Si la capitale albertaine fourmille de cyclistes en été dans la luxuriante vallée de la rivière Saskatchewan Nord et sur les nombreux ponts qui l’enjambent, beaucoup d’entre eux continuent à pédaler en plein hiver, quand le paysage est glacial et que leurs voisins restent au chaud.
Pour ces accros du vélo, les motivations sont multiples. D’abord, sa pratique pèse moins lourd sur le portefeuille que l’utilisation de la voiture lorsqu’il s’agit d’effectuer des déplacements quotidiens. En plus, elle améliore la forme physique, raison pour laquelle les gens l’embrassent même dans un climat «presque» septentrional.
D’Amsterdam à Edmonton, la foi du deux roues
Kaan Ozdurak est né en Allemagne. Pendant vingt ans, il a vécu à Rotterdam et à Amsterdam, aux Pays-Bas. Un pays connu pour la multitude d’utilisateurs de vélos comme moyen de locomotion au quotidien. Cycliste passionné depuis l’enfance, il s’est installé à Edmonton en 2020 pour devenir chercheur à l’Université de l’Alberta. Il continue à se déplacer à deux roues, et ce, même l’hiver bien plus rigoureux à Edmonton que dans la capitale des canaux et des moulins à vent.
«Je n’ai jamais eu de voiture», confie-t-il. Aujourd’hui, le chercheur habite un quartier central d’Edmonton et la porte de sa résidence s’ouvre sur une piste cyclable. Le froid de l’Alberta, plus sévère que dans son pays d’origine, ne l’empêche pas du tout de braver les éléments, même s’il doit préparer sa bicyclette pour l’hiver. «J’ai des pneus cloutés», précise-t-il, ce qui lui donne de la traction sur la glace.
Il regrette cependant de les avoir mis prématurément cette année. En effet, la neige s’est fait attendre, un phénomène inhabituel dans la province. Sur les routes sèches, explique Kaan Ozdurak, «les crampons s’usent très vite».
Dans l’ensemble, Kaan Ozdurak est satisfait des conditions routières hivernales dans la capitale. Sa seule préoccupation est les nombreux andains de neige créés lors du déneigement municipal qui rétrécissent les itinéraires qu’il partage avec les voitures. «Je ne me sens pas à l’aise […] sur ces routes-là parce que je dois vraiment me placer au milieu de la voie» au lieu du bord, indique-t-il, gênant ainsi la circulation automobile.
Des équipements nécessaires et abordables qui font la différence
Steve Martins travaille comme directeur des ventes au magasin de vélos Hardcore Bikes sur l’avenue Whyte, à quelques pas du quartier francophone d’Edmonton. Selon lui, les cyclistes hivernaux doivent avant tout se préparer pour le froid.
«Les mains et les pieds représentent le plus grand défi», déclare enthousiaste celui qui fait lui-même du vélo sous toutes les conditions, entre son domicile et son travail. Il recommande des chaussettes et des gants chauffants, alimentés par des piles, comme solution pratique pour lutter contre le froid.
Quant au visage, Steve Martins suggère de porter une visière lorsque la température descend en dessous de -15 degrés Celsius. Un accessoire qui n’en vaut pas la peine, d’après lui, quand il fait plus chaud. Il insiste aussi sur l’installation de lumières sur le vélo, «non seulement pour éclairer la route, mais aussi pour se rendre visible» durant ces mois peu ensoleillés.
Aujourd’hui, Steve Martins observe que le cyclisme d’hiver est de plus en plus populaire. Il explique, lui aussi, cette croissance pour des raisons financières, mais aussi de bien-être. Un trajet aller-retour sur deux roues coûte, selon lui, beaucoup moins cher que d’utiliser son véhicule motorisé et constitue «un exercice quotidien» bénéfique pour la santé.
Il estime d’ailleurs que l’achat et l’entretien d’un vélo peuvent coûter «quelques centaines de dollars par an», même si on l’adapte pour l’hiver. Un coût bien loin de celui à «cinq chiffres» d’une voiture et de son entretien régulier.
La Ville d’Edmonton développe des infrastructures cyclables
Ashley Salvador, conseillère municipale dans le quartier francophone d’Edmonton et ancienne urbaniste, annonce l’allocation de cent millions de dollars pour agrandir le réseau de pistes cyclables dans la ville dès le printemps 2024. Elle souligne que ce développement concerne le cœur de la communauté francophone, le Quartier francophone d’Edmonton.
La conseillère se réfère au guide de mise en œuvre du Edmonton’s Bike Plan, un document disponible en anglais seulement et présentant les nouvelles pistes cyclables planifiées par la Ville. On y trouve, entre autres, une piste cyclable sur la rue Marie-Anne-Gaboury, devant le Campus Saint-Jean et La Cité francophone, et une autre sur la 88e Avenue, entre le centre commercial Bonnie Doon et l’école Maurice-Lavallée.
Ashley Salvador met l’accent sur le déploiement de «bornes de protection» et de «barrières» pour séparer la circulation des vélos et celle des voitures. Une «approche hybride» complémentaire à la construction de voies permanentes qui accélèrera la mise en place des infrastructures cyclables.
Finalement, la Winter Cycling Federation (Fédération de cyclisme d’hiver), un organisme international basé en Finlande, tiendra son congrès international à Edmonton du 22 au 24 février prochain. Un rassemblement qui permettra aux membres des municipalités, selon Ashley Salvador, de discuter des moyens à mettre en place pour «soutenir le cyclisme d’hiver» et sa pratique par leurs résidents.
Glossaire – Andain de neige : rangée de neige poussée contre le bord de la route