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le Jeudi 3 février 2022 13:00 Opinions PR

Le diabète, ce n’est pas du gâteau!

Dre Julie Hildebrand
Dre Julie Hildebrand
Le diabète, ce n’est pas du gâteau!
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Dre Julie L. Hildebrand exerce en médecine familiale à Edmonton. Bilingue, elle est très heureuse de pouvoir répondre aux besoins de la francophonie plurielle de la capitale provinciale. Spécialiste du diabète, des dépendances et de l’utilisation du cannabis thérapeutique, elle privilégie la prévention et l’éducation.

L’annonce d’un diagnostic de diabète résonne pour plusieurs patients comme un air de sanction. Certains vont croire qu’il en est fini des bonnes choses de la vie et notamment des plaisirs de la table. Et si je vous disais que tout est une question de modération et qu’un régime basé sur des choix alimentaires sains apporte aussi son lot de satisfaction.

Je répète souvent à mes patients qu’il faut désormais miser davantage sur la qualité et non la quantité et qu’il est utile de choisir «ses sucres». J’entends par là diminuer l’apport des sucres concentrés (dans les desserts, les plats préparés, les boissons gazeuses, etc.) et consommer davantage des sucres lents, à index glycémique bas, et des sucres naturels des fruits.

En début de traitement, les patients sont plutôt conciliants et avec raison, par crainte de complications liées au diabète. Malheureusement, bon nombre d’entre eux se laisseront glisser vers une douce négligence, prétextant qu’ils se sentent bien. Hélas, le grand mal est bien là. Le diabète est une affection chronique insidieuse qui s’infiltre et attaque les petits vaisseaux sanguins d’abord, puis ceux qui alimentent plusieurs organes et finalement les plus gros. Ainsi, lorsque les patients commencent à se porter moins bien, les dégâts sont déjà bien avancés.

Il existe plusieurs types de diabète, mais je me contenterai ici de disserter sur le type 2. Il atteint une grande proportion d’individus à l’âge adulte, sédentaires et souffrant d’embonpoint. Remarquons que depuis ces dernières décennies, nous assistons à l’apparition de plus en plus de cas chez les enfants et les adolescents. Sa survenue s’explique par une prédisposition génétique et par une séquence d’évènements métaboliques qui mènent à une insuffisance insulinique.

Fruits et légumes coupés et disposés d'une certaine manière

Crédit : Dose Juice / Unsplash

C’est soit que le pancréas ne produit pas assez d’insuline, soit que l’insuline produite est inefficace (résistance à l’insuline). L’insuline est une hormone qui permet aux glucides d’entrer dans les cellules afin de leur fournir l’énergie nécessaire. Paradoxalement, il n’est pas rare que des individus aient un taux de glycémie si élevé lors de leur diagnostic qu’ils se retrouvent littéralement dans un état de famine, le «sucre» demeurant séquestré dans le sang (hyperglycémie).

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre d’individus atteints de diabète sur le plan mondial est passé de 108 millions en 1980 à 442 millions en 2014. Pour sa part, la Fédération internationale du diabète (IDF) a annoncé qu’il s’agissait là de la plus pressante urgence de santé globale au 21e siècle. Chaque année un nombre grandissant d’individus sont diagnostiqués diabétiques. Le Canada ne fait pas meilleure figure. En 2015, il était estimé que 9,3% de la population était atteinte de diabète. Il est prévu que ce nombre atteindra 12,1% d’ici 2025. Les chiffres sont bien plus alarmants pour ce qui est des prédiabétiques (22,1% en 2025). Ces derniers ont le fort potentiel de se convertir en diabétiques francs dans les années qui suivront.

Idéalement, le temps d’intervenir devrait survenir avant le diagnostic du diabète, d’où l’importance de la prévention. Car lorsqu’on en est atteint, il est difficile de s’en débarrasser et ses complications sont désastreuses. Je réitère fréquemment auprès de ma patientèle que lorsqu’on est atteint de diabète, deux scénarios se présentent à nous. Le premier est que vous acceptiez de gérer votre diabète et le second est que vous laissiez le diabète vous gérer. Je puis vous assurer que le second choix n’est pas le meilleur!

« Le premier est que vous acceptiez de gérer votre diabète et le second est que vous laissiez le diabète vous gérer. Je puis vous assurer que le second choix n’est pas le meilleur! » Dre Julie L. Hildebrand

Le diabète est la principale cause de cécité, de maladie rénale terminale et d’amputation non traumatique chez les adultes canadiens. Les maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral) surviennent deux à quatre fois plus souvent chez les adultes diabétiques. Trente pour cent des patients diabétiques souffrent en concomitance de dépression. Les complications du diabète auraient entrainé un décès prématuré dans 1 cas sur 10 en 2008-2009.

C’est une maladie intransigeante qui a le potentiel d’induire des complications sur plusieurs organes et systèmes : rétinopathie (cécité), néphropathie (insuffisance rénale), neuropathie périphérique (conduisant parfois à l’amputation), gastroparésie (ralentissement du système digestif), atteinte des articulations (bursite), atteinte urologique (rétention urinaire, dysfonction érectile), atteinte de la peau (plaies chroniques), atteinte du cerveau (AVC, risque de coma).

La prévention s’articule autour d’une saine alimentation (régime de type méditerranéen, consommer plus de fibres, éviter les gras saturés), de l’exercice à raison de 30 minutes par jour ou 50 minutes trois fois par semaine (cardio certes, mais particulièrement musculature et haltères), s’abstenir de fumer, consommer des quantités modérées d’alcool (et favoriser le vin rouge), développer des méthodes pour contrer le stress (méditation, lâcher-prise, etc.) et, finalement, des cultiver relations sociales et familiales épanouissantes.

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Lorsque sa manifestation est inévitable, nous disposons à l’heure actuelle d’un bel arsenal thérapeutique pour diminuer les taux de glycémie. De nouveaux traitements ont vu le jour récemment, ouvrant de prometteuses perspectives. Certains se sont montrés extrêmement efficaces dans le contrôle du diabète, mais de surcroît dans la perte de poids et la réduction des complications sur les reins ainsi que les maladies cardiovasculaires. Toutefois, aucun traitement curatif n’a été élaboré à l’heure actuelle et nous sommes encore loin du pancréas artificiel!

Entretenir de favorables modifications des habitudes de vie, telles que mentionnées en prévention, évitera que le diabète se complique et nécessite une médication plus abondante.

Les méditerranéens sont parmi les gens les plus heureux de la planète… peut-être devrait-on davantage imiter leur régime ainsi que leur mode de vie. Non! Un diabète bien contrôlé n’est pas synonyme de sanction, mais l’assurance d’une vie gratifiante en bonne santé! Nous devrions tous d’ores et déjà adopter des habitudes de vie comme si nous étions appelés à devenir de futurs diabétiques… cela éviterait que l’on développe à moyen et long terme des conditions morbides, telles que l’obésité, le syndrome métabolique, des maladies cardiovasculaires et le cancer, qui réduisent la longévité et la qualité de vie.

Un cas classique

  • «Docteur, je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je crois que la pandémie a eu raison de mon bon moral. Je me sens fatigué. Si je le pouvais, je dormirais toute la journée. Je me sens déprimé, je n’ai pas de motivation. Si seulement j’arrivais à dormir convenablement, mais je passe la nuit à me lever pour me rendre aux toilettes afin d’uriner. C’est embarrassant… mais je crois que cela explique les démangeaisons et rougeurs qui sont apparues au niveau de mes parties génitales. Ensuite, il me prend des soifs comme si j’avais traversé le Sahara de long en large. J’ai un appétit de loup et pourtant, je ne me sens jamais réellement rassasié. J’ai aussi noté que ma vision s’embrouille après les repas. Oh, j’oubliais! Je sais que je devrais vous consulter que pour un problème à la fois, mais j’ai cette plaie au gros orteil qui ne veut pas guérir.»

 

  • «Je vois, il me semble que vous ayez pris du poids dernièrement. Faites-vous toujours vos marches de santé quotidiennement? Je crois qu’une prise de sang s’impose!»