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Des soins de longue durée en français pour nos ainés, une utopie?

Crédit : Visual Stories || Micheile / Unsplash
Crédit : Visual Stories || Micheile / Unsplash
Des soins de longue durée en français pour nos ainés, une utopie?
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Afin de bénéficier de soins de longue durée ou d’un logement avec des services de soutien désignés, tout Albertain doit se faire évaluer par Services de santé Alberta (AHS). Par la suite, il est dirigé en fonction des places disponibles. Un processus qui ne prend pas en compte la langue maternelle. 

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Paul Denis, directeur général du Réseau santé Alberta (RSA) et président de la communauté pour le Centre de santé Saint-Thomas, l’indique très clairement : la priorité numéro un de Services de santé Alberta (AHS) est de «dégager les lits d’hôpital».

Par exemple, «au cours des trois derniers mois, dans tous les hôpitaux de la province, il y a eu en moyenne 386 clients qui attendaient chaque jour d’être placés dans une résidence de soins continus», indique Kristi Bland, conseillère principale en communications de Services de santé Alberta (AHS), zone Edmonton.

Françoise Sigur-Cloutier et sa mère

Françoise Sigur-Cloutier est proche aidante pour sa mère Marguerite. Crédit : Courtoisie

Les personnes âgées doivent en moyenne attendre 32 jours avant d’être placées. Une décision qui, faute de place, ne revient pas complètement à la famille. Paul Denis explique que celle-ci doit choisir en ordre de priorité les établissements dans lesquels ses parents pourraient vivre.

Dès qu’un lit devient disponible, c’est la personne qui se trouve en haut de la liste d’attente qui sera placée. Une situation qui aujourd’hui ne satisfait pas forcément les familles prises dans le dilemme de l’urgence et du premier choix désiré.

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D’ailleurs, le Centre de santé Saint-Thomas (CSST), reconnu pour son offre de services en français à Edmonton, est fréquenté plus régulièrement par des anglophones que par des francophones en raison du nombre élevé d’ainés sur la liste d’attente.

Paul Denis rapporte que présentement, sur les 138 lits disponibles au CSST, seulement une douzaine de lits sont occupés par les francophones.

Des services d’interprétation proposés 

En dépit du manque d’employés francophones dans les résidences de soins de longues durées, Services de santé Alberta (AHS) propose des services d’interprétation. Ceux-ci sont offerts par téléphone, par visioconférence ou en personne.

Kristi Bland accentue que «dans tous les établissements [de la province], les patients et les membres de leur famille dont la maitrise de l’anglais est limitée ou inexistante ou ayant des troubles de la parole, du langage et de l’audition ont le droit fondamental de comprendre pleinement les soins qu’ils reçoivent, d’y consentir et d’y participer».

Leur participation dans les conversations où la santé et le bien-être de la personne âgée sont abordés est un élément essentiel pour AHS afin d’assurer leur sécurité.

L’importance du non verbal 

Cependant, le non verbal entre les préposés aux bénéficiaires et les personnes âgées reste un élément majeur. La médecin de famille Michelle Dion explique qu’il «aide à diminuer le stress de la personne âgée». De plus, l’attention du préposé à l’égard de l’ainé peut faire une grande différence.

Pour donner des soins dans la bienveillance, il faut que les préposées prennent le temps.

«En général, ils ont tendance à être plus doux et attentifs aux besoins du patient.» Toutefois, la médecin admet qu’il y en a aussi qui sont rudes. «Il y en a partout des gens qui n’auraient pas dû choisir leur profession.»

«En général, ils ont tendance à être plus doux et attentifs aux besoins du patient.» Dre Michelle Dion

Françoise Sigur-Cloutier, dont sa mère se trouve actuellement dans une résidence de personnes âgées offrant des soins de longue durée, le confirme. Elle se souvient que les préposés avaient tendance à gagner du temps lorsqu’il mettait les souliers de sa mère.

«Pour ne pas lui défaire les lacets, il lui rentrait le soulier incorrectement dans son pied et ses orteils restaient coincés». Dès qu’elle s’en est rendu compte, elle a acheté à sa mère des souliers de type sandales pour éviter le problème.

«Pour ne pas lui défaire les lacets, il lui rentrait le soulier incorrectement dans son pied et ses orteils restaient coincés.» Françoise Sigur-Cloutier

Malgré le fait que les préposés ne soient pas capables de s’exprimer dans la langue de Molière, Mme Sigur-Cloutier apprécie qu’ils utilisent l’application Google Translation sur leur téléphone cellulaire pour essayer de parler à sa mère.

Par ailleurs, afin de permettre aisément un environnement de bienveillance dans un lieu où aucun préposé n’est capable de s’exprimer en français, la Dre Michelle Dion a peut-être une solution.

Selon la médecin, il faudrait assigner un préposé, si possible toujours le même, à un patient afin de développer une affinité avec lui. «Il pourrait le connaître et ainsi, le comprendre.» Avec le roulement de personnel, elle acquiesce que c’est un peu plus compliqué à faire.

Dans les établissements autonomes pour ainés francophones

Dans les villes rurales, les personnes âgées francophones n’ont pas accès à des résidences francophones puisqu’il n’y a pas d’offres de services. «Si les personnes âgées veulent rester proches de chez eux, ils n’ont pas le choix de déménager dans des accommodations pour ainés anglophones», souligne Natacha Plamondon, directrice de l’ACFA régionale de Plamondon.

Dans les centres urbains comme Edmonton, les personnes âgées ont la possibilité de déménager aux Manoirs Saint-Thomas et Saint-Joachim. Ce sont des immeubles à appartements pour ainés autonomes. L’administrateur de la Société des Manoirs, Roch Labelle, souligne que les deux établissements sont «gérés par des francophones».

Au Manoir Saint-Thomas, la langue parlée est le français puisque tous ses résidents sont d’expression française. Quant au Manoir Saint-Joachim, en raison du nombre restreint de locataires francophones, il accueille également des anglophones et allophones.

Cette situation est similaire à celle de la résidence des indépendants du Centre de santé Saint-Thomas qui accepte autant les francophones que les anglophones. Pour la résidente Yvette Tellier, avoir comme voisin de palier des anglophones ne la dérange pas puisqu’elle veut «vivre une vieillesse tranquille».