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Esther Picard, proche aidante et militante pour les droits des aînés. Photo : courtoisie
Le Manoir du Lac, une résidence privée pour aînés située à McLennan, est depuis plusieurs années sous le regard critique des proches aidants. Esther Picard, fille d’une résidente et membre engagée de la communauté de Rivière-la-Paix, a décidé de rendre publique une lettre précisant ses plaintes contre l’établissement.
Après avoir communiqué avec le gérant du Manoir, des infirmières, Alberta Aids to the Daily Living, Home Care, Alberta Health Care, le bureau de Todd Loewen, puis Dan Williams, Continuing Care Licensing Office, Protecting People in Care, NDP Health Critic et ne jamais avoir reçu de réponses satisfaisantes, la proche aidante a décidé qu’il était temps de se tourner vers sa communauté.
Dans cette lettre, elle témoigne de la négligence des employés à l’égard des soins et du bien-être des aînés, de la qualité répréhensible de la nourriture, de la gestion malsaine de l’établissement et du manque de communication entre les organisations gestionnaires et les familles.
Réponses des municipalités
Fin novembre 2024, elle a enfin reçu des réponses des comtés concernés, dont le village de McLennan et la municipalité de Smoky River. Le maire de McLennan, Jason Doris, atteste que les conseillers de son village étaient très inquiets après avoir lu la lettre d’Esther Picard.
«Le Manoir du Lac est responsable du soin des membres les plus vulnérables de notre population et cette lettre a porté à notre attention des problèmes très sérieux», dit-il.
Le Manoir est un établissement privé, il est donc impossible pour le maire de McLennan d’entrer et d’imposer des changements, explique l’intéressé. Le maire du village affirme avoir toutefois soulevé le sujet lors de la réunion régionale des municipalités avoisinantes qui a eu lieu le 3 décembre 2024.
Les représentants de la municipalité de Smoky River ont aussi réagi à la lettre et discuté des problématiques soulevées durant cette même rencontre. Il a été convenu de la nécessité d’évoquer le Manoir lors de leurs conseils municipaux respectifs afin d’élaborer un plan d’action.
«Nos aînés sont d’importants membres de notre communauté, leur confort et leur bien-être devraient être une priorité. Le Manoir du Lac est aussi un établissement important au sein de notre communauté et nous devons travailler avec lui pour assurer que tous les résidents reçoivent un niveau de soin de qualité supérieure», affirme le maire de McLennan.
Après des années à être seule avec ses questions, Esther Picard se sent soulagée grâce à l’appui de sa communauté qu’elle n’espérait plus. «C’est beaucoup à gérer tout ça, dit-elle. Se faire fermer la porte à chaque fois que tu envoies une lettre. Ou bien appeler et te faire dire que, parce que c’est privé, on ne peut rien faire.» Elle espère de bonnes nouvelles dans les prochaines semaines.
La proche aidante avait aussi signalé le dysfonctionnement du Manoir à la Gendarmerie royale du Canada [GRC] à McLennan; elle attend maintenant patiemment leur appel afin de pouvoir poursuivre l’enquête.
Points saillants de la lettre
La lettre d’Esther Picard entame une discussion sur la qualité des soins offerts aux aînés, les injustices dont ont été victimes les résidents, mais aussi les employés de l’établissement. Ces derniers ne savent toujours pas à qui se plaindre des heures qui leur sont coupées et des pressions injustes qui leur sont imposées.
Misty Hatter, une ancienne employée du Manoir du Lac, témoigne des habitudes inacceptables qui prenaient place dans l’établissement lorsqu’elle y était. Elle témoigne de sa grande expérience dans le domaine de la santé et déclare qu’elle connaissait bien son métier grâce à ses 15 ans d’expérience.
Les aînés avaient confiance en elle, mais, sous la nouvelle direction de l’établissement, elle a été mise à la porte. «Ils [les dirigeants] me poussaient [hors de l’établissement]. Ils ne me voulaient pas là. Je ne disais pas les bonnes choses et ils m’ont laissé aller», dit-elle. Aujourd’hui, même si elle désire y retourner pour rendre visite à ses anciens clients, émotionnellement, elle n’en est pas capable.
L’ancienne employée tentait d’améliorer le niveau de soins offert au Manoir du Lac. Elle s’est rendu compte que de nouveaux employés n’étaient pas suffisamment qualifiés. Elle rend compte aussi de certains changements dans l’établissement, comme la suppression pure et simple des activités physiques de la routine quotidienne des aînés. Elle mentionne d’autres griefs, comme la facturation abusive de services gratuits, des vols commis dans l’établissement «par les employés» et d’un manque évident de services en français pour les résidents francophones.
Si ce n’était pas pour la direction actuelle, Misty Hatter y travaillerait encore, dit-elle avec amertume. «Je ne pouvais plus tolérer les choses que je voyais», dit-elle, en ajoutant que «ces aînés se sont battus pour nos droits et, maintenant, ils sont en train de perdre les leurs.»
Très critique, elle exprime beaucoup d’inquiétude. «Je crois que l’établissement devrait fermer ses portes. C’est un plus grand risque d’y garder nos aînés que de fermer l’établissement.» Elle est fermement persuadée que le niveau des soins prodigués n’est pas satisfaisant.

Misty Hatter, ancienne employée du Manoir du Lac. Photo : Courtoisie
Droits des francophones
Esther Picard et Misty Hatter sont toutes deux d’accord sur le fait que les résidents francophones devraient avoir le droit d’exprimer leurs besoins en français. La population de Smoky River est constituée de près de 50% de locuteurs de langue française et plusieurs d’entre eux se retrouvent ou se retrouveront un jour au Manoir du Lac.
Cependant, même si l’établissement porte un nom francophone, cela ne veut pas dire que le maintien de la langue française fait partie de sa mission. Parmi les difficultés liées à la francophonie, le Réseau santé Alberta (RSA) a signalé qu’avant la pandémie, des stagiaires francophones du Campus Saint-Jean y évoluaient, mais depuis, ils préfèrent effectuer leurs stages à Edmonton et non dans les régions isolées albertaines.
Finalement, puisque l’établissement est privé, la seule option qu’il reste aux familles francophones et à Esther Picard est de militer pour leurs droits et convaincre la direction de l’établissement que le service en français n’est pas seulement un avantage, mais une nécessité.
Une lutte qui est loin d’être terminée
Esther Picard, qui se bat seule pour les droits de sa mère depuis des années, est très sensible à l’appui des municipalités et à l’intérêt de la GRC dans cette affaire et ne peut que laisser couler ses larmes lorsqu’elle évoque cette solidarité.
Alors, même s’il semble que la bataille soit loin d’être terminée, les membres de la communauté de Smoky River et de McLennan se rassemblent et sont prêts à trouver des réponses à leurs questions et à voir de véritables changements se manifester au sein de l’établissement.