Les médecins, pourtant de bonne foi, disaient à leurs patients que tout allait bien, qu’ils étaient en pleine santé et que leurs symptômes étaient dans «leur tête». À dire vrai, ce syndrome ne portait même pas de nom.
Il faut reconnaître que la variabilité de ses manifestations a contribué à ce vide de diagnostic. De surcroît, les patients qui en souffrent ne présentent pas toujours les mêmes symptômes ni ne les vivent avec la même intensité. Difficile de diagnostiquer une maladie qui demeure si vague et si difficile à décrire. D’autant plus qu’il n’existe aucun test diagnostique qui puisse la confirmer avec certitude.
Toutefois, cet état de fait s’est modifié catégoriquement depuis la reconnaissance de la fibromyalgie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1992. En effet, on lui attribuait alors une identité diagnostique propre en lui associant un code de la classification CIM-10. Elle ne pouvait plus désormais être confondue avec un trouble psychiatrique. On admettait finalement que la douleur généralisée qu’elle engendre était bien réelle. C’est la maladie du «mal partout» et du «mal tout le temps».
Lorsque j’étais étudiante en médecine, on utilisait depuis peu le test des 18 points douloureux à la pression comme critères pour établir le diagnostic. Ces points, répartis sur l’ensemble du corps, sont généralement sensibles au toucher pour tous les sujets sains, mais le seraient davantage pour les sujets atteints de fibromyalgie. Aujourd’hui ce test diagnostique ne tient plus.
Il suffit que le patient rapporte des douleurs généralisées (en haut et en bas de la ceinture, à gauche et à droite du corps, puis au niveau axial) et que celles-ci durent depuis au moins trois mois. Le mal s’accompagne le plus souvent de fatigue et de troubles de la cognition.
Les symptômes peuvent fluctuer dans le temps, mais ne disparaissent jamais complètement. Il en reviendra au médecin traitant de s’assurer d’avoir éliminé toutes les autres causes pouvant expliquer ces symptômes avant de conclure au diagnostic de fibromyalgie.
Des causes difficiles à cerner
La fibromyalgie peut s’en prendre à tous les individus de la société, adultes et enfants. Elle atteindrait 2% de la population canadienne, mais toucherait plus particulièrement les femmes, dans 80 à 90% des cas, âgées entre 20 à 50 ans.
La recherche démontre que la probabilité de développer cette maladie est plus élevée si un membre de la famille en souffre. Jusqu’à 28% des enfants nés de mères souffrant de fibromyalgie en hériteront.
Il n’est pas rare qu’un traumatisme physique ou émotionnel soit à l’origine de cette affection, comme le décès d’un être cher, une maladie grave, une infection, une chirurgie ou un accident de la route.
Il est aussi reconnu que la maladie puisse s’établir progressivement sans déclencheurs traumatiques remarquables. Les personnes touchées par la fibromyalgie présentent aussi fréquemment et simultanément différentes maladies auto-immunes, dont l’arthrite rhumatoïde, le lupus, la spondylite ankylosante et l’arthrose.
Néanmoins, il est utile de rappeler que la fibromyalgie n’appartient pas à la catégorie des maladies inflammatoires, car il n’y a ni inflammation ni signes de destruction permanente au niveau des articulations, des os et des tissus mous. Bien qu’inquiétante, elle n’est ni dangereuse ni mortelle.
Toutefois, la fibromyalgie s’accompagne souvent d’autres entités pathologiques comme le syndrome du côlon irritable, la cystite interstitielle, le syndrome de fatigue chronique, la tachycardie posturale, le syndrome des jambes sans repos, la dépression, l’anxiété, la céphalée de tension et un trouble de l’articulation temporo-mandibulaire.
Sans compter que la constellation de symptômes qui accompagne la fibromyalgie s’avère plutôt invalidante : douleurs généralisées, douleur à la pression, courbatures, sensation de picotement, insomnie ou sommeil non réparateur, asthénie, intolérance à l’effort, vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration – fibro-brouillard -, irritabilité, céphalées/migraines, sensibilité aux changements de température, au bruit, à la lumière et aux odeurs, fréquence accrue de réactions allergiques. Certains de ces symptômes peuvent être absents ou moins encombrants. Ils évoluent par poussées et rémissions.
Jusqu’à ce jour, la cause précise de la maladie n’a pas été identifiée. Cependant, la communauté médicale accepte qu’il existe une hypersensibilisation des voies nerveuses au niveau du cerveau et de la moelle épinière, c’est-à-dire que les patients ressentent les sensations douloureuses et même non douloureuses beaucoup plus intensément qu’une personne normale. Il existerait une anomalie de la régulation centrale de la douleur, ce qui favoriserait une diminution du seuil de perception. Ensuite, le cerveau développe un souvenir de la douleur qu’il diffuse en boucle.
Le stress est probablement le facteur le plus nuisible à la maladie. En second lieu vient sa non-reconnaissance par le médecin traitant et par l’entourage. Il est extrêmement délétère pour le patient que sa douleur ne soit pas admise. Ainsi, plus le patient sera informé sur sa maladie et mieux il s’en portera.
La CIM-10 est la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes. Cette dixième version a depuis été actualisée pour devenir la CIM-11. Cette classification représente la norme internationale pour l’évaluation de l’état de santé de l’être humain.
Adoucir sa vie avec la fibromyalgie
Avec une certaine dose de résilience, les patients développent avec le temps des méthodes pour atténuer leurs symptômes. Il n’existe aucun traitement curatif et lorsque des médicaments sont prescrits, cela demeure à titre d’essai thérapeutique puisqu’ils se révèlent peu efficaces et peuvent comporter des effets secondaires indésirables. Ce qui est plus bénéfique pour le patient, c’est qu’il prenne part activement à son rétablissement en modifiant ses habitudes de vie.
De nombreux médicaments pourraient être prescrits par votre médecin en fonction de la prédominance de douleurs, mais un programme d’exercice régulier et modéré est de loin le meilleur allié de toute personne souffrant de fibromyalgie.
Les étirements, les exercices de renforcement musculaire, les exercices d’endurance, le taïchi et le yoga sont à préconiser. Les exercices à impact élevé, tels que la course, la boxe, le jogging et la danse aérobique, sont à éviter, car ils risquent d’induire davantage de malaises.
Il peut être sage de consulter un physiothérapeute qui pourra concocter un programme sur mesure pour ne pas vous infliger de blessures. Par ailleurs, ils peuvent offrir différentes options telles que l’hydrothérapie, la massothérapie et l’acupuncture.
Maintenir une bonne hygiène de sommeil est essentiel pour que le corps et l’esprit récupèrent. Si vous souffrez de cette maladie, assurez-vous de dormir dans un lieu confortable, sombre, sans bruit, pas trop chaud et comportant une literie confortable. Il est préférable d’éviter d’utiliser les écrans (ordinateur, tablette, téléphone) quelques heures avant de dormir. Le manque de sommeil pourrait exacerber les symptômes de la fibromyalgie.
La réduction du stress est aussi primordiale. Prenez le temps de méditer chaque soir. Dans un même ordre d’idées, allouez-vous de petits moments de relaxation durant la journée (exercices de respiration profonde). Ne bousculez pas votre routine. Respectez votre propre rythme. N’en faites pas trop ou pas assez; établissez votre juste milieu. Ne laissez pas votre entourage bousculer vos limites. Consultez un psychothérapeute pour vous aider à y voir clair.
Ce faisant, continuez à adopter de saines habitudes de vie, une diète équilibrée, une vie sans fumée et sans alcool. Armé de ces bons conseils, vous aurez du succès.
Glossaire – Irritabilité : Propension aux réactions de colère