le Mardi 30 septembre 2025
le Lundi 29 septembre 2025 10:47 Éducation

Déconstruire les mythes et bâtir la confiance en immersion française

Adelle (5e année) et Luc (2e année) poursuivent leur parcours en immersion française à Strathmore. Photo : Courtoisie
Adelle (5e année) et Luc (2e année) poursuivent leur parcours en immersion française à Strathmore. Photo : Courtoisie

Les parents qui inscrivent leurs enfants en immersion française en Alberta, comme ailleurs au pays, en reconnaissent généralement les avantages. Or, plusieurs continuent tout de même de craindre que ce choix nuise au niveau d’anglais, à la réussite scolaire ou même aux perspectives universitaires de leurs enfants.

Déconstruire les mythes et bâtir la confiance en immersion française
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IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE FRANCO

Sarah Fedoration, titulaire d’un doctorat et gestionnaire des programmes de langue à Edmonton Catholic Schools. Photo : Courtoisie

«Si une cohorte débute avec 500 élèves à la maternelle, seule une centaine terminent leurs études secondaires en immersion. C’est un problème majeur», illustre d’emblée Sarah Fedoration, titulaire d’un doctorat et gestionnaire des programmes de langue à Edmonton Catholic Schools.

Pour mieux comprendre ce phénomène, son conseil scolaire a lancé, il y a deux ans, une démarche d’engagement auprès des familles, avec l’objectif de cerner les raisons qui poussent certains parents et élèves à quitter l’immersion avant la 12e année. L’un des éléments soulevés à répétition : la crainte des parents de ne pas savoir comment appuyer un enfant dans l’apprentissage d’une langue qu’ils ne maîtrisent pas.

Or, rappelle Sarah Fedoration, ce n’est pas aux parents de se charger de l’apprentissage du français. «C’est notre rôle. Laissez-nous nous en occuper», insiste-t-elle. 

Les parents peuvent au contraire soutenir leurs enfants de bien d’autres manières, en lisant avec eux dans leur langue maternelle, en discutant et en enrichissant leur vocabulaire, par exemple. «La recherche démontre que, quand tu es fort dans ta première langue, il y a un transfert linguistique qui a cours, alors les parents doivent se concentrer sur la bonne maîtrise de l’anglais», précise-t-elle. 

À la maison, le français doit aussi trouver sa place, mais de façon ludique plutôt que scolaire. «Je suggère aux parents de rendre la langue amusante pour leurs enfants. Il ne faut pas imposer la lecture. À la place, regardez un film en français ou écoutez des chansons», propose-t-elle.

Déboulonner les mythes 

Si ces recommandations peuvent rassurer certains parents, elles ne suffisent pas toujours à dissiper certaines croyances. D’après Sarah Fedoration, plusieurs parents ont encore l’impression que leur enfant risque de prendre du retard en anglais ou qu’il sera désavantagé à l’université puisqu’il est passé par l’immersion française. 

Pour s’attaquer à ces idées reçues, Edmonton Catholic Schools a lancé une série de capsules vidéo intitulée Language Mythbusters. Chacune, d’une durée de 90 secondes, démonte l’un des mythes les plus répandus et offre aux parents des explications simples appuyées sur la recherche. «On voulait donner des outils concrets aux familles afin qu’elles puissent mieux comprendre ce que dit réellement la science sur l’apprentissage des langues», souligne Sarah Fedoration.

Selon Monique Lefort, mère d’Adelle et de Luc, tous deux inscrits en immersion française à Strathmore, il est primordial de déconstruire activement les mythes qui entourent ces programmes. «Pour mon mari et moi, c’était évident que nos enfants [iraient] en immersion, dit-elle. On croit que ça leur donne un avantage, surtout sur le marché du travail. Aujourd’hui, c’est tellement difficile pour les jeunes de trouver un emploi après l’université, alors parler français, ça peut faire toute la différence», ajoute-t-elle.

Elle sait de quoi elle parle : elle-même est un produit de l’immersion française. Originaire de Nouvelle-Écosse, elle a obtenu son diplôme secondaire bilingue avant de décrocher un poste d’agente de bord grâce à son bilinguisme. «C’est uniquement parce que je parlais français. Et encore aujourd’hui, je dois passer un test de français tous les deux ans pour garder mon emploi», souligne-t-elle.

Monique Lefort est mère de deux enfants inscrits en immersion française. Photo : Courtoisie

Jusqu’à présent, l’expérience d’immersion s’est révélée positive pour sa famille, sans véritables embûches, souligne Monique Lefort. Les devoirs sont rares et, comme elle maîtrise déjà la langue, elle se sent outillée pour accompagner ses enfants. Elle reconnaît toutefois que le défi peut être plus grand pour les familles anglophones. 

«Je comprends que certains parents puissent se sentir un peu à l’écart, particulièrement parce qu’ils ne peuvent pas mesurer eux-mêmes les progrès de leurs enfants en français. Mais il existe des solutions simples pour faire l’aide aux devoirs : Google Traduction, l’intelligence artificielle…», observe-t-elle.

Sa seule véritable inquiétude concerne plutôt l’avenir du programme d’immersion française dans sa communauté, où les cours offerts en français au secondaire diminuent de manière drastique. «Il y a des parents qui se demandent : à quoi bon poursuivre si, au secondaire, il n’y a que quelques cours offerts en français, comme French Language Arts et les études sociales? Ils craignent que leurs enfants prennent du retard dans les autres matières s’ils doivent basculer vers l’anglais.»

Outiller les parents 

Pour aider les familles à mieux accompagner leurs enfants à travers leur parcours en immersion française, Edmonton Catholic Schools a lancé l’activité Ciné & Céréales, organisée simultanément dans deux écoles de la ville le 4 octobre. Pendant que les enfants profiteront d’un film en français en pyjama, bol de céréales à la main, les parents participeront à une série de six ateliers pratiques.

Ces ateliers aborderont des thèmes variés : comment appuyer un enfant dans ses devoirs, instaurer des routines efficaces à la maison, encourager la littératie par la lecture et utiliser l’intelligence artificielle comme ressource d’accompagnement. «On espère que ça pourra les aider», mentionne Sarah Fedoration.

Ce sera aussi l’occasion de sensibiliser les familles aux ressources disponibles en Alberta pour les accompagner dans leur cheminement en immersion française. «Il y a toutes sortes d’organismes qui s’impliquent pour appuyer les parents… Canadian Parents for French, bien sûr, mais aussi l’Institut Guy-Lacombe, la Francophonie Albertaine Plurielle (FRAP), L’UniThéâtre, La Girandole…», énumère Sarah Fedoration. «L’idée, c’est de rappeler aux familles qu’elles ne sont pas seules dans ce parcours», conclut-elle.

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