Tout au long de leur cycle de vie, de l’extraction d’énergie fossile nécessaire à leur fabrication jusqu’à leur élimination, les plastiques représentent un danger.
«C’est un poison toxique», résume Sarah-Jeanne Royer, océanographe affiliée au Center for Marine Debris Research de l’Université Hawaii Pacific et membre de l’organisme Ocean Cleanup, dont l’objectif est de nettoyer les océans d’ici 2040.
À l’échelle de la planète, la production mondiale de plastique a plus que doublé entre 2000 et 2020 pour atteindre 460 millions de tonnes par an. Une quantité colossale qui devrait tripler d’ici 2060, selon les projections du Programme des Nations unies pour l’environnement.
Une très faible partie des déchets plastiques est recyclée – 9 % à l’échelle de la planète, 6 % au Canada. Plus de la moitié est enfouie dans des décharges ou incinérée. Le reste se retrouve dans l’environnement sous forme de fragments de macroplastiques, de microplastiques (taille inférieure à 5 millimètres) et de nanoplastiques (moins de 1 microgramme) à mesure qu’il se dégrade.
Ce sont les objets en plastique destinés à un usage unique qui connaissent la plus forte croissance de production.
«Ils représentent aujourd’hui 40 % de la production mondiale [des plastiques]. La priorité, c’est de les interdire, ça fera une grosse différence, avance Sarah-Jeanne Royer. Nous devons privilégier des produits plus durables, biodégradables, compostables.»
Pollution plastique présente aussi au Canada
Selon un récent rapport de Statistique Canada, le Canada a produit ou importé 7,1 millions de tonnes de plastique en 2020, une augmentation de 28 % par rapport à 2012. Les emballages représentaient près d’un tiers du plastique utilisé.
Toujours en 2020, près de cinq-millions de tonnes de plastique ont été jetées, principalement dans des décharges. Environ un sixième aurait été détourné pour être recyclé.
Le rapport évalue également qu’entre 2012 et 2020, près de 350 000 tonnes de plastique ont atterri dans la nature.
Du plastique à 11 000 mètres de profondeur
Les plastiques polluent tout au long de leur vie : avec le temps, les particules utilisées dans les bâtiments, les fibres textiles des vêtements ou la gomme des pneus se dégradent en micro et nanoplastiques et se retrouvent en suspension dans l’atmosphère.
Une pollution hors de contrôle qui touche tous les recoins de la planète, jusqu’au sommet de l’Everest à plus de 8000 mètres d’altitude, dans la fosse océanique des Mariannes à 11 000 mètres de profondeur, dans les déserts, sur la banquise de l’Antarctique, etc.
En moins d’un siècle, l’humanité est devenue dépendante du plastique. Emballages alimentaires, jouets, vêtements, électronique, cosmétique, implants médicaux… Le plastique est partout. Il s’agit du troisième matériau le plus fabriqué dans le monde, après le ciment et l’acier. La Chine est à l’origine d’un tiers de la production mondiale.
Plus de 6 millions de tonnes de déchets plastiques aboutissent chaque année dans les milieux aquatiques, dont près de 2 millions de tonnes entrainées dans les océans par les cours d’eau.
Cinq grands gyres (tourbillons marins) concentrant plusieurs milliers de tonnes de détritus en plastique ont été repérés dans le Pacifique Nord et Sud, l’Atlantique Nord et Sud et l’océan Indien.
«Les microplastiques affectent la biodiversité marine, il y a des effets néfastes sur la croissance et la reproduction des organismes vivants, le plancton, les poissons, les oiseaux», observe Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.
Toute la chaine alimentaire est contaminée par ces microplastiques. On estime que chaque personne consommerait chaque semaine jusqu’à 5 grammes de plastique, soit l’équivalent d’une carte bancaire.
Qui plus est, les plastiques (plus de 4 000 polymères différents sont recensés) se composent d’une multitude de substances chimiques ajoutées par les industriels pour les colorer ou accroitre leur résistance à la lumière ou à la chaleur.
«Le plastique est inerte en soi, ce sont tous les additifs ajoutés qui sont dangereux et toxiques pour la santé humaine», appuie Sarah-Jeanne Royer.
Menace sur le climat
Une étude du Réseau international pour l’élimination des polluants organiques persistants a répertorié plus de 13 000 produits chimiques différents contenus dans les plastiques. Pour la moitié, les données toxicologiques font défaut. Pour l’autre moitié, 3200 sont jugés comme des substances extrêmement préoccupantes.
Dans cette longue liste se trouvent des phtalates, des bisphénols, des PCB, des retardateurs de flamme bromés ou encore des polluants éternels, les PFAS. Ces dernières sont des molécules associées à de multiples effets délétères sur la santé : cancers, perturbations du système endocrinien, naissances prématurées, infertilité, obésité, maladies cardiovasculaires.
Le plastique participe également au réchauffement climatique. Selon Sabaa Khan, directrice générale de la Fondation David Suzuki pour l’Atlantique et le Québec, «99 % du plastique est fabriqué à partir de combustibles fossiles, ce qui en fait une source importante d’émissions de gaz à effet de serre».
Un rapport publié le 12 avril par le Lawrence Berkeley National Laboratory réévalue à la hausse l’impact de la production de plastique sur le climat.
Si la production ne diminue pas de 12 % à 17 % par an à partir de 2024, elle fera dérailler à elle seule l’objectif de l’accord de Paris de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C même si des progrès sont accomplis dans les autres secteurs fortement émetteurs en gaz à effet de serre – transports, agriculture, énergie… –, alertent les auteurs du rapport.
Glossaire – Inerte : Qui ne réagit pas au contact d’une autre substance