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Les ententes sur les répercussions et avantages autochtones (ERA) prennent naissance lorsqu’une entreprise privée souhaite développer un projet énergétique ou d’extraction en territoire autochtone. «Par exemple, ça peut être de construire une mine ou de faire passer un oléoduc», explique Me Logan Stack lors du panel sur les droits autochtones tenu en marge du congrès conjoint de l’Association de juristes d’expression française de l’Ontario et l’Association de juristes d’expression française de l’Alberta.
À la base, ni l’État ni le promoteur ne sont tenus d’obtenir le consentement des communautés autochtones pour aller de l’avant lors de telles initiatives, notamment parce que les réserves sont des parcelles de terre détenues par la Couronne. Cependant, depuis les années 1990, les entreprises ont pris l’habitude de s’entendre avec les nations autochtones avant de lancer certains projets.
Elles proposent alors aux gouvernements autochtones de conclure des ERA, conçues pour offrir aux communautés des compensations financières, des possibilités d’emploi et parfois même des stratégies de protection de l’environnement. En échange, les entreprises obtiennent l’autorisation formelle d’exploiter les ressources situées sur les terres autochtones.
Ce mécanisme, en apparence simple, cache toutefois une facette plus sombre. Si à première vue les ERA semblent prometteuses et se présentent même comme des outils susceptibles de mener vers «l’autodétermination des peuples autochtones», elles comportent des désavantages significatifs, ajoute Me Stack. «Les compensations proposées sont offertes à un prix», dit-il.

Me Logan Stack a participé au panel sur les droits autochtones tenu en marge du congrès conjoint de l’Association de juristes d’expression française de l’Ontario et l’Association de juristes d’expression française de l’Alberta. Photo : Gabrielle Audet-Michaud
Acheter le silence
Mise à part la «destruction environnementale» à laquelle une nation autochtone doit consentir, de telles ententes cherchent avant tout à obtenir le silence des communautés. Par exemple, elles interdiront à ses membres d’engager dans des actions susceptibles de ralentir le projet, «comme des manifestations» ou des entrevues médiatiques. Parfois, elles exigeront même que le gouvernement autochtone décourage toute initiative qui pourrait entraver le projet.
Les ententes sont aussi souvent assorties d’une clause de confidentialité, permettant aux entreprises de minimiser les risques de retombées négatives liées à un projet d’exploitation.
«Depuis les années 1990, des centaines d’ERA ont été conclues pour des projets. Plus de 400 sont dans le secteur minier à lui seul. […] Cela devrait soulever certaines inquiétudes parce qu’une ERA n’est pas simplement un contrat commercial traditionnel», explique Me Stack.
En outre, souligne l’avocat, ce genre de contrats provoque un «chevauchement» clair «entre le droit public et privé». En quelque sorte, les gouvernements provinciaux et fédéraux peuvent minimiser leurs obligations constitutionnelles à travers les ERA. «Par l’entremise de ces accords, le secteur privé vient […] combler la négligence de l’État envers les nations autochtones.»
Pour mettre en œuvre leur projet, des entreprises privées s’engagent, entre autres, à rendre des services qui seraient habituellement fournis par l’État, «que ce soit la mise en place de programmes d’éducation ou la construction d’infrastructures». Ces promesses sur papier et « les avantages que la communauté reçoit en réalité lors de leurs exécutions» peuvent cependant différer.
Le droit des contrats
«Il faut songer à comment adapter le droit des contrats, pas pour avoir quelque chose de parfait […], mais pour intégrer les perspectives autochtones. Il y a clairement un manque de protection juridique pour la partie autochtone lors des négociations […] Cela pose un problème majeur», analyse Me Stack.
Il demeure difficile de comptabiliser le nombre d’ERA conclues en Alberta, notamment «en raison des clauses de confidentialité propres à ces contrats», ajoute-t-il. Des recherches effectuées par la rédaction ont cependant permis de conclure que de nombreuses ententes ont été effectuées dans le nord de la province pour des opérations majeures d’extraction et de raffinage des sables bitumineux.
Plus d’une quarantaine d’ERA ont également été conclues lors du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, alors que soixante-dix communautés se sont entendues dans le cadre du projet de remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge, un autre oléoduc qui traverse l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba.
Glossaire – Facette : Un côté, un aspect