le Vendredi 26 avril 2024
le Lundi 10 mai 2021 16:05 Éducation PR

L’insécurité linguistique est présente au sein même d’une communauté linguistique

L’insécurité linguistique est présente au sein même d’une communauté linguistique
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Cet article a été écrit par Caleb Cranna et Toqa Abdelwahab, étudiants à l’Université de l’Alberta dans le cadre du programme «Community Service-Learning». Un programme qui permet aux professeurs, au personnel de l’Université de L’Alberta, aux partenaires communautaires et aux apprenants de créer des opportunités de participation réflexive à des activités d’apprentissage et de recherche socialement réactives et engagées dans la communauté.

Au Canada, certains francophones finissent par se détourner de la langue française. Le manque de représentativité de la dualité linguistique dans la sphère publique est souvent évoqué par les défenseurs de la langue. Pourtant moins présent dans le discours public, l’insécurité linguistique au sein même d’une communauté linguistique joue un rôle tout aussi important. Suzanne Robillard, chercheuse en linguistique à l’Université d’Ottawa, y voit un fléau dans la communauté francophone. 

Caleb Cranna et Toqa Abdelwahab

L’insécurité linguistique a une définition large. Selon Suzanne Robillard, «il s’agit d’un sentiment d’inadéquation liée à l’utilisation d’une langue en milieu minoritaire». Selon elle, elle s’impose de deux manières en Alberta. 

D’une part, il y a des causes traditionnelles, liées en grande partie au nombre limité de francophones et au manque des ressources en français dans un environnement où l’anglais est omniprésent. D’autre part, il existe un phénomène moins connu : les fragmentations au sein même de la communauté francophone. 

Selon la chercheuse, il existe une idée qui classe comme supérieurs et donc désirables certains dialectes : le français métropolitain et, au Canada, le québécois. Tandis que d’autres, comme les dialectes africains ou antillais sont classés dans l’imaginaire collectif comme indésirables. 

«Les gens pensent que mon accent est français parce que je m’efforce de parler le français standard [métropolitain]. Je ne veux pas que les gens se moquent de moi parce que j’ai un accent «blédard»», explique Youssef, un étudiant francophone d’origine tunisienne.

Les écoles sont-elles complices ? 

Selon Robillard, les institutions comme les conseils scolaires propagent souvent involontairement la supériorité du dialecte standard, en jugeant et en dévalorisant les autres dialectes, selon les règles de l’Académie française ou de l’Office québécois de la langue française

Ces considérations provoquent parfois un sentiment d’infériorité pour ceux qui s’identifient comme francophones. Selon Robillard, il est possible que ces sentiments causent chez une personne le rejet complet du français, ce qui peut mener à une crise d’identité.

Il est intéressant de noter que les effets de l’insécurité linguistique semblent toucher ceux qui parlent le français standard aussi. Lorsqu’un groupe exclut certains membres de sa propre communauté linguistique, il perd plus que les « mauvais » aspects, mais les bons aspects aussi, explique madame Robillard. Les exclus partent avec leurs enfants alors qu’ils représentent l’avenir de la langue française.

Des solutions à revoir ? 

Bien que la connaissance soit le début de la solution, elle ne sera pas suffisante en elle-même. Selon l’universitaire, des solutions incorrectes se sont propagées depuis un certain temps. D’après elle, certains pensent que les programmes d’immersion française protègent les communautés francophones, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, les programmes d’immersion française, en adhérant aux règles de l’Académie française, renforcent la notion qu’il existe un dialecte supérieur. 

Finalement, pour Suzanne Robillard, la solution consiste à dépasser la notion de supériorité et à reconnaître que tous les dialectes présentent des grammaires aussi complexes qui méritent d’être utilisées. Dans l’ensemble, les solutions au problème de l’insécurité linguistique impliquent des efforts individuels et collectifs pour aider tous les Franco-Albertains à se sentir inclus dans la société.