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le Jeudi 10 novembre 2022 13:00 Francophonie PR

Postsecondaire : un rapport pour aider un secteur en difficulté

Postsecondaire : un rapport pour aider un secteur en difficulté
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Francopresse – Marine Ernoult
 
Élaboration de stratégies de promotion et de recrutement, création d’un programme de bourses d’études et de mobilité, mise sur pied de mécanismes de financement et de collaboration, les solutions esquissées dans le rapport sont nombreuses pour venir en aide à un secteur en difficulté.
 
Après avoir consulté plus de 1400 personnes, l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) dévoileront, ce jeudi 27 octobre, leur rapport Bâtir ensemble le postsecondaire en français de l’avenir.
 
Le rapport intitulé Bâtir ensemble le postsecondaire en français de l’avenir dresse à travers une centaine de pages un état des lieux de l’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire, avant de présenter 32 recommandations.
 
«C’est une véritable vision d’avenir pour faire évoluer le postsecondaire.» Martin Normand
 
«C’est la marche à suivre dans les prochaines années», estime Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC et responsable de la supervision de cette initiative. «C’est une véritable vision d’avenir pour faire évoluer le postsecondaire. On amène des pistes d’innovation pour que le fédéral nous soutienne», renchérit Alain Dupuis, directeur général de la FCFA.
 
«Les anecdotes, les inquiétudes que l’on entend depuis plusieurs années sont enfin mises sur papier. Elles deviennent des faits basés sur des consultations. C’est un point de départ qui jette les bases de futures discussions», poursuit Mélanie Cwikla, directrice de l’École technique et professionnelle de l’Université de Saint-Boniface, membre du « Comité de sages » ayant appuyé l’élaboration du rapport.
 
«Les anecdotes, les inquiétudes que l’on entend depuis plusieurs années sont enfin mises sur papier.» Mélanie Cwikla
 

Financement fédéral nécessaire pour le postsecondaire

Parmi les mesures préconisées figurent l’instauration de normes d’accueil et d’inclusion qui répondent à la diversité croissante des jeunes francophones ou encore l’élaboration de stratégies pour attirer plus d’étudiants et pour renforcer les liens avec les communautés. «Se faire connaitre et recruter à l’international est un défi au sein des petites structures», mentionne Martin Normand.
 
L’édition de ressources pédagogiques adaptées au contexte linguistique minoritaire et la mise sur pied de programmes d’études adaptés aux besoins des communautés sont aussi des dossiers d’intérêt prioritaire. Un pan important du document concerne par ailleurs la recherche et recommande entre autres que le gouvernement fédéral finance un Service d’aide à la recherche en français.
 

(De gauche à droite) Sophie Bouffard, Liane Roy, Ginette Petitpas Taylor. Crédit Marianne Dépelteau – Francopresse

 
Surtout, les auteurs du rapport appellent Ottawa à créer et financer un programme permanent d’appui pour le postsecondaire. «Si l’on veut atteindre l’égalité réelle en regard de l’offre en anglais, nos établissements doivent obtenir des financements plus équitables, correspondant au pourcentage de francophones dans chaque province», estime Mélanie Cwikla.
 
«Le modèle de financement actuel, basé sur le nombre d’inscrits, est inadapté, car il ne prend pas en compte les couts supplémentaires inhérents au milieu minoritaire et le rôle particulier joué par le postsecondaire dans la vitalité du français», ajoute Alain Dupuis.
 

«Pousser le fédéral à aller de l’avant»

Plusieurs demandent ce financement pérenne depuis des années, mais l’ACUFC et la FCFA veulent profiter de plusieurs engagements récents d’Ottawa pour faire avancer le dossier. Après tout, lors de la campagne électorale fédérale de 2021, le Parti libéral du Canada a promis une enveloppe permanente de 80 millions $ par an pour le postsecondaire en situation linguistique minoritaire.
 
Dans le Livre blanc sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s’engage à appuyer la vitalité des communautés francophones partout au pays grâce à des institutions fortes. Dans le projet de loi C-13 modifiant la Loi sur les langues officielles, il s’engage cette fois à offrir la possibilité aux minorités linguistiques de faire des études dans leur langue, et ce, jusqu’au postsecondaire.
 
 

L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada dévoilent, le jeudi 27 octobre, leur rapport sur l’avenir du postsecondaire en contexte francophone minoritaire.

 
«On mise sur ce momentum pour pousser le fédéral à aller de l’avant», affirme Martin Normand. À brève échéance, l’ACUFC et la FCFA souhaitent voir leurs recommandations les plus prioritaires s’inscrire dans le Plan d’action pour les langues officielles, qui sera renouvelé en 2023 pour cinq ans.
 
Cependant, toutes les cartes ne sont pas entre les mains du gouvernement fédéral. L’éducation postsecondaire est une compétence exclusivement provinciale et territoriale. Ce sont les provinces et les territoires qui investissent directement dans les budgets des collèges et des universités.
 
«L’épanouissement des communautés francophones, lié à la présence d’établissements postsecondaires, relève du fédéral, nuance Martin Normand. C’est pourquoi il doit continuer à assumer un leadeurship fort et adopter des mesures de soutien, tout en faisant pression sur les provinces et des territoires.»
 
«L’épanouissement des communautés francophones, lié à la présence d’établissements postsecondaires, relève du fédéral.» Martin Normand
 

Collaboration à tous les niveaux

À cet égard, le rapport préconise de créer un mécanisme de concertation intergouvernementale avec les établissements postsecondaires, dont la forme reste à définir. «On veut amener toutes les parties prenantes autour de la table, avec l’idée de mieux coordonner les efforts et de mieux définir les responsabilités et les tâches de chacun», explique Martin Normand, qui s’engage à travailler en priorité sur ce sujet.
 
La collaboration entre établissements postsecondaires, avec la création d’un mécanisme financé par Ottawa, est également au cœur du rapport. «On a tendance à travailler en silo, alors qu’on a besoin de plus de coopération à tous les échelons si l’on veut améliorer l’accès aux formations», insiste Marguerite Tölgyesi, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) et membre du Comité de sages du rapport.
 
«On a tendance à travailler en silo, alors qu’on a besoin de plus de coopération à tous les échelons.» Marguerite Tölgyesi
 
Mélanie Cwikla et Alain Dupuis appellent eux aussi à sortir de la «logique de compétition» et à penser le postsecondaire comme un «réseau national». «Au lieu de se battre pour avoir la même enveloppe budgétaire, il faut davantage travailler avec nos homologues, avoir des programmes à cheval sur différentes provinces et créer des pôles d’excellence», souligne Mélanie Cwikla.
 
Plusieurs obstacles de taille s’accumulent devant la mise en place de collaborations structurées et durables. Martin Normand épingle notamment le manque de ressources humaines et financières, la façon différente de gérer le postsecondaire selon les provinces, et les exigences des ordres professionnels provinciaux. «On s’engage à aider nos membres à contourner ces problèmes, afin qu’ils puissent lancer des études de faisabilité et des projets pilotes rapidement», assure-t-il.
 
 

Outil de suivi en ligne

Le rapport propose enfin la création d’un programme de bourses d’études et de mobilité «ambitieux et spécialisé», financé par le fédéral. Aux yeux de Marguerite Tölgyesi, cette mesure permettra de s’attaquer au niveau d’endettement élevé des étudiants francophones en situation minoritaire. «Ça va les aider à trouver des solutions quand ils ne peuvent pas étudier en français chez eux et qu’ils doivent se déplacer vers une autre province», observe-t-elle.
 
Si elles ne se sont pas fixé d’échéancier, l’ACUFC et la FCFA veulent éviter que le document ne reste lettre morte. Elles ont donc créé une méthode de suivi permettant d’évaluer à intervalles réguliers le déploiement des mesures.
 

1. Mélanie Cwikla est directrice de l’École technique et professionnelle de l’Université de Saint-Boniface au Manitoba et membre du Comité de sages du rapport. Crédit : Courtoisie 2. Marguerite Tölgyesi est présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française et membre du Comité de sages du rapport. Crédit : Marianne Dépelteau – Francopresse 3. Lyne Brouillette. Crédit Marianne Dépelteau – Francopresse

 
«Personne n’a de solution miracle, il faut que l’ensemble des intervenants travaillent main dans la main, que les établissements postsecondaires s’approprient les conclusions. On interpelle le fédéral avec l’arrivée du Plan d’action, mais on a aussi besoin de l’implication des provinces et des territoires», prévient Mélanie Cwikla.
 
Les citoyens et organisations présents lors du dévoilement du rapport pourront signer une Charte de principes pour l’horizon du postsecondaire. Ainsi, ils adhèreront aux cinq principes qui président à la mise en œuvre des recommandations du rapport et s’abonneront à l’outil de suivi.
 
Recommandations prioritaires

Les enjeux et les besoins mis en lumière lors des États généraux sur l’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire tenus de septembre 2021 à mars 2022 sont nombreux, complexes, persistants et d’envergure. Pour mettre en œuvre des solutions cohérentes, systémiques et durables, le rapport juge comme étant prioritaires trois des recommandations qu’il formule :
  1. Que le gouvernement fédéral développe un programme permanent d’appui à l’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire qui repose sur un énoncé de politique.
  2. Que le gouvernement fédéral finance la création d’un mécanisme structurant et ambitieux permettant d’augmenter la capacité de collaboration interinstitutionnelle et de documenter les enjeux qui s’y rapportent.
  3. Que les parties prenantes de l’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire, sous le leadeurship de l’ACUFC et de la FCFA et avec l’appui du gouvernement fédéral, se dotent d’un mécanisme permettant de mettre en œuvre de façon concertée les recommandations contenues dans le rapport des États généraux.
Cinq principes directeurs contenus dans le rapport pour guider la mise en œuvre des recommandations

L’éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire…

• Atteint l’égalité réelle • Contribue étroitement à l’épanouissement des communautés francophones et acadiennes
• Constitue un maillon clé du continuum de l’éducation en français • Est exemplaire en matière de collaboration
• Fait preuve d’excellence et d’innovation