le Mardi 18 février 2025
le Mardi 28 janvier 2025 12:31 Francophonie

Immigration : entre mythes et réalités

Par l’entremise de Norbert Rutebuka, le CANAF a proposé l’atelier Au-delà des apparences : mythes et réalités face aux immigrants en Alberta et au Canada. Photo : Courtoisie
Par l’entremise de Norbert Rutebuka, le CANAF a proposé l’atelier Au-delà des apparences : mythes et réalités face aux immigrants en Alberta et au Canada. Photo : Courtoisie
Quelques jours avant le temps des fêtes, le Centre d’accueil pour nouveaux arrivants francophones (CANAF) avait donné virtuellement rendez-vous aux personnes qui voulaient en savoir plus sur ce qu’ils pouvaient attendre au sein de leur nouvelle communauté.
Immigration : entre mythes et réalités
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Franck Olivier Eyenga est un assidu des ateliers proposés par le CANAF. Photo : Courtoisie

L’événement était une initiative de l’agent de projet Norbert Rutebuka qui organise souvent ce type de rencontres. Près d’une dizaine de personnes ont participé à l’atelier, qui avait notamment comme objectif de parler ouvertement des préjugés face aux immigrants et de prendre conscience de l’augmentation de ceux-ci au Canada. «Il faut casser les mythes, oser en parler», lançait en introduction Norbert Rutebuka.  

Si certains participants semblaient parfois timides à réagir aux propos de l’animateur, celui-ci a amené des statistiques qui portaient à la réflexion. M. Rutebuka a notamment fait référence à un article du journal français La Croix qui, le 15 novembre 2024, faisait des parallèles entre deux sondages. 

Le premier, daté de 2019 et réalisé par la firme Gallup dans 145 pays, donnait un portrait du soutien à l’immigration. À ce moment-là, selon le journal, «le Canada arrivait en tête avec 94% des personnes interrogées» qui considéraient «que l’arrivée de migrants dans le pays était une bonne chose». 

Cinq ans plus tard, la situation semble avoir changé. La Croix rapporte que, selon l’autre sondage, celui-ci réalisé en septembre 2024 par l’Institut Environics, «pour la première fois en un quart de siècle, une nette majorité de Canadiens estime qu’il y a trop d’immigration». 

Et c’est là que les mythes commencent à faire leur entrée. L’atelier, tenue en cette fin d’année 2024, en a cité quelques-uns qui viennent des deux côtés de la barrière, autant des immigrants que des Canadiens : «Les immigrants profitent du système et de nos taxes; ils viennent voler nos emplois et nous envahir; la majorité des immigrants sont des réfugiés et les Blancs sont tous des racistes». 

Trouver le juste équilibre

Les échanges entre l’animateur et les participants ont finalement permis de prendre conscience que les mythes relèvent souvent de l’imaginaire et de croyances erronées qui «peuvent mettre un frein» à l’immigration, comme le précisait Norbert Rutebuka en entrevue. «À l’inverse, la réalité, c’est ce qui peut être vérifiable grâce à l’expérience et l’observation. Oui, l’immigration augmente», ajoute-t-il. En se basant sur les chiffres par Statistique Canada, l’agent de projet a démontré qu’en 2031, l’immigration pourrait atteindre plus de dix millions de personnes, soit plus de 20% de la population totale du Canada.

Franck Olivier Eyenga est un immigrant en attente de son départ vers l’Alberta, ce qui devrait se faire d’ici la fin de janvier 2025, au moment où il recevra la confirmation électronique de sa résidence permanente. Pour l’instant, il suit assidument les ateliers organisés par le CANAF. Résident temporaire, il habite à Laval, près de Montréal, depuis 16 mois. L’expérience québécoise n’a pas toujours été parfaite pour le Camerounais d’origine. «Quand on est dans le métro et que les gens changent de place à cause de l’odeur», il y a de quoi se questionner sur l’accueil qu’on reçoit. 

Patiemment, il explique que cela peut se comprendre en raison de la nourriture cuisinée à la maison, parfois épicée, qui peut imprégner les vêtements. La marge entre mythe et réalité est parfois mince. Assister à des ateliers comme ceux de Norbert Rutebuka lui permet de mieux jauger le pour et le contre quant à son éventuel déménagement dans l’Ouest canadien.

Célibataire et analyste informatique de profession, il trouve intéressante l’idée d’aller vivre en Alberta pour parfaire son anglais. «Je dirais que je suis fonctionnel.» Pour l’instant, ses demandes d’emploi n’ont pas abouti, mais il ne se décourage pas.

À titre de coach en emploi, Rosa Martinez-Suarez fait du mentorat au sein du CRIEC à Calgary. Photo : courtoisie

Coach en emploi pour le Calgary Region Immigrant Employment Council (CRIEC), où elle fait notamment du mentorat auprès des nouveaux venus à la recherche d’un emploi, Rosa Martinez-Suarez est catégorique. Au-delà des mythes, qui disent que les immigrants francophones partent avec deux prises contre eux, «si on ne parle pas anglais, on n’a pas d’opportunité de trouver un travail», affirme plusieurs fois la Péruvienne d’origine. L’Alberta n’étant pas une province bilingue, il faut être réaliste. «Il y a des personnes qui ont une bonne éducation, mais sans l’anglais, elles ne peuvent pas travailler.»

Si, pour Mme Martinez-Suarez, le français est synonyme de culture, il faut être absolument conscient que, dans une province comme l’Alberta, la langue du travail, c’est l’anglais. «Si on possède très bien l’anglais, le français devient alors un atout», précise-t-elle. Pour travailler au sein du gouvernement canadien, oui, il faut être bilingue, mais ‒ et elle l’affirme une fois de plus ‒ dans le quotidien, pour les autres employeurs, c’est l’anglais qui prime, qu’on soit Noir, Blanc, qu’on vienne du monde arabe, de l’Amérique latine, qu’on soit professionnel ou ouvrier. «Ça, c’est la réalité», assure-t-elle. Le reste, ce n’est que de la politique. 

Glossaire – Parfaire : rendre meilleur