Dre Julie L. Hildebrand exerce en médecine familiale à Edmonton. Bilingue, elle est très heureuse de pouvoir répondre aux besoins de la francophonie plurielle de la capitale provinciale. Spécialiste du diabète, des dépendances et de l’utilisation du cannabis thérapeutique, elle privilégie la prévention et l’éducation.
Sans vouloir jouer les trouble-fêtes, j’aimerais rappeler que ces activités constituent les principaux facteurs de risque de tous les cancers de la peau, dont les carcinomes cutanés qui ne menacent pas la vie et les mélanomes qui en sont tout autrement. Bien que le mélanome survienne moins fréquemment – 2 à 3% de tous les cancers de la peau –, il est nettement plus dangereux en raison de sa propension à se disperser dans l’organisme s’il n’est pas détecté assez tôt.
En raison de l’amincissement de la couche d’ozone, les rayons UV se frayent un chemin plus aisément jusqu’à nos vulnérables épidermes. En effet, le nombre de cas de mélanomes double tous les dix ans dans les pays occidentaux depuis 50 ans. Les personnes qui possèdent des peaux, des cheveux et des yeux clairs, celles qui n’arrivent pas à bronzer, sont beaucoup plus à risque.
Inégalité face à la maladie
Le mélanome se développe à partir des mélanocytes, les cellules productrices d’un pigment brunâtre, qui subissent des mutations délétères lorsqu’elles sont traumatisées par une exposition aux rayons UV du soleil et des lits de bronzage.
Il faut aussi mentionner qu’il existe d’autres facteurs de risque : génétiques et environnementaux. Par exemple, le fait d’avoir plusieurs grains de beauté ou taches de naissance, d’avoir des antécédents familiaux de mélanomes, d’appartenir à certains groupes ethniques, d’avoir eu des coups de soleil sévères pendant l’enfance, d’être atteint d’une maladie affectant le système immunitaire, d’avoir été reçu un diagnostic d’un cancer de la peau non mélanique et de travailler dans certains secteurs d’activité (travail à l’extérieur, soudure, agriculture, industrie pétrolière).
L’incidence du mélanome varie considérablement selon la latitude géographique. Elle est la plus élevée dans les pays à forte exposition au soleil, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande (34 cas par 100 000) comparativement à l’Amérique du Nord (13/100 000), l’Europe (11/100 000), l’Asie et l’Afrique (0,4/100 000). Au Canada, il est estimé que 11 300 nouveaux cas seront diagnostiqués en 2024.
Le mélanome peut survenir à tout âge, quoique très rarement chez les enfants. Il apparait en moyenne vers l’âge de 66 ans chez l’homme et de 60 ans chez la femme. Historiquement, il a touché plus souvent les hommes (1 sur 42) que les femmes (1 sur 56). Les hommes en mourront près de deux fois plus souvent que les femmes.
La prévention toujours essentielle
Le mélanome le plus courant (mélanome superficiel extensif) peut se développer n’importe où sur la peau, mais se retrouve habituellement sur le dos, le torse, les jambes, les bras et le visage. D’autres types de mélanomes peuvent également se manifester dans des zones non exposées au soleil, telles que la plante des pieds, les paumes des mains et sous les ongles (mélanomes lentigineux). Des formes plus rares atteignent les muqueuses des organes génitaux et les yeux (intraoculaire et conjonctive). Malheureusement, celles-ci sont généralement détectées tardivement, avec leur lot de conséquences. Et que dire du mélanome amélanotique, ce traître qui est dénué de pigment!
On n’insistera jamais assez sur le fait qu’il est primordial d’inspecter sa peau périodiquement à la recherche de grains de beauté qui changent d’aspect, d’une nouvelle tache sur la peau ou d’un nodule inhabituel sous la peau.
La règle ABCDE est un guide utile pour identifier les mélanomes potentiels.
A → Asymétrie
B → Bordure irrégulière, dentelée, floue (ne forme pas un rond)
C → Couleur différente des autres grains de beauté, variété de pigmentation à l’intérieur, parfois présence de taches bleues, roses, blanches ou rouges
D → Diamètre de plus de 6 mm
E → Évolution, soit changement de taille, de forme, de couleur, d’épaisseur d’une lésion ou survenue d’inflammation, de saignement, de démangeaison, d’ulcération ou de croûte
Si un mélanome est suspecté, un dermatologue effectuera un examen approfondi de la peau à l’aide d’un dermatoscope. Une biopsie exérèse sera exécutée au besoin pour confirmer le diagnostic et déterminer s’il y a eu envahissement des tissus plus profonds.
Une fois diagnostiqué, le mélanome sera classé en fonction de son épaisseur, de son ulcération et de sa propagation aux ganglions lymphatiques ou à d’autres organes. À cet effet, le système de stadification de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) est couramment utilisé.
- Stade 0 : mélanome confiné à l’épiderme
- Stade I : mélanome de moins de 2 mm d’épaisseur, avec ou sans ulcération
- Stade II : mélanome de plus de 2 mm, avec ou sans ulcération
- Stade III : mélanome disséminé aux ganglions lymphatiques régionaux
- Stade IV : mélanome métastasé à des organes distants.
Le pronostic du mélanome dépend fortement de son stade au moment du diagnostic. Les mélanomes détectés tôt, soit lorsqu’ils sont encore superficiels, ont un très bon pronostic. Cependant, les mélanomes plus avancés ont des taux de survie bien moindre. Au stade I, les taux de survie sont de 99,6% à cinq ans, alors qu’ils diminuent à 73,9% s’il y a eu propagation aux tissus environnants et à 35,1% en cas de métastases à distance. D’où l’importance de les détecter précocement.
Le traitement du mélanome est principalement chirurgical à des stades précoces. Dans certains cas plus avancés, une dissection des ganglions lymphatiques sera pratiquée. Il n’y a pas si longtemps, les mélanomes invasifs connaissaient une fin tragique.
Récemment, le paysage thérapeutique du mélanome avancé ou métastatique a grandement évolué grâce à l’apport de l’immunothérapie et de la thérapie ciblée. La radiothérapie adjuvante est encore utilisée pour traiter le mélanome qui s’est propagé au cerveau ou à d’autres zones afin de soulager les symptômes. La chimiothérapie s’est avérée peu efficace. Des vaccins thérapeutiques sont en phase de recherche.
Prévenir le mélanome demeure la meilleure forme de guérison.
Conseils clés pour prévenir un mélanome
1. Éviction solaire. Cherchez l’ombre et minimisez les activités extérieures entre 10h et 16h lorsque les rayons UV sont à leur plus fort.
2. Application d’une crème solaire à large spectre avec un indice de protection FPS supérieur à 30 toutes les deux heures (même si vous êtes à l’ombre) et après une baignade.
3. Port de vêtements de protection à manches longues, pantalons longs et chapeau à larges bords, lunettes de soleil bloquant les UV. Privilégiez des vêtements avec un facteur de protection ultraviolet (FPU).
4. Abolition de l’usage des cabines de bronzage.
5. Éducation sur les médicaments photosensibilisants (tétracycline, ibuprofène, diurétiques, certains antidépresseurs, amiodarone, isotrétinoïne, etc.).
6. Autoexamens réguliers de la peau. Demandez de l’aide pour vérifier les zones difficiles à voir ou utilisez un miroir.
7. Consultation d’un professionnel de la santé (médecin de famille ou dermatologue) si vous avez une lésion suspecte et surtout si vous avez des antécédents familiaux de cancer de la peau ou d’autres facteurs de risque.
8. Alimentation saine avec une diète riche en antioxydants pour améliorer la performance de votre système immunitaire.
En intégrant ces stratégies dans votre routine quotidienne, vous pouvez réduire énormément votre risque de développer un mélanome. N’oubliez pas que le dépistage systématique des signes du mélanome et l’importance d’un traitement précoce sont cruciaux pour réduire les taux de mortalité. Les beaux jours ne sont pas terminés, soyez prudents et bonne rentrée!
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