«Nous faisons un revenu que je qualifierais de confortable et il n’en demeure pas moins que c’est la [dépense] la plus importante dans notre budget. On ne va pas forcément en vacances, on a une maison qui est raisonnable. On fait moins de rénovations. On sait qu’on se prive, mais on regarde ce que ça apporte aux enfants et ça prend tout son sens», relate Patrick Cais en faisant référence à ses deux fils, Baptiste et Thomas, qui pratiquent le ski alpin de compétition depuis une dizaine d’années dans les Rocheuses.
Entre l’adhésion au club de ski de Lake Louise, les forfaits de ski et l’équipement, les dépenses par saison peuvent facilement se chiffrer entre 20 000 et 25 000 dollars par athlète, raconte-t-il. «C’est très onéreux.» Certaines astuces peuvent bien sûr faire descendre la facture, comme trouver des tarifs préférentiels pour l’affûtage ou pour l’équipement de ski, mais ce ne sont pas des solutions miracles.
Impossible aussi de revendre les anciennes paires de skis, celles-ci sont usées jusqu’à la corde après avoir été utilisées par ses garçons. «Ils ont facilement huit paires chacun entre l’entraînement et la compétition. Ça [les frais] augmente vite», explique le père de famille.
À travers les années, les Cais se sont donc repliés sur les partenariats avec des commanditaires pour réduire leurs dépenses, mais ce genre de collaboration ajoute évidemment une certaine pression sur Baptiste et Thomas qui doivent obtenir de bons résultats pour garder ce soutien financier. «On collabore avec une compagnie qui nous fournit des skis, mais ce n’est pas gratuit non plus, ce sont des rabais de 40%», précise le francophone.
Quand haut niveau rime avec bas revenu
Les familles de skieurs albertains peuvent compter sur des bourses offertes par l’Alberta Alpine Ski Association pour encourager les étudiants athlètes. Toutefois, les montants attribués sont «sporadiques» et ne couvrent pas l’entièreté des dépenses d’une saison.
L’Association amasse également des fonds pour soutenir les athlètes qui font partie de l’équipe provinciale et doivent s’acquitter des frais liés aux compétitions et aux déplacements à travers l’Ouest canadien et les États-Unis.
Encore une fois cependant, «tout est une question de commandites et comme le ski alpin n’a pas autant de notoriété que le hockey, les compagnies sont moins enclines à donner leur appui financier», confie Patrick. En fait, l’Association dispose de «très peu» de moyens pour aider les athlètes. «Les dépenses des skieurs sur l’équipe provinciale peuvent facilement s’élever jusqu’à 40 000 dollars, même avec les commandites», lance-t-il.
Ce constat soulève un enjeu persistant et bien plus étendu : les athlètes de haut niveau ne reçoivent pas de véritable salaire au Canada et doivent la plupart du temps financer leur rêve à même leur poche. Plusieurs d’entre eux terminent leur carrière «avec pratiquement rien dans leur compte bancaire». «Ils vont consacrer vingt ans à leur sport et ils se retrouvent en précarité financière à la fin de leur parcours», témoigne le père de famille.
Le Programme d’aide aux athlètes (PAA) de Sport Canada peut évidemment leur être bénéfique, mais les athlètes doivent évoluer dans l’équipe nationale, participer aux championnats du monde et avoir des objectifs olympiques pour y avoir accès.
Le Calgary Adapted Hub Supports et la Paralympic Sports Association sont deux organisations albertaines qui peuvent aider les familles qui ont des enfants en situation de handicap à trouver des programmes sportifs qui puissent leur convenir.
Handicap et petite reine, même combat
La situation n’est guère plus reluisante pour les athlètes en situation de handicap, comme Salomon Grigy qui aspire à décrocher le titre de champion du monde en paracyclisme et à se qualifier pour les jeux paralympiques.
«Il y a du financement si tu es membre de l’équipe nationale. L’équipe provinciale, elle, prend en charge certaines dépenses comme les déplacements, mais la plus grande partie est à la charge des athlètes», raconte cet adolescent de quinze ans atteint de diplégie spastique.
Les dépenses liées au cyclisme sont un peu moins élevées que celles du ski, mais elles se situent généralement entre 10 000 et 15 000 dollars par an. La recherche de commandites est également cruciale. «Je fais des recherches, j’essaie de trouver des compagnies locales et je leur envoie un courriel pour voir si elles aimeraient collaborer», explique le jeune athlète.
Heureusement, certaines ressources sont disponibles à Calgary afin d’atténuer le fardeau financier. L’athlète est par exemple affilié au BICISPORT Calgary Cycling Club, une organisation sans but lucratif qui œuvre notamment à rendre le sport plus accessible aux jeunes et aux paracyclistes. En payant une adhésion de 120 dollars par an, le Club couvre de son côté les frais engagés dans l’année en fonction des fonds disponibles.
«Pour nous, l’année dernière, cela a représenté 3200 dollars pour les frais de coaching, de licence auprès de la province et des engagements dans les courses (frais d’inscription et hébergement)», témoigne Maria Grigy, la mère de Salomon. «On doit faire entre cinq et dix heures de volontariat par an pour aider le club en échange», ajoute ce dernier.
Un défi de plus pour les para-athlètes
Si le financement des sports est déjà un défi pour ceux qui pratiquent une discipline autre que le hockey, le football ou le soccer, les athlètes ayant un handicap font face à encore plus d’embûches au quotidien puisque les parasports sont très peu développés dans les provinces canadiennes, confie Maria.
«Au niveau provincial, les choses vont peut-être bouger. J’ai justement rendez-vous avec la coach de [l’équipe] provinciale. L’objectif, c’est vraiment de réussir à développer le paracyclisme et rendre le sport plus accessible», explique-t-elle.
Parmi les défis, les compétitions au provincial sont structurées de sorte que les paracyclistes affrontent des athlètes valides, sans tenir compte de leur handicap, ce qui peut constituer un facteur de démotivation.
Le handicap de chaque athlète est catégorisé de C1 à C5 en fonction de sa gravité. Lors des compétitions, ces catégories représentent habituellement un pourcentage de réussite de performance. En bref, « […] comme les paras concourent tous en même temps au national, le premier qui arrive ne sera donc pas forcément celui qui va gagner. Mais les catégories ne rentrent pas en compte ici», précise Maria.
Elle espère qu’une démocratisation du parasport pourra éventuellement servir d’autres jeunes athlètes en situation de handicap à trouver une voie d’accomplissement comme cela a été le cas pour son fils. «Il y a de plus en plus d’inclusion, alors j’ai espoir.»
Glossaire – Sporadique : Qui se produit de manière irrégulière