le Samedi 27 avril 2024
le Mercredi 31 mai 2023 19:37 Chronique «santé»

Les répercussions de la pollution de l’air sur la santé humaine

L’OMS (Organisation mondiale de la santé) avance des chiffres alarmants. Elle estime que dans le monde, 36% des cas de cancer du poumon sont causés par la pollution. Même chose pour 35% des maladies bronchiques chroniques, 34% des AVC et, finalement, 27% des maladies cardiaques. Photo : Cr. Juniperphoton - Unsplash
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) avance des chiffres alarmants. Elle estime que dans le monde, 36% des cas de cancer du poumon sont causés par la pollution. Même chose pour 35% des maladies bronchiques chroniques, 34% des AVC et, finalement, 27% des maladies cardiaques. Photo : Cr. Juniperphoton - Unsplash
Les répercussions de la pollution de l’air sur la santé humaine
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Dre Julie L. Hildebrand exerce en médecine familiale à Edmonton. Bilingue, elle est très heureuse de pouvoir répondre aux besoins de la francophonie plurielle de la capitale provinciale. Spécialiste du diabète, des dépendances et de l’utilisation du cannabis thérapeutique, elle privilégie la prévention et l’éducation.  

L’air que l’on respire est un bienfait par définition. L’oxygène, l’un de ses principaux constituants, se veut le carburant par excellence du corps humain. En effet, il favorise la transformation directe des nutriments en énergie. Chaque jour, un individu moyen absorbe par ses voies respiratoires près de 200 000 litres d’air. Ce faisant, il incorpore un nombre considérable de particules, soit 150 à 750 milliards, bonnes ou mauvaises. Ces dernières seront véhiculées au sein de l’organisme par le biais de l’oxygène inspiré.  

La pollution de l’air pose des enjeux majeurs sur la santé humaine, car le fait de respirer est nécessaire et inévitable. Toutefois, lorsque l’air est vicié par la présence de polluants extérieurs et intérieurs, sa consommation peut mener à l’apparition de maladies graves du système nerveux, du système cardiovasculaire et, évidemment, du système respiratoire. La pollution aérienne se retrouve sur la planète entière et de manière plus prononcée dans certains pays. Des facteurs climatiques, géographiques, socioéconomiques et environnementaux y contribuent. En somme, près de 90% des Terriens respirent un air malsain. 

Bien qu’au Canada, les taux de pollution atmosphérique soient de beaucoup inférieurs à ceux d’autres parties du monde, il n’en reste pas moins qu’ils causent annuellement 15 300 décès prématurés, 2,7 millions de jours d’exacerbation de symptômes asthmatiques et 35 millions de jours de symptômes respiratoires aigus. Au total, cela coûte 120 milliards de dollars à l’État, selon les estimations de 2016.     

La pollution extérieure englobe des sources telles que les gaz d’échappement provenant des industries, du trafic routier, de l’agriculture et des phénomènes naturels tels que les feux de forêt, les éruptions volcaniques et les radiations. La libération de ces aérosols complexes est modulée par la température, le moment de la journée et la saison. 

La pollution intérieure découle de l’émanation de particules libérées par les meubles, les matériaux de construction, la moquette, les produits d’entretien, le tabagisme, la cuisson (friture), la climatisation, les parfums d’ambiance ainsi que les épurateurs d’air. Il est intéressant de noter que nous passons plus de 80% de notre temps emmuré au travail, à la maison ou en voiture. 

Au niveau mondial, on estime à 7 millions le nombre annuel de décès prématurés imputables à la pollution atmosphérique. Ce constat est observable en raison de la facilité qu’ont les fines particules à se frayer un chemin à partir des alvéoles respiratoires, traversant les vaisseaux sanguins et voyageant librement jusqu’aux organes. Par la suite s’enclenche une cascade d’évènements biochimiques où les particules nocives s’attaquent aux membranes (stress oxydatif), ce qui engendre l’apparition de lésions puis, ultimement, la mort cellulaire.

Au total, cela coûte 120 milliards de dollars à l’État, selon les estimations de 2016 (Source : Statistique Canada).

Conséquemment, cela induit une exacerbation du système immunitaire, de l’inflammation, un remodelage bronchique à cause des agressions répétées, un épaississement des tissus, de la cicatrisation ainsi que de la fibrose pour aboutir, dans certains cas, à un phénomène de métaplasie, ce qui constitue la phase initiale d’un processus cancéreux.  

Les particules fines proviennent principalement du smog (nuage brunâtre composé de gaz et de particules toxiques qui surplombe les villes polluées, surtout en été, alors que les températures sont élevées), du monoxyde de carbone (provenant de la combustion du bois, du gaz propane, de l’essence, etc.), des oxydes de soufre (agents impliqués dans l’acidification des écosystèmes), des oxydes d’azote (issus de la combustion fossile), de l’ozone (produit par les effets des rayons UV sur l’oxygène et dégagé par les voies d’échappement), du benzène (composé organique utilisé comme solvant dans la fabrication de plusieurs produits dont le plastique, l’essence et les résines et se trouvant aussi dans le shampooing sec et la cigarette), des hydrocarbures (relâchés principalement par les feux de forêt, le chauffage au bois et la transformation de l’aluminium), des composés organiques volatils (le méthane, par exemple) et des métaux lourds (arsenic, cadmium, plomb, chrome et mercure).

Les effets délétères des toxines environnementales peuvent être remarqués sur plusieurs systèmes et organes : 

  • Au niveau de la sphère ORL, pensons aux irritations des voies nasales et de la gorge, à la congestion des sinus et à l’exacerbation des réactions allergiques. 
  • Le système nerveux central est aussi une cible et peut subir des dommages qui se traduiront par des maux de tête, des maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson et la démence, des troubles de l’humeur (dépression et anxiété), des troubles du spectre de l’autisme et des accidents vasculaires cérébraux (AVC). 
  • Le système cardiovasculaire n’y échappe pas non plus, avec des risques accrus de troubles du rythme, d’hypertension artérielle, d’hypercoagulabilité sanguine – une maladie athérosclérotique -, voire d’angine. 
  • Sur le plan respiratoire, les preuves ne sont plus à faire. Il est notoire que la pollution de l’air engendre une diminution de la capacité respiratoire et une augmentation de l’incidence des infections des voies respiratoires inférieures. Elle accélère l’apparition de l’asthme et l’aggrave. Elle provoque la survenue de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) en combinaison avec le tabagisme et, dans certains cas, le cancer du poumon.  
  • Ses effets s’observent aussi sur le système reproducteur. En effet, on remarque des taux croissants d’infertilité et une augmentation du nombre de fausses couches ainsi que des retards de croissance chez le fœtus.
  • L’étude Gazel’Air, menée sur une période de 25 ans, suggère que l’augmentation des cas de diabète de type 2 lui soit en partie incriminable.

L’OMS (Organisation mondiale de la santé) avance des chiffres alarmants. Elle estime que dans le monde, 36% des cas de cancer du poumon sont causés par la pollution. Même chose pour 35% des maladies bronchiques chroniques, 34% des AVC et, finalement, 27% des maladies cardiaques. Par ailleurs, il est unanimement reconnu que la pollution augmente la mortalité chez les individus souffrant de maladies cardiorespiratoires chroniques. Le nombre de cas d’asthme est en croissance rapide depuis 2000. 

Nous détenons bien peu d’outils à l’heure actuelle pour nous prémunir contre les conséquences désastreuses de la pollution atmosphérique sur la santé humaine, mais aussi animale et végétale, compte tenu de sa globalité. 

Cependant, il est suggéré d’améliorer la ventilation et l’aération de nos espaces de vie intérieurs ainsi que de s’assurer que les hottes de cuisson fonctionnent adéquatement. Faites des choix judicieux et évitez les produits de nettoyage à forte émission. Bannissez les appareils assainisseurs d’air à l’ozone tout autant que les parfums d’ambiance. Ne fumez pas. Rincez-vous les narines régulièrement à l’aide d’une solution saline physiologique en vente libre dans les pharmacies. Restreignez-vous de pratiquer des sports en plein air lorsque la qualité de l’air est pauvre. Optez pour un véhicule électrique. Et finalement, essayez de vivre loin des routes fortement fréquentées.