permission d’affronter les gens de la communauté.»
Au-delà des préjugés
La drag queen explique que ce sont plus fréquemment les communautés religieuses, de droite et d’extrême droite qui ont «de la difficulté à comprendre que la communauté queer est un état d’âme complètement naturel qui fait partie de la grande famille humaine».
L’artiste de scène a un soupçon d’optimisme lorsqu’il relate que plusieurs membres de ces communautés conservatrices montrent une ouverture d’esprit après l’avoir vu en spectacle ou lui avoir parlé. «C’est intéressant de voir que, par l’exposition d’une personne queer, ils apprennent à apprécier la personne comme un être humain au complet [en faisait fit de la] définition qui leur a été donnée dans leur apprentissage ou dans leur communauté d’enfance.»
Il est donc probable qu’avec le temps, les mentalités vont évoluer. Néanmoins, le CFQO remarque que le drapeau arc-en-ciel de la fierté gaie n’a jamais flotté dans la francophonie albertaine. Un «oubli» que ses membres espèrent voir lever dans le ciel d’Edmonton dans un avenir proche.
Pour plus d’information, consultez le petit lexique des 2SLGBTQIA+ : https://www.cfqo.ca/2slgbtqia.html